“Ouais, le rockabilly, c’est toujours la même chose.”
Garder son calme. S’abstenir de toute voie de fait (pourtant légitime). Esquisser un sourire en coin. Avec une ampleur de sénateur, se lever, fureter dans la discothèque, entre les Desperate Rock’n’Roll, les Sun Records et autres Rare Rockabilly. Cérémonieux et souverain, poser le vinyle sur la platine, lancer l’affaire, observer.
Observer la déconfiture de l’odieux philistin: à l’instant que carillonne la guitare de “Long Blond Hair (Red Rose Lips)”, c’est inévitable – la paisible soirée entre copains se métamorphose en orgie épileptique, tohu-bohu de danses frénétiques où les épaules secouent et les pieds tabassent. Les manchots tapent dans leurs mains, les sourds miment les solos, et la compagnie de se jeter comme un seul homme sur gomina, cran d’arrêt et perf’ les plus proches.
Johnny Powers a connu l’honneur assez unique d ‘oeuvrer à travers deux villes et deux labels peut-être les plus emblématiques pour nous: Detroit et Memphis, Sun et Motown. Après quelques gratouillis rythmiques, sous l’influence de Jack Scott (“The Way I Walk”), il émerge sur le label Fortune (les splendides concurrents malheureux de Motown, hôtes de Nolan Strong ou Nathaniel Mayer). Mais son vrai coup de maître est gravé en 1958 sur Fox, le 45 tours “Long Blond Hair / Rock rock”. Descendu à Memphis après ces petits succès régionaux, il produit chez Sam Phillips une belle session de morceaux, dont beaucoup paraîtront seulement plus tard, à l’état de démo. “I’m Evil” démarque le “Trouble” de Presley. La rauque ballade “With Your Love, With Your Kiss” ou encore “Me And My Rythm Guitar” démontrent un talent toujours éblouissant. De retour à Detroit, il est signé chez Motown, puis producteur dans les années 70, et encore actif aujourd’hui, grâce au culte toujours vivace, un peu partout, des puristes rockabilly.
Pour l’éternité néanmoins, nous ferons retentir sur les juke-box de la Voie Lactée “Long Blond Hair”. Sur les pochettes, sa bonne bouille tout sourire de jouvenceau félin, pommettes et houppe saillantes, n’annonce pas cette tornade: riff d’intro saisissant, rythmique acoustique imparable, solo hennissant. La voix nous fait tomber à genoux: Powers alterne à merveille les trépidations déchirantes haut perchées et le phrasé en basses de crouneur. C’est tout simplement l’un des meilleurs rockabilly jamais gravés.
Vidéos :
“Long Blong Hair”
A écouter :
Johnny Powers, espérons avoir été clairs, n’est pas l’homme d’un seul morceau. Même ses démos présentent un intérêt évident. Acquérir une bonne compile vaut donc le coup, par exemple l’excellente Rock! Rock! Rock! Rock! Rock! Rock! Johnny Powers (Roller Coaster 2010), encore trouvable dans les échoppes sérieuses. Chez Norton, le cédé Johnny Powers Long Blond Hair comprend quelques titres supplémentaires.
Le site officiel de l’artiste : www.johnnypowers.com