(Warner 1973)
C’est Noël, c’est la fête, tout le monde s’offre des cadeaux et s’apprête à faire du gras à force de chocolats et alcools variés. Malgré cette ambiance festive, un nœud se serre pourtant dans votre estomac à l’idée du futur réveillon de la St Sylvestre et le supplice que représentent plusieurs d’exposition mortelle à la crème de la musique dite “de fête”. Cela fait des années que Michel Sardou et les Village People s’invitent à nos réveillons, il est temps que ça cesse. Un homme peut vous aider en ces temps difficiles : Isaac Hayes.
La B.O. de Shaft est un classique, vous la connaissez déjà et tous vos amis, moins obsessionnels en matière de bande-son que vous, aussi. Saisissez cette chance. Entre “Nuit de Folie” et le “Jerk”, glissez Shaft dans la platine et sauvez votre réveillon.
Car “Theme From Shaft” est le morceau ultime en matière de grosse basse et trompettes., le modèle du genre. L’intro est monstrueuse : le batteur marque le tempo, assez rapidement surgit une guitare wah-wah qui pousse l’auditeur à dodeliner gentiment. Des accords de piano font monter l’intensité, une flute douce et un hammond finissent de planter le décor, la fête peut commencer. Les premières notes de trompette se font entendre ainsi que des trombones à coulisse et des violons. On est déjà sidéré par la sensation d’attente, de suspense que génère cette orchestration majestueuse.
Arrive la première explosion puis la montée lancée par tous les instruments à la fois, menés par cette trompette vindicative et des violons énervés. On est dans la surenchère totale, entre infra-basse et arrangements sirupeux. La mélodie serpente… puis arrive la voix de baryton du grand Isaac. La suite est hilarante. Le dialogue entre Hayes et des voix féminines propose un résumé assez fidèle du film en présentant Shaft comme une sex-machine-sauveur de l’humanité. Can you dig it?
Si personne n’enflamme la piste à ce moment là deux solutions : changer de groupe d’amis ou vider cul-sec la première bouteille à votre portée (ou les deux). Pour ceux qui en redemanderaient (plus que probable), “Shaft’s Cab Ride” est aussi un excellent – mais très court – défouloir du même acabit, quoiqu’un peu plus R&B. On le conseille dans la foulée. Le morceau “Cafe Regio’s”, tendance muzak peut aussi se danser au second degré. Par contre, évitons “Be Yourself” qui flirte avec le funk de supermarché de Kool & The Gang.
Le reste de l’album est excellent, dans un registre complètement différent. B.O. oblige, on retrouve quelques chansons d’ambiance à suspense comme “Walk From Regio’s” et “No Name Bar” et des tonnes de chansons tirées de scènes d’amour (souvenez-vous le héros de ce film est une sex-machine), “Early Morning Sunday”, “A Friend’s Place”, “Soulsville” et “Bumpy’s Blues” étant indubitablement les meilleurs, le dernier s’illustrant avec un solo de saxophone comme Marc Dorcel sait si bien les faire. Idéal pour emballer (et plus).
Si vos potes en redemandent encore après ça – et après 5h du matin probablement – achevez les avec ce “Do Your Thing”de près de 20 minutes, une jam funk-R&B qui se termine normalement avec des gens qui dorment sur la table pendant que les autres roulent des joints et vident les fonds de bouteille. Une chose de sure, les michelsardistes auront été écoeurés depuis longtemps.
La semaine prochaine : comment tirer les rois avec Curtis Mayfield.
Vidéos :
La bande-annonce du film