Descente exceptionnelle à Lyon ce soir où on est doublement emballés par l’affiche rock’n’roll que propose Le Citron. The Naast sont un de ces jeunes groupes dont Rock&Folk fait l’apologie (et la promo) depuis plusieurs mois – rien d’étonnant à cela car Gustave, le leader de ce jeune groupe est le fils de Paul Rambali, rock-critic reconnu qui collabore souvent avec le canard. Leur premier et plutôt bon 45 tours, “Mauvais Garçon”, vient de sortir il y a peu; du rock’n’roll garage sur laquelle plane l’ombre immense des groupes américains sixties labellisés Nuggets. On demande à voir ce que ça donne sur scène, d’autant que le défi est de taille ce soir : les jeunes parisiens ont le malheur de jouer après un des meilleurs groupes garage français qu’on connaisse, The Purple Lords.
Si The Naast sont surmédiatisés, on ne peut que déplorer l’anonymat dans lequel cet excellent combo freakbeat est confiné. On les a vu en 2004 ridiculiser les Embrooks dont ils faisaient la première partie au CCO de Lyon. Depuis, le line-up du groupe a changé et les Purple Lords tardent à décoller. Le match s’annonce s’annonce intéressant…
La 1ère partie est assurée par un duo batterie/guitare nommé Teenage Ladder. Le chanteur a bricolé une guitare d’enfant en scotchant un micro dans la caisse de résonnance. Il en sort un son tout a fait surprenant, granuleux et organique. Le groupe envoie une salve de morceaux très courts dans un registre blues garage, façon Black Keys ou White Stripes du début. Une excellente mise en bouche.
Les Purple Lords ensuite arrivent avec leur nouvelle configuration. Il est rapidement clair que le groupe est en rodage et lutte sur quelquess morceaux – certains regards ne trompent pas –, d’autant que plusieurs sont exécutés pour la première fois en public. Pour autant, personne ne leur en tient rigueur, car la musique qu’ils proposent est véritablement captivante. Leur rock’n’roll garage, à mi-chemin entre Radio Birdman et The Chords emporte rapidement l’adhésion du public, qui de toute façon s’était déplacé pour eux.
La nouvelle rythmique tient la route, les solos de guitare explosent, le groupe – à commencer par son charismatique chanteur au visage angélique – a du talent plein les doigts. Après un milieu de set un rien poussif joué à l’énergie, les Purple Lords terminent leur prestation par une paire de brûlots qui font mouche dont un grand morceau, “Black Rider”, qui possède une ligne de basse hypnotique qui résonne encore dans nos têtes au moment où on écrit ces lignes. On aura, en fait, un seul regret à l’issue de ce concert, celui de ne pas avoir eu droit à l’exceptionnelle “Bad Condition”, mais peut-être est-on trop exigeant de la part d’un groupe recomposé. Alors que la salle se vide, on entend fuser certains commentaires dans le public concernant l’ordre de passage des groupes. Au vu du show qu’a proposé le groupe, on est plutôt d’accord, et on se dit que les Naast vont devoir cravacher pour se montrer à la hauteur.
L’enchaînement entre les deux groupes se fait très vite. Leur insupportable manager vient chercher ses poulains, une équipe de film se met en place pour immortaliser le concert du groupe, et les quatre jeunots à la dégaine travaillée (chanteur déguisé en marin, claviériste avec cartouchière à la ceinture, banane rockab, lunettes noires et duvet post-pubère) déboulent sur scène.
Première surprise : la salle, remplie à l’extrême pour les Purple Lords est boudée par le public pour les Naast. Les gens semblent s’être fait leur avis sur le groupe avant de les voir jouer, peu d’entre eux ont eu la politesse, la curiosité ou l’intelligence de rester. Il semble que le hype autour du groupe lui soit néfaste en dehors de Paris (à moins que tout cela ne soit de l’anti-parisianisme primaire mais on en doute…). Les choses paraissent mal embarquées, d’autant que le choix courageux de chanter en français et la voix juvénile du fameux Gustave ne jouent pas en leur faveur. Ajoutez à cela un volume sonore beaucoup trop fort pour une salle en sous-sol aux dimensions lilliputiennes, et vous obtenez l’indifférence (voire même le rejet) d’une grande partie du public. Le groupe possède ses fans néanmoins, littéralement déchaînés au premier rang, qui se donnent en spectacle et emmerdent le monde. On est content qu’ils soient là, car les Naast ne méritent pas autant de défiance.
Leurs morceaux, très courts, sont joués pied au plancher et apportent leur lot de réjouissances. Il est clair que la leçon Nuggets a été retenue, les Naast ont sans doute 40 ans de retard avec leur beat garage gorgé de farfisa mais le simple fait de voir des mecs de 17 ans se prenant pour les Remains ne peut qu’être une bonne nouvelle.
Le problème dans tout ça, c’est que le groupe possède aussi les limites de ses idoles et a du mal à sortir d’un seul type de chanson – celui du morceau garage basé sur un riff simple et joué en 2 minutes. De fait leur concert devient assez vite répétitif et il faut que le groupe envoie son “Mauvais Garçon” pour qu’on adhère à nouveau. On sort plutôt circonspect de leur prestation. Ces mecs proposent un truc intéressant, dans le domaine musical qui nous tient le plus à cœur en plus, mais leur show ne décolle jamais vraiment. Trop scolaire? On se demande finalement si l’usage de la langue française – inadaptée au chant rock, ça fait cinquante ans que des mecs se cassent les dents dessus – ne joue pas contre eux, à moins que ce ne soit cette désagréable sensation d’être en train de regarder un boys band… Quoiqu’il en soit, ces mecs là sont encore très jeunes, laissons leur le temps de progresser sur les routes de France et de devenir autre chose qu’une curiosité.
Pendant ce temps là, les Purple Lords continuent à enchanter le public lyonnais et tout le monde s’en fout… Quelle justice là dedans?