(Forward 1970)
Qu’on ne se fie pas au nom qui figure sur la pochette. Bob Markley, tout au long de sa carrière discographique n’a jamais été qu’un escroc, un poseur à la petite semaine, un sombre individu aux obsessions malsaines dont les motivations musicales n’avaient rien d’artistique.
Après avoir financé et mené The West Coast Pop Art Experimental Band pendant quatre années d’insuccès chronique, Markley accomplit un dernier méfait. L’ultime album du groupe fut publié sous son nom propre, sans que les autres musiciens soient crédités.
Notons qu’avant cela, The West Coast Pop Art Experimental Band avait produit quelques uns des albums les plus attachants de la scène californienne des années 60. Si Bob Markley était le chanteur du groupe grâce au pacte faustien que les autres musiciens avaient passé avec lui, les vrais cerveaux derrière les belles créations pop du combo se nommaient Danny et Shaun Harris et Michael Lloyd.
A chaque nouvel album néanmoins, Markley entrainait The West Coast Pop Art Experimental Band dans une direction plus étrange, en raison notamment de ses textes au goût de plus en plus discutables. Car chacun le sait, la fin des années soixante fut celle de la libération sexuelle et de l’ouverture des sens de toute une génération. Markley avait la trentaine bien tassée quand il commença le groupe et approchait la quarantaine à la fin de la décennie. Emoustillé par les nymphes qui gravitaient autour du groupe et enivré par l’air du temps, il commença à s’intéresser de près aux filles à peine majeures. Son obsession pour les jeunes femmes devint franchement inquiétante lorsque sortit en 1969 le concept album du groupe Where’s My Daddy ? entièrement dédié à une jeune fille nommée Patty. Glauque (et d’autant plus dérangeant que la musique du groupe sur cet album est magnifique).
Il va sans dire que dès lors les musiciens commencèrent à s’éloigner de ce personnage de plus en plus interlope et que la fin du groupe apparaissait inévitable. Le split eut lieu dans le courant de l’année 1970, non sans que le groupe ait eu le temps d’enregistrer au préalable le matériel pour un ultime album. Etonnamment, ce Markley, A Group inachevé par endroits et que Bob Markley tenta de faire passer pour sa création personnelle dans l’espoir de relancer sa carrière est un des meilleurs du groupe. La raison de ce prodige est très simple : les sessions ayant tourné court, le travail sonore sur les chansons est dénué d’artifices psychédéliques et autres arrangements complexes, si bien que les mélodies sont mises à l’honneur avec simplicité.
De l’intro “Booker T & His Electric Shock” aux contours folk-rock à l’ultime ballade champêtre “Inside Outside”, l’album est une collection de chansons pop parfaites. Les mélodies confinent parfois au sublime (“Roger The Rocket Ship” qui semble sortir tout droit de Magic & Medicine de The Coral (ces derniers n’ont jamais caché leur admiration pour le groupe californien), “Little Ruby Rain” et “Sarah The Sad Spirit” à la pureté baroque, quelque part entre Love et Colin Blunstone). Même les bouffonneries sont délectables, telles ce “Zoom Zoom Zoom” au son de guitare intriguant, ou “The Magic Cat” qui évoque le meilleur des Monkees. Au détour d’un morceau rock’n’roll tel que “Sweet Lady Eleven”, le groupe démontre même qu’il n’avait rien à envier aux meilleurs groupes west coast. Un sans-faute quasiment, si on écarte le pastiche dylanien “Truck Stop” et l’ineptie totale de la plupart des paroles (“look out for interplanetary spaceships in magnetic storms, some sort of defense warning system should be set up”), qui ne devrait toutefois pas gêner plus que ça l’auditeur francophone.
Comme les albums de The West Coast Pop Art Experimental Band, l’album solo de Bob Markley ne connut aucun succès et tomba dans l’oubli en même temps que son “auteur”. Ainsi s’acheva la belle histoire de The West Coast Pop Art Experimental Band, dans la même confusion qui accompagna toute sa carrière. La carrière de Markley en tant que musicien s’arrêta ici, les quelques infos circulant sur le reste de sa vie sont assez glauques pour qu’on ne les répète pas ici (essentiellement des histoires de démence mentale, de prison et d’addiction, preuves supplémentaires que l’idiome sex, drugs & rock’n’roll est une vaste connerie). Les cerveaux du groupe, eux, ne firent plus rien de notable dans le milieu de la musique mais ont laissé derrière eux la trace et le souvenir d’un des groupes les plus doués de la west coast des années 60.
Tracklisting :
- Booker T & His Electric Shock *
- Next Plane To The Sun *
- Roger The Rocket Ship *
- Elegant Ellen *
- Little Ruby Rain
- Message For Miniature
- Sarah The Sad Spirit
- Truck Stop
- Zoom Zoom Zoom *
- Sweet Lady Eleven *
- The Magic Cat
- Outside – Inside
Vidéos :
“Elegant Ellen”