(KGLW 2021)
Troisième album en mois de six mois pour les australiens de King Gizzard qui ont décidément mis à profit leur année de confinement en enregistrant des heures de musique. Nous referont-ils le coup de 2007 ? Le groupe s’était alors saigné pour livrer in extremis les cinq albums qu’il avait promis en début d’année, au terme d’un effort surhumain durant lequel il écrivait et enregistrait dès qu’il le pouvait entre deux concerts.
En cette drôle d’année 2020, le groupe a certes perdu un de ses batteurs (Eric Moore, qui est aussi manager du groupe, préfère désormais se concentrer sur ce rôle) mais il a aussi pu passer du temps en studio et reprendre ses expérimentations. C’est ainsi que le groupe a livré au tournant de l’année 2021 deux albums faisant suite à Flying Microtonal Banana, disque dans lequel le groupe jetait par la fenêtre la gamme tempérée et les demi-tons pour s’amuser avec les micro-intervalles. Des disques jumeaux nommés “K.G.” et “L.W.” qui synthétisaient tout ce que le groupe avait produit ces dix dernières années, comme si King Gizzard dressait le bilan avant ce Butterfly 3000 étonnant.
Car c’est un roi gésier nouveau que nous propose le groupe sur cet album. Encore un disque concept ? On connaît la gourmandise de Stu McKenzie et son envie d’explorer les genres musicaux les plus variés. Avec King Gizzard, il a déjà livré plusieurs albums dédiés à un sous-genre musical. Outre leurs multiples albums de krautrock garage psychédélique qui représentent le “son” King Gizzard, les australiens ont tenté plusieurs ouvertures : Metal ? Infest The Rats’ Nest. Jazz-rock ? Sketches Of Brunswick East. Spaghetti western ? Eyes Like The Sky. Acid-folk ? Paper Maché Dream Balloon. Prog planant façon Grateful Dead ? Quarters!
Alors, dans quelle case pourrait-on ranger ce Butterfly 3000 ? Celle de la musique électronique probablement. Quasiment dénué de guitares électriques, l’album a été conçu autour de boucles de synthétiseurs modulaires, ce qui lui donne une touche rétrofuturiste très appréciable. On pense parfois aux fabuleuses compilations de jingles radio du BBC Radiophonic Workshop de Delia Derbyshire et Paddy Kingsland (“Shangai”, “Dreams”) mais l’approche pop du groupe empêche l’album de n’être que de la library music. Porté par des mélodies claires et des refrains chantés, Butterfly 3000 est un album pop qui vient parfois marcher sur les platebandes de MGMT (“Ya Love”), Tame Impala (“Blue Morpho”) ou Animal Collective (“Interior People”).
Les fans à la sensibilité la plus rock du groupe devraient sans doute faire la moue – et bouder cet album en sachant que cette version de King Gizzard ne sera sans doute qu’une escapade – mais on espère que le groupe poursuivra dans cette voie et continuera à nous surprendre. Le groupe a déjà prouvé qu’il était capable d’envoyer des disques de rock psychédélique frénétique à la pelle (I’m InYour Mind Fuzz, Nonagon Infinity, Flying Microtonal Banana, Murder The Universe), au point qu’on finit par ne plus les distinguer. Qu’il soit un aparté ou un nouveau départ, Butterfly 3000 est une belle réussite, et la preuve que King Gizzard & The Wizard Lizard a encore plus d’un tour dans son sac.
Tracklisting
1. Yours *
2. Shanghai
3. Dreams
4. Blue Morpho *
5. Interior People *
6. Catching Smoke
7. 2.02 Killer Year
8. Black Hot Soup
9. Ya Love *
10. Butterfly 3000
Vidéos
“Blue Morpho”
“Yours”