(Sub Pop 2011)
La fin d’année est proche, c’est l’heure du rattrapage, la dernière opportunité de parler des albums qui ont marqué l’année. Parmi eux, Helplessness Blues, second essai des Fleet Foxes, qui a divisé la critique à sa sortie. Certains ont détesté, d’autres l’ont placé parmi les chefs d’œuvres de l’année (l’illustre Mojo en tête), et d’autres comme nous ont du mal à avoir un avis définitif concernant cet album.
On l’attendait celui-ci, tant son prédécesseur nous avait retourné, mais on a eu du mal à entrer dedans. Alors on a insisté, on s’est dit que sa beauté se révélerait au fil des écoutes, mais après des mois d’allers-retours vers cette galette on n’arrive pas à être complètement convaincu. Nos attentes étaient-elles trop hautes ? Le fait que le groupe avoue lui-même avoir eu du mal à réaliser cet album – et a même tout réenregistré de A à Z après des premières sessions infructueuses – témoigne des difficultés des Fleet Foxes à se montrer à la hauteur de leur formidable premier album.
Helplessness Blues commence bien pourtant avec “Montezuma” et “Bedouin Dress” qui replongent immédiatement l’auditeur dans l’univers folk-rock pastoral propre au groupe. Après ces deux morceaux divins, on se dit que l’album est lancé pour atteindre des sommets inaccessibles mais très vite la suite s’avère sans surprise, et on ne sourcille d’étonnement qu’à la lecture des noms des morceaux qui versent de plus en plus dans l’improbable (“Montezuma”, “Sim Sala Bim”, “Battery Kinzie”, “Lorelai”). Fascinantes la plupart du temps, les omniprésentes obsessions folk traditionalistes de Robin Pecknold semblent parfois hors de propos dans certains morceaux (à l’image de cette mandoline à la fin de “Sim Sala Bim”) et la tentation prog n’est jamais loin (en témoigne l’épique “The Shrine / An Argument” aux mouvements déroutants). On redoute à de nombreuses reprises au long de “The Helplessness Blues” que le groupe s’égare dans des détours indigestes, notamment lorsque les solos de guitare acoustique s’étirent comme sur “The Cascades”. Sur cet album, Fleet Foxes ne parviennent pas toujours à retrouver le miraculeux équilibre de leur prédécesseur. Le côté champêtre et mystérieux de Fleet Foxes ressurgit à de maintes reprises (“Bedouin Dress”) mais le groupe ne parvient pas à maintenir cet état de grâce sur la durée de l’album. La faute à quelques textes étranges (comme “Montezuma” et sa réflexion naïve sur la paternité et la vieillesse), à quelques passages longuets mais aussi à quelques plans repiqués à l’album précédent qui trahissent un manque d’inspiration criant côté mélodies.
Bien sûr, Fleet Foxes savent encore surprendre et maîtrisent toujours à la perfection l’art du contrepied, parfois même lors d’un seul morceau (à l’image de “Bedouin Dress”, véritable chef d’œuvre de l’album, qui possède un pont magique). De temps à autre, Fleet Foxes viennent ainsi rappeler qu’ils sont un groupe hors du commun, comme sur “Battery Kinzie” et “Blue Spotted Tail” où la voix de Pecknold fait merveille ou encore sur “Lorelai”, ballade ternaire venue d’un autre temps. Ces moments de pureté sont malheureusement trop rares et l’album ne sort que trop sporadiquement de l’ordinaire. D’où notre déception : on espérait beaucoup après la perfection baroque de Fleet Foxes, mais ce Helplessness Blues montre un groupe en manque d’inspiration, comme tétanisé par la tâche herculéenne de succéder un album universellement célébré. On espère d’eux qu’ils sauront renouveler leur formule à l’avenir, car le danger de la lassitude n’est pas loin. Une carrière dans les circuits folk à la Fairport Convention, faite de festivals de type Green Man ou Cambridge Folk Festival, les menace. A moins que ce ne soit ce qu’ils désirent…
Tracklisting :
- Montezuma
- Bedouin Dress *
- Sim Sala Bim
- Battery Kinzie *
- The Plains / Bitter Dancer
- Helplessness Blues
- The Cascades
- Lorelai
- Someone You’d Admire
- The Shrine / An Argument
- Blue Spotted Tail *
- Grown Ocean
Vidéos :
“Sim Sala Bim” (live @ Later With Jools)