MORGAN DELT – Phase Zero

Petite cure de popsyke

(Sub Pop 2016)

Morgan Delt avait marqué les esprits avec sa première cassette, qui surprit les amateurs par sa production un rien précieuse, mais qui, d’une brillante originalité, impressionna tout le monde, de telle sorte qu’il fallût rapidement le ressortir en vinyle pour contenter les esthètes bien informés qui se pressèrent alors – comme des assoiffés autour d’un puits profond !

Nous nous sentions mieux préparés au deuxième album, d’autant qu’il nous fut tout de même accordé deux ans avant la sortie de Phase Zero, LP de dix titres dont la pochette sublime annonce, comme un grand blason, l’appartenance au psychédélisme des arrières-mondes ; on y voit une Byzance futuriste qu’un soleil vermeil écrase de ses feux mourants. Nous nous souvînmes alors de Pink Floyd, qui initia cette race, avant de la trahir par les pires affronts et qui furent longuement couverts d’or pour prix de leur ignominie — parjure qui rappelle celle des templiers, dont il fallut attendre Philippe le Bel pour qu’enfin soit écrasé dans la braise leur corps puant et envahi de bubons, rongé par des siècles d’infamie. Plus près de nous, Tame Impala, qui à certains égards s’était trouvé proche de cette lignée, s’en est brutalement écarté, accablant de honte leurs premiers admirateurs par des morceaux faciles et médiocres. Il n’est donc pas assez de dire que nous étions préparés car nous étions aussi méfiants.

Le premier titre qui nous est donné à entendre dissipe, d’un mouvement simple, nos peurs ; “I Don’t Wanna See What’s Happening Outside” est une magnifique ballade popsyke qui rappelle, par son évidence, par sa simplicité touchante en même temps que par ses ornements discrets mais élaborés, le West Coast Pop Art Experimental Band. Morgan Delt ne dévie pas mais, encore une fois, parvient à trouver un son original, fait de guitares aigrelettes, d’instruments noyés sous une surcharge d’effets, d’écho, de réverbération, rythmés par des bruits sourds : la production est pleine d’idées. Le tempo est lent ; la voix du chanteur est fatiguée, à deux doigts de l’évanouissement. L’album menace d’être englouti par l’originalité qui fait sa force ; ses mélodies de mourir de leur mollesse, l’instrumentation de disparaître sous la réverbération, les chansons de s’engourdir définitivement.

Une telle limite se fait sentir dès l’enchaînement de “The system of 1000 lies” et “Another Person” ou, plus loin, sur “The Escape Capsule” : nous conseillons aux auditeurs de profiter des chaleurs estivales pour en apprécier l’indolence un chouïa soporifique. Sur “The Age of the Birdman” et “Mssr Monster” le groupe retrouve un peu l’onirisme ténébreux, l’atmosphère de châteaux occultes qui faisait déjà le sel du premier album, et qui vient utilement diversifier les tonalités de Phase Zero, mais ce sont les éclatants “Sun Powers” et surtout “Some Sunsick Day” qui sortent le disque de sa langueur et lui permettent de trouver son équilibre.

Si dans les beaux jours, plombés, avachis et suants, vous vous trouvez fatigués du rock’n’roll, du garage, pour ne pas parler du rock, écouter Phase Zero pourrait vous rendre grand service. De la même manière qu’une petite cure de dextrométhorphane permet avantageusement de diminuer la tolérance aux opioïdes, des écoutes de l’album à horaires choisis durant, disons, deux semaines, devraient vous remettre en état d’apprécier des musiques plus énervées par la suite. S’éloigner un moment de son corps permet d’en apprécier à nouveau la chaleur ; se balader dans les limbes lysergiques du dernier album de Morgan Delt de revenir avec un vrai plaisir aux guitares tranchantes — jusqu’au jour où on aura une nouvelle fois besoin d’échapper aux formes claires et aux abus de distorsion sur le refrain, auquel cas Phase Zero est décidément un bon candidat.

 

Tracklisting :

1. I Don’t Wanna See What’s Happening Outside *
2. The System of 1000 Lies
3. Another Person
4. Sun Powers *
5. The Age of the Birdman
6. Mssr. Monster *
7. A Gun Appears
8. The Lowest of the Low 
9. Escape Capsule
10. Some Sunsick Day *

 

À écouter sur :

 

Vidéo :

“I Don’t Wanna See What’s Happening Outside”

“Some Sunsick Day”

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5 Commentaires
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The PRIMITIF
Invité
The PRIMITIF
18 août 2016 17 h 52 min

Dans le genre psychédélique éthéré ,c’est une perle qui s’apprécie avec la chaleur de l’été comme
vous le faites remarquer . Perso ,j’aime beaucoup ,il faut dire que j’adore le psychédélique …

beat4less
Invité
beat4less
18 août 2016 18 h 55 min

Sacrée chronique!

longplayerlateblogger
Invité
19 août 2016 12 h 48 min

lysergiques dextrométhorphane opioïdes…. clairement pour vous un album de baba cool chic sous dépendance. C ‘ est court comme vision. Chronique “remplissage”. On n’était pas habitué à ça de votre part

Léo
Administrateur
19 août 2016 19 h 54 min

Êtes-vous vous-même consommateur de lysergiques dextrométhorphanes opioïdes ?

les Caphys
Invité
14 septembre 2016 13 h 47 min

très bon, j’en parlerai demain sur le blog

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