(Sony 2011)
Deux ans après le succès de West Ryder Pauper Lunatic Asylum qui les a propulsé parmi les grands groupes populaires de leur génération en Grande-Bretagne, Kasabian reviennent avec leur formule qui commence à s’étioler au fur et à mesure que les albums s’empilent et que l’inspiration de Serge Pizzorno s’érode. Si leur musique n’a plus rien d’imprévisible après quatre albums, Kasabian ne manquent pas pour autant d’ambition. Le groupe, désireux de toujours se surpasser par rapport à l’album précédent, tente le pari délicat de changer les choses, mais pas trop. D’aller de l’avant, mais sans oublier d’où il vient. En politique on appelle ça “la rupture tranquille”. En musique on dit “l’album de la maturité”
Alors, que vaut un Kasabian mature ? A-t-on vraiment envie de voir le chanteur à l’attitude d’éternel collégien Tom Meighan se ranger des voitures ? Il n’y a en réalité aucun risque que cela ne se produise. Arrivé à un tel niveau de popularité, les groupes se trouvent toujours dans la situation délicate d’avoir à gérer leurs acquis et perpétuer ce qu’ils représentent. En gros, le groupe est aujourd’hui condamné à s’auto-parodier sans le laisser paraître. Kasabian a le bénéfice de posséder une image vaguement avant-gardiste (parce qu’il utilise des instruments du futur, voyez) et peut ainsi froisser un peu son public en prenant des directions audacieuses (à l’image de ces titres de dance-floor que contenait l’album précédent West Ryder Pauper Lunatic Asylum), mais là où le bât blesse, ce que tout groupe qui se vante d’avoir une attitude rock’n’roll ne peut que sombrer dans la caricature une fois fortune faite. Difficile de péter dans la soie et de la jouer cinglé sur scène de façon convaincante (quiconque réfutant cette affirmation est invité à chercher les mots clefs “steven tyler hawaii jet-ski” sur Google). Kasabian – pas décidé à risquer le suicide commercial en sortant un album vraiment audacieux – n’a ainsi d’autre choix que de continuer à calquer son attitude sur Oasis, modèles du genre en termes de pérennisation d’image authentique northern AOC et de brossage du public dans le sens du poil.
Le fond de commerce de Kasabian, cette formule que le groupe vend à ses fans depuis toujours, c’est un son rock puissant teinté d’électronique, des gros refrains mémorisables et une attitude frondeuse de lads de Leicester. Ce cahier des charges est parfaitement tenu dans Velociraptor! qui puise son inspiration parmi les meilleurs moments du répertoire de Kasabian et fait la synthèse de tous les albums précédents du groupe avec une précision étonnante. Nombre de morceaux paraissent déjà entendus, mais – et c’est là le talent de Pizzorno – on arrive à se faire attraper par plusieurs d’entre eux malgré soi. On sait que c’est du réchauffé, mais un réflexe pavlovien nous fait apprécier cette recette déjà goûtée. Comme chez Oasis, encore.
Sur Velociraptor!, on se surprend ainsi à siffler l’ouverture “Let’s Roll Just Like We Used To” malgré sa production un peu lourde (violons et trompettes se renvoient la balle) ou à dodeliner de la tête sur la déferlante de décibels de “Vélociraptor”. Rien de neuf dans tout cela, mais c’est plutôt bien fait, et assez nerveux pour remuer l’auditeur. Le vrai beau moment de l’album néanmoins donne dans un registre tout différent et se nomme “La Fee Verte”, chanson mélancolique où une mélodie insaisissable se déroule comme une évidence.
Parfois, le recours systématique aux vieilles ficelles se fait trop apparent, notamment sur “Days Are Forgotten” qui ressemble décidément à “Processed Beats” et s’égare dans un refrain braillard qui annihile son charme. Idem pour “Acid Turkish Bath” qui évoque tellement de titres qu’on a la flemme de les énumérer. Autre souci, les ballades. La mélodie peut être plaisante, on a du mal à visualiser Tom Meighan en chanteur romantique dans “Goodbye Kiss”. Nul doute qu’un chanteur un peu plus suave ou plus subtil aurait su en faire une vraie chanson fragile et délicate. Meighan joue dans le registre du rock’n’roll animal – ce qu’il tente sans cesse de valider à grands coups de déclarations impétueuses telles que “My soul you can have it ’cause it don’t mean shit, I’d sell it to the devil for another a hit » (“I Hear Voices”) – et sa difficulté à sortir de ce rôle (qu’il tient à merveille, il faut avouer) témoigne du peu de perspectives qui s’offre à Kasabian en termes d’évolution.
Comme chez Oasis une fois de plus, ce sont aussi les limites du frontman qui maintiennent le groupe dans un statu quo sclérosant. Le fait que “Neon Neon”, excellent morceau loin des canons de Kasabian où guitares acoustiques et amusantes sonorités synthétiques se mêlent, figure parmi les meilleurs moments de cet album intrigue. Car au final, les morceaux qu’on préfère de Velociraptor! sont ceux chantés par Pizzorno et qui s’écartent des codes du groupe. Autrement, on s’ennuie gentiment, et on se demande si Kasabian dans cette formation bicéphale ne sont pas arrivés au bout de leurs idées. Sur Velociraptor! il parviennent encore à les recycler habilement, mais on doute que l’illusion dure longtemps.
Tracklisting :
1 Let’s Roll Just like We Used To *
2 Days Are Forgotten
3 Goodbye Kiss
4 La Fee Verte *
5 Velociraptor!
6 Acid Turkish Bath (Shelter from the Storm)
7 I Hear Voices
8 Re-Wired
9 Man of Simple Pleasures
10 Switchblade Smiles
11 Neon Noon *
Vidéos :
“Days Are Forgotten”
Vinyle :