TY SEGALL – Harmonizer

La surprise du chef

(Drag City 2021)

Depuis quelques mois, les fans s’impatientaient. Ty Segall, d’ordinaire si prolifique, n’avait encore rien publié en 2021 alors même que le climat de confinement et l’absence de concerts auraient dû lui offrir le temps qui lui est nécessaire pour concocter une bonne douzaine d’albums.

Ce n’est que mi-juillet que ces mêmes fans ont repris espoir, quand le chanteur a vidé son compte Instagram pour ensuite commencer à publier des courtes séquences vidéo aux sonorités électroniques. Soudain, ce 3 aôut à 16h, l’affolement. Nouvel album en ligne. Now.

Dès les premières secondes d’Harmonizer, il devient apparent que Ty Segall a mis cette année confinée à profit pour s’intéresser à d’autres façons de faire de la musique. A l’instar d’Altin Gün ou de King Gizzard, tout ce temps libre à domicile lui aura laissé le temps de s’amuser avec des machines électroniques. En revanche, contrairement à ces derniers, Segall utilise ces machines pour créer des sonorités grinçantes et distordues. Sans surprise, l’album rappelle Emotional Mugger de par son côté inconfortable et ses sonorités stridentes. Harmonizer n’est pas un album rock’n’roll, c’est un disque de fusion électronique sombre.

Learning my name again / A slow fade and then… / I saw you turn into a whisper” C’est par cette phrase que Ty Segall prend la parole pour la première fois de l’album, juste après la magnifique ouverture instrumentale électronique de “Learning”. Ty Segall envoie ensuite un funk lourd devant un motif électronique qui tourne en boucle. Ça bave de partout côté guitares tandis qu’il chante en voix de fausset sur les couplets. Dès “Whisper”, on sait que la nouvelle réinvention de Ty Segall sera clivante. Les fans de classic-rock et de garage passeront leur tour, ceux qui suivent ses expérimentations prendront le train, mais le trajet sera malgré tout semé d’embûches.

La première surprise de l’album arrive dès le troisième morceau “Erased” qui navigue en territoire indus et évoque le Nine Inch Nails des débuts avec sa boîtes à rythmes et ses sonorités plus proches de la scie sauteuse que de la fuzz. Dès lors, on sait qu’Harmonizer sera un disque à l’esthétique ténébreuse. La suite de l’album oscille ensuite entre titres funk froid dans la même veine que “Whisper” (comme “Harmonizer”, “Play” et “Changing Contours”) et morceaux électroniques. Dans ce domaine,  “Ride” présente sans doute la mélodie la plus mémorable de l’album (et un solo aussi déglingué que génial). 

Par moments on retrouve toutefois quelques tics segalliens, comme ces roulements de batteries qu’il ne peut s’empêcher de mettre sur “Pictures” (le sommet de l’album et sans doute le morceau le plus typique du blondinet sur ce disque) ou l’attaque frontale de “Feel Good” (sur laquelle on entend sa femme Denée), mais l’ensemble reste assez raide. Ty n’est pas là pour rigoler avec “Harmonizer”, et sa vision de la musique électronique est sombre, tortueuse. 

Seul problème de cette forme d’écriture et de cet album en général : ça ne favorise pas les grandes mélodies pop et les élans rock’n’roll. Sans doute que Ty les réserve pour un disque d’un autre acabit, d’une autre couleur. On sait déjà qu’il reviendra d’une façon ou d’une autre à du rock’n’roll plus classique, c’est son ADN, mais on espère désormais qu’il poursuivra dans cette voie électronique, car il en tire des sonorités et des structures de morceaux passionnantes. De “Whisper”, à “Changong Countours”, Harmonizer est une belle réussite.

A vrai dire, le seul reproche qu’on pourra faire à l’album est de commencer par une fausse piste : l’ouverture “Learning” laissait suggérer un disque dénué de guitares et empli de nappes de synthés. C’est une affaire de goût personnel, car il faut bien reconnaître qu’on est moins sensible aux sonorités indus, mais on aurait aimé entendre un album entier sur le même mode. Un truc plus radical, plus autre. Peut-être est-ce la prochaine étape ? Après un First Taste sans guitares, Segall avait peut-être besoin de rassurer son public sur cet aspect. Arrivé sans prévenir, Harmonizer reste une excellente surprise, qui prouve que Segall n’a rien perdu de sa vivacité, et de sa capacité à se renouveler.

 

Tracklisting

  1. Learning *
  2. Whisper *
  3. Erased
  4. Harmonizer 
  5. Pictures *
  6. Ride *
  7. Waxman
  8. Play
  9. Feel Good
  10. Changing Contours

 

Vidéo

“Feel Good”

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