TOM PAXTON – Ramblin’ Boy

Classique oublié

(Elektra ; 1964)

Artiste aujourd’hui largement mésestimé – ou considéré au mieux avec indifférence, Tom Paxton était une des figures importantes du folk new-yorkais du début des années 1960.

Il était surtout l’un des singer-songwriters les plus doués de cette scène, et a enregistré en l’espace de quelques années des chansons d’une beauté extraordinaire. Sorti en 1964 sur le label de Jac Holzmann, Ramblin’ Boy est le premier album studio de Tom Paxton (en 1962, le label Gaslight avait publié à un tirage très réduit un album live intitulé I’m the man who built the bridges). Sur ce disque, Paxton est accompagné par Barry Kornfeld (deuxième guitare, banjo et harmonica) et par Felix Pappalardi (guitarron) ; le dernier des deux étant un des personnages au destin fascinant, qui a notamment joué sur les disques de Fred Neil et de Richard & Mimi Farińa, avant de produire Cream et de fonder le groupe Mountain.

Sur cet album, Paxton parvient concilier des éléments parfois contradictoires avec une facilité déconcertante : l’efficacité de l’album réside précisément dans l’enchaînement de ces pistes de types différents, qui crée un dynamisme enthousiasmant – et parfois étonnant, comme l’apparition d’exubérants bruitages d’animaux sur « Goin’ to the zoo » après le morceau très calme « I’m bound for the mountains and the sea ».  

S’il peut être un critique social à la plume acérée et faire preuve d’une pertinence de jugement prémonitoire (comme le prouva la sortie l’année suivante de « Lyndon Johnson told the nation », sur son deuxième LP), Paxton a surtout l’intelligence et le talent de signer des textes aussi drôles que bien écrits. A la suite de Woody Guthrie et de Pete Seeger, Paxton et la jeune génération de musiciens folk (Ochs, DylanAndersen, Farińa) ont parfaitement assimilé la force de l’ironie, et en ont fait un élément primordial de leurs chansons. Sur Ramblin’ Boy, Paxton démontre son savoir-faire dans le registre des topical songs chères à Phil Ochs sur plusieurs brillantes pistes : « Daily News », « High Sheriff of Hazard » (dont la musique est adaptée d’un morceau traditionnel), ainsi que sur « What did you learn in school today ? », qui fut reprise et adaptée en français par un chanteur dont on ne parle plus beaucoup, Graeme Allwright (sous le titre « Qu’as-tu appris à l’école ? », sortie en 1968 sur son troisième LP).

Lorsqu’il laisse de côté sa verve contestataire, Paxton impressionne encore : il livre des chansons merveilleuses : il promène avec énormément de pudeur et de délicatesse sa voix sur des textes marquants, portés par des mélodies élégantes : parmi ces chansons, « The Last thing on my mind » et « My Lady’s a wild, flying dove » sont deux des ballades les plus touchantes qui furent jamais écrites. L’hommage rendu à Cisco Houston est aussi particulièrement émouvant (« Fare thee well, Cisco ») ; avec cette chanson dédiée à l’éternel complice de Woody Guthrie, Paxton perpétue la tradition du chanteur errant. Il endosse lui-même ce rôle avec plusieurs chansons exceptionnelles : « Ramblin’ Boy », qui donne son titre à l’album (et qui fut reprise par Pete Seeger avant même la publication de ce disque !), et l’intouchable « I can’t help but wonder where I’m bound », pur miracle d’élégance musicale, et sommet indépassable de la carrière de Paxton : un morceau pour l’éternité. « Standing on the edge of town » et « I’m bound for the mountains and the sea » sont les deux autres pistes du disque que Paxton consacre à affirmer son statut d’héritier des songsters itinérants.

D’une densité prodigieuse, Ramblin’ Boy est un album majeur de la scène de Greenwich Village ; au-delà de son importance historique dans le développement du folk US – qui entraîna lui-même des bouleversements énormes dans la scène rock’n’roll, c’est surtout un disque d’une qualité rare, dont l’excellence est aussi évidente qu’au jour de sa sortie, il y a près de cinquante ans.

  

 

Liste des chansons : 

Face A :

  1. Job o’work *
  2. A Rumblin’ in the land
  3. When morning breaks
  4. Daily news
  5. What did you learn in school today?
  6. The Last thing on my mind *
  7. Harper
  8. Fare thee well, Cisco *

Face B :

  1. I can’t help but wonder where I’m bound *
  2. High Sheriff oh Hazard *
  3. My Lady’s a wild, flying dove *
  4. Standing on the edge of town
  5. I’m bound for the mountains and the sea
  6. Goin’ to the zoo
  7. Ramblin’ boy *

 

Vidéos :

“The Last Thing On My Mind”

 
“Ramblin’ Boy” avec Pete Seeger
 

 

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2 Commentaires
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El Hidalgo
Invité
El Hidalgo
15 novembre 2011 9 h 00 min

Merci de parler de Paxton. J’ai mis longtemps à venir venir lui, tout bonnement parce que je lui avais collé une étiquette de protest singer sans grand relief, alors que comme tu l’écris fort
justement, c’est aussi un remarquable mélodiste. “Can’t help but wonder” est un classique instantané, une de ces chansons qui s’imposent par leur évidence et leur simplicité. Un artiste à
réhabiliter.

Frank
Invité
16 novembre 2011 4 h 55 min

Un peu dans le même état d’esprit que El Hidalgo ! Tiens par contre tu parles de Graeme Allwright il a fait des trucs indispensables le garçon ?

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