(In The Red 2015)
« Ty Segall », « nouveau projet » : ces mots, articulés au sein d’une même phrase, paraissent désormais si familiers qu’ils en deviennent presque caricaturaux. Pourtant, au moment où il découvre la nouvelle (toujours nimbée de mystère, selon la tradition segallienne), c’est l’excitation plutôt que la moquerie qui saisit le petit amateur de rock’n’roll ; car celui-ci, à ce jour, n’a jamais – ou alors très rarement – été déçu par les productions du blondinet.
L’an dernier, le petit amateur de rock’n’roll eut ainsi l’occasion de s’exciter à deux reprises : une première fois lorsqu’il découvrit que Segall montait un groupe avec des membres des Melvins et de OFF!, répondant au nom fleuri de Broken Bat ; une seconde quand il apprit que Segall s’acoquinait à Chris Shaw (leader du groupe de punk Ex-Cult) et Charles Moothart (l’éternel bras droit, déjà présent dans le Ty Segall Band et Fuzz) pour créer GØGGS.
Segall et Shaw avaient déjà collaboré à l’occasion du premier album d’Ex-Cult, paru en 2012 et produit dans le garage de Segall par ce dernier (qui a par la même aidé le groupe à se construire une petite notoriété parmi les amateurs de garage-punk). Il semblerait que le projet GØGGS remonte à cette période. A en croire le communiqué dont Chris Shaw s’est fendu pour présenter le groupe, GØGGS était en effet dans les petits papiers des deux compères depuis un bon moment. Ils auraient ainsi profité du fait que Segall s’installe à Los Angeles pour s’exécuter, recrutant dans la foulée Charles Moothart, qui a rejoint la troupe en sa qualité de « thrash master » (toujours selon Chris Shaw).
Quelques mois après que les trois hommes se furent réunis (en septembre 2015, pour être précis), le monde put enfin découvrir leur musique, par le biais d’un single paru chez In The Red. Pour quiconque connaissait déjà un peu la musique d’Ex-Cult, il apparut très vite que GØGGS était en fait et d’abord le nouveau jouet de Chris Shaw, avant même d’être celui de Ty Segall. En effet, la face A « She Got Harder », chantée (aboyée, est-on tenté d’écrire) par Shaw, est typique de la musique furieuse et incandescente de son autre groupe : l’atmosphère est pesante, le son compressé, le tempo extrêmement rapide et la musique très violente. Les guitares abrasives émergent de toute part, les enceintes vrombissent et les murs tremblent. Segall et Moothart apportent à l’ensemble leur précision technique, leur vélocité – cette basse ! – et leur science de la production. « She Got Harder » est ainsi meilleur que tout ce qu’a pu produire Chris Shaw avec Ex-Cult par le passé.
La face B du single, « Billy Is a Runaway », est une reprise d’Iggy Pop qui n’a pas à rougir de la comparaison avec l’originale (présente sur New Values, l’un des meilleurs albums de l’Iguane paru en 1979). Shaw, au chant, n’est forcément pas aussi convaincant qu’Iggy, mais il mène cette version dégingandée, toute en syncope et saxophone en roue libre, très honorablement.
Un album du groupe est prévu pour le courant de l’année 2016, avec des apparitions de Cory Hanson (Wand) et Mikal Cronin – entre autres. Il s’annonce comme une belle fête, un exutoire pour tous ces copains qui ont, pour la plupart, un peu délaissé le garage-punk au cours des dernières années. Quant à Chris Shaw, il doit se frotter les mains : si la direction indiquée par ce single se confirme à l’avenir, GØGGS ressemble à s’y méprendre au véhicule idéal pour donner une ampleur et une force supplémentaires à son punk teigneux.
Tracklisting :
Face A : She Got Harder
Face B : Billy Is a Runaway
En écoute :