Dirty Pretty Things : tournage du clip de "Deadwood"
Ou "Que faisiez-vous le mardi 17 Mai 2006?"
Lundi soir on recoit un e-mail : le rendez-vous est a 13h a la station de Bethnal Green au nord est de Londres. Merde. Hounslow est a l’exact oppose sur le plan de metro et je bosse toute la journee a cette foutue ecole. Il va falloir jouer serre. A 11heures, je m’eclipse. Ma sortie des lieux se fait sans mauvaise rencontre mais la vieille comptable me regarde partir d’un air circonspect. On achete quelques bieres, on enleve ses badges Babyshambles et Libertines – inutiles – et on monte dans la machine.
Une heure plus tard on deboule de l’obscurite a l’exact oppose de la capitale. On distingue pres du parc quelques jeunes gens aux allures de fashion victims. Quelques rayures, du rose fluo, des coupes de cheveux peroxydees : un rassemblement de freaks a lieu sur le trottoir oppose. On s’y glisse et on entame notre principale activite de la journee : on attend.
Le temps passe, on discute, on emet des hypotheses delirantes sur notre future destination et finalement les deux cars arrivent pour nous emmener. Seul probleme : la ou le management attendait une centaine de personnes, seule une quarantaine s’est pointee. Les portables chauffent "vas-y viens je te dis, ils ont besoin de monde"… on decolle a 14h30.
Les cars nous emmenent a Brentwood, a la lisiere de Londres, magnifique ville champetre au cachet so british. On arrive dans un champ, sur lequel on se pose et ou on nous invite a manger des chips au vinaigre et du chocolat trop sucre. Assez rapidement, deux stylistes donnent leurs instructions. L’enjeu est de taille car leur selection determinera qui figurera au premier plan lors des scenes du clip. On commence a croire aux miracles lorsqu’une des fashionistas nous selectionne pour ce role… mais on dechante immediatement. Assis sur la gazon, ca allait. Debout, ca ne va plus. On est trop grand. Vous etes le maillon faible, au revoir. On ne voit pourtant pas ou est le mal de faire passer Carl Barat pour un nain (j’ai les boules? oui)…
Peu de temps apres le groupe arrive aupres de nous ("the fans"), nous ignore superbement et va sous une tente s’enfiler le copieux repas concocte par le cuistot perso du tournage. Une ligne virtuelle est alors tracee entre les "in" et les "out". On est reduit a regarder Gary Powell macher des pommes de terre pour passer le temps. Gemini carbure pas au mazout…
Apres une attente interminable dans le bus (pour eviter la pluie), on est finalement dirige vers le lieu de tournage principal, une vieille ferme qui possede une magnifique grange en bois. Sur les lieux, on retrouve quelques tetes connues comme les techniciens son du groupe, l’officielle de Carl Barat ainsi qu’Anthony Rossomando qui refuse de prendre part a la scene. Certainement parce qu’il sait ce qui va s’y passer.
L’assistant-realisateur, beugleur de premiere, invite les gens a rentrer dans la grange pour enregistrer une scene-cle du clip. Fidele a la tradition anglaise, on se glisse dans la queue tranquillement. Erreur. Alors que seulement la moitie des "fans" sont rentres, la rideau se baisse : il y a assez de monde a l’interieur, merci. On aurait du jouer le coup a la francaise, avec les coudes.
La scene est tournee deux fois. A l’issue de la premiere tentative, on voit des gens hilares et plus generalement ebahis sortir de la grange. La scene consistait en un strip-tease effectue sur une table par une plantureuse danseuse vetue en mariee hot, encouragee par les vivats du public. On reconnait bien la l’aspect burlesque des soirees Bright Young Things de Carl Barat (qui livrent elles aussi leur lot d’effeuillage). Le groupe sort se degourdir les jambes et discute avec tout le monde. Des millions de photos sont prises, quelques disques signes.
Les rejouissances commencent ensuite pour le groupe comme pour le public. Le groupe va maintenant jouer "Deadwood" pour les besoins du clip. Cette fois-ci tout le monde est convie, bien que toujours dispose selon un tri (les sales trognes au fond, les belles gueules devant). On est dans le groupe 2, ce qui est plutot rassurant pour l’ego. Les gens du fond peuvent se poser des questions. Cruel.
Le groupe joue son morceau, que plusieurs cameras mettent dans la boite (sur scene, dans le public, du fond de la salle). Le realisateur est content , on est aux anges. Dirty Pretty Things jouent un concert quasi integral juste pour nous dans la foulee et se permet quelques fantaisies comme "Eight Days A Week" ou en gratouillant les intros de "Supersonic" d’Oasis et de "Panic Attack" des Paddingtons.
Le realisateur remet alors son grain de sel et demande au groupe de rejouer "Deadwood" avant de terminer. Barat lance alors les premiers accords de la chanson a 150 a l’heure et le groupe enchaine. En moins d’1min30 le truc est torche, le realisateur bouffe son beret. Plutot drole.
Il essaie alors d’expliquer au groupe que le tournage n’est pas fini, qu’on a pas le temps, bla bla bla… Excede, Rossomando, lui explique qu’on ne doit pas l’interrompre lorsqu’il joue, mec, et lance l’intro de "Bang Bang You’re Dead". Succes enorme, le public est fou.
Pas begueule, le groupe enchaine neanmoins sur "Deadwood"… version reggae. Carl Barat arrete alors tout : "very clever…" et joue le morceau pour de bon.
Apres une distributin massive de bieres, la soiree s’acheve avec une scene filmee a l’entree de la grange. Le decor consiste en une jaguar rouge defoncee, quelques tonneaux en feu facon Mad Max 2, des canapes, et des guirlandes d’ampoules pendues au plafond de la ferme. Au milieu des figurants, un des acteurs en smoking (visiblement le marie) donne des vigoureux coups de pied dans la voiture. Il est rapidement suivi par Carl Barat et Anthony Rossomando qui ruinent la piece de collection a l’aide d’un maillet puis d’un cheval a bascule (demandez pas…). Comble de la connerie, Barat finira avec une grosse coupure a la main. Pas de quoi l’empecher de jouer le lendemain neanmoins.
Rideau. Les "fans" rentrent – a l’exception de quelques demoiselles qui seront filmees dans un lac pour un bain de minuit qu’on imagine gele. On decolle du plateau vers 23h et le bus ramene tout ce beau monde a Bethnal Green.
Le clip de "Deadwood" s’annonce tres stylise plutot drole a regarder. Il semble que le groupe cherche a se donner une image un peu subversive tout en presentant des elements retro-chic chers a Barat. Le numero de music hall et l’ambiance burlesque du clip devrait rejouir les romantiques, tandis que le cassage de bagnole – qui releve un peu du vandalisme inutile – frappera plus les esprits faibles et les bourrins. On y a vu une reference a Pete Doherty et sa collection de Jaguars vintage (avec lequel il passe son temps a se faire arreter). Evidemment, le groupe va refuter cette these comme il l’a fait pour les textes de l’album.
Excellente journee.