(679 Records 2006)
Que reste-t-il à inventer en 2006? Les seuls endroits où l’on trouve de la musique véritablement avant-gardiste et innovante sont des niches intégristes repliées sur leur sujet au point qu’elles ne génèrent que la répulsion de l’auditeur sobre et sain d’esprit.
La pop music se bouffe la queue depuis quelques années, les revivals succédant aux “retours”. Le soleil brille sur tout ce qui touche aux eighties en ce moment… mais la roue tourne déjà – la capacité de concentration d’un public adepte du zapping et qui se lasse rapidement étant proche de zéro, la scène actuelle est en train de se transformer en joyeux fourre-tout où quiconque a une idée originale se trouve sur le devant de la scène pour son proverbial quart d’heure de gloire.
Les derniers outsiders en date de la scène britannique sont un groupe brouillon d’Eel Pie – ilôt perdu de la banlieue ouest de Londres, près d’Heathrow et de son incessant défilé d’avions de misère. Formé autour d’un chanteur percussionniste et de son père guitariste (l’inverse de Spirit), les Mystery Jets tentent de mêler avec plus ou moins de réussite rock psychédélique nonsensique, rock progressif, folk-rock dansant et folk hippie à mantras, façon Hair.
Le grand mérite de Making Dens demeure de proposer plusieurs idées intéressantes. Malheureusement, peu d’entre elles se concrétisent par de bonnes chansons et les Mystery Jets ne parviennent pas à convaincre sur plus d’une poignée de titres. Trop échevelé, trop peu de mélodies marquantes, trop d’effets pour masquer un réel problème d’écriture.
Quand le groupe trouve son équilibre psyché-folk, on pense aux premiers Traffic ou Fairport Convention et aux obscurs groupes psychédéliques anglais de la même époque (The End, Tomorrow). Les chœurs, les instruments étranges qui fleurissent sur les morceaux, la structure particulière des chansons renvoient directement à cet intarissable genre musical. La valse aux arpèges acoustiques “Soluble In Air” et la ballade “Horse Drawn Cat” (malgré un pénible mais heureusement court solo de guitare ‘Gilmour du pauvre’) sont à ce titre des réussites. Dans un tout autre genre, on peut apprecier ce “Zoo Time” échevelé qui tournoie et part en croisière cosmique. Un tour de force rock-prog qui ravira les fans de King Crimson et de Pink Floyd période Meddle.
Sur plusieurs morceaux le groupe se révèle étonnamment proche des groupes art–rock actuels. Le single “You Can’t Fool Me Dennis” possède ce jeu de batterie minimaliste propre aux Rakes ou Franz Ferdinand (tout en gardant un côté folk communautaire avec choeurs). Quand la mélodie suit, ça fonctionne. Quand ça tourne au mantra laborieux et que le chanteur se sent obligé de partir en vocalises comme sur “On My Feet”, on souffre. Plusieurs morceaux pêchent par manque d’air, pas celui qu’on respire, celui qu’on sifflote sous la douche. Pour pallier ce problème, le groupe balance tous les instruments qu’il a dans la main au milieu du mix et laisse le chanteur Blaine Harrison s’époumoner dans un style oscillant entre Freddy Mercury et Jeff Buckley – pénible.
“Purple Prose”, sorte de sous-“China Girl” beuglé, l’infame single “The Boy Who Ran Away”, l’inutile instrumental “Summertime Den” et la soporifique conclusion “Making Dens” font par ailleurs beaucoup de mal à cet album qui se retrouve plombé par tant de déchets.
A l’issue de ces dix morceaux aussi divers dans les genres que dans la qualité, on est quelque peu déçu. L’excellent single “Alas Agnes” nous avait laissé entrevoir un groupe intéressant. Las, aucun morceau ici n’arrive à la hauteur de cette perle folk-rockabilly et le groupe ne semble pas savoir dans quelle direction aller, cherchant encore une identité propre, un son à lui. La prochaine fois peut-être…
Tracklisting :
1. You Can’t Fool Me Dennis *
2. Purple Prose
3. Soluble In Air
4. Boy Who Ran Away
5. Horse Drawn Cart
6. Zootime
7. Little Bag Of Hair
8. Diamonds In The Dark
9. Alas Agnes *
10. Making Dens
Vidéos :
“You Can’t Fool Me Dennis”