(Mercury ; 1963)
Lee Hazlewood est aujourd’hui davantage célébré pour ses talents de compositeur et de producteur que pour ceux d’interprète. Cela est assez logique, si l’on considère le succès qu’il a obtenu pendant les années 1960 et 1970, avec Nancy Sinatra bien sûr, mais aussi avec d’autres interprètes (signalons la publication récente du double LP The LHI Years – Singles, Nudes and Backsides par Light In the Attic, un prodigieux label qui a prévu de rééditer plusieurs albums de Hazlewood pendant les prochaines années).
Trouble is a lonesome town est un concept album organisé autour de la ville imaginaire de Trouble, où Hazlewood prétend avoir passé son enfance, et dont il décrit quelques-uns des personnages remarquables et des aspects importants en une dizaine de chansons. Le disque est conçu de façon très particulière et structuré de façon très systématique, puisque chaque chanson est précédée d’un cours monologue parlé qui lui sert d’introduction. Musicalement, Trouble is a lonesome town est principalement un album de country-music, mais laisse place à d’autres genres musicaux (blues et rock’n’roll) qui permettent d’apprécier plusieurs facettes du talent de son auteur. Âgé de trente-quatre ans au moment de la sortie de cet album, Lee Hazlewood est déjà un producteur chevronné ; il a même déjà publié quelques singles (dont plusieurs sous le pseudonyme de Mark Robinson, que Light in the attic a inclus à la suite de l’album dans sa réédition de 2013).
Comme cela a souvent été le cas dans les chansons postérieures qu’a enregistrées Hazlewood, celles de ce disque sont un mélange attachant d’humour et de sagesse, et les textes sont livrés de façon détachée et volontiers absurde (« 99 years is what he got, I bet it seems like a hundred to Jim » sur « Long Black Train », «You’ll never get out of this world alive » sur «We’ll all make the flowers grow », etc.). Les thèmes abordés par les chansons de ce disque sont des thèmes éternels : l’amitié, « Long Black train », la mort « We’ll all make the flowers grow », les rapports familiaux, « Six feet of chain » et les relations hommes/femmes « Look at that woman ». Le tout est solidement ancré dans l’imaginaire américain et sa mythologie de conquête de l’Ouest : le chemin de fer, les cow-boys et les outlaws, la prison et la figure omniprésente du croque-mort local, personnification de la mort qui n’est jamais très lointaine…
La voix basse et chaleureuse de Hazlewood est immédiatement identifiable, et le charme qu’elle dégage opère dès les premières secondes du disque. Trop peu reconnu comme un grand interprète, Hazlewood n’avait pourtant rien à envier à des chanteurs acclamés de toutes parts comme Johnny Cash ou Leonard Cohen. La qualité mélodique des chansons est énorme, d’une simplicité désarmante, et portée par une production qui est ici pleine de retenue (ce qui n’a pas toujours été le cas dans la carrière de Hazlewood, notamment pour quelques-uns de ses morceaux les plus connus). Le son est cristallin, frappant de justesse, et la douceur des lancinants accords de guitare acoustique s’accorde parfaitement à la voix de Hazlewood (« Son of a gun » ; « We’ll all make the flowers grow »), l’harmonica apporte une touche d’acidité qui fait écho au chant très bas (« Trouble is a lonesome town ») et une basse assure un fond solide et une assise balancée.
Avec ces dix chansons, Lee Hazlewood a livré un premier LP extraordinaire, un classique indispensable qui n’était que le premier album d’un artiste appelé à connaître un succès populaire quelques années plus tard, et voué à devenir une figure tutélaire pour des générations de musiciens du monde entier.
Liste des chansons :
- Long Black train *
- Ugly Brown
- Son of a gun
- We all make the flowers grow *
- Run boy run *
- Six feet of chain *
- The Railroad
- Look at that woman
- Peculiar guy
- Trouble is a lonesome town *
Vidéos :
“Long Bad Train”
Vinyle :
L’album vient d’être réédité par Light In The Attic