Retour au Rock’n’Roll Friday, à nouveau au Gibus après quelques mois passés au Tryptique. Arrivés dans la salle, après l’accueil viril mais correct de Géant Vert, on ne passe pas par la case bière en raison de ces tarifs toujours aussi prohibitifs (ça n’empêchera pas des dizaines des midinettes de se trimbaler saoules toute la soirée avec une vodka-ice toujours pleine à la main – déduisez-en ce que vous voulez) et on commence à guetter dans la foule la présence des scenesters attendus – la tête à claque des Naast, la souriante Busty visible de loin avec sa tignasse péroxydée, le t-shirt Jimi Hendrix Experience jaune du grand Philippe Manœuvre.
La soirée commence par un groupe funky/ska (leur nom importe peu) qui chante des morceaux très gais et chauffe correctement la foule. Leur final est néanmoins catastrophique quand leur “Johnny B. Goode” de balloche est repris en chœur par une dizaine de soiffards qui montent sur scène et tentent de créer un happening. Ambiance potache d’autocélébration d’une scène parisienne. Le batteur des Second Sex est à l’harmonica, tout le monde est vêtu selon l’uniforme fashion, c’est à celui qui posera le plus. Le décalage entre l’attitude des mecs et le vide sidéral du karaoké auquel on vient d’assister est du genre comique.
Quand les Prostitutes arrivent, le public les accueille avec une grande ferveur – ils scandent leurs nom en rythme depuis 5 bonnes minutes. Le début de leur set fait impression. Du punk 77 aux riffs nerveux chanté par un mec qui se prend pour Johnny Rotten – du chant nasillard aux insultes au public en passant par les crachats. L’ambiance est électrique, quelques fans essaient d’envahir la scène sans se douter d’un changement d’importance depuis la première partie : Géant Vert assure désormais la sécurité dans la fosse. Le voir attraper tous les velléitaires par la tête avant de les envoyer voltiger dans l’arrière salle est jouissif (“Zongo!”).
Les Second Sex viennent finir le boulot. La salle est désormais comble, les groupies en sueur crient avec passion le prénom du bassiste (qui porte une horrible veste en jean sans manches façon Bruce Springsteen 1985′), Phil Man est concentré tel le Maharishi sur le côté de la scène. Les 45 minutes de rock’n’roll qu’envoie le groupe dans les dents des sceptiques mettent les choses au point et confirment l’impression que nous avaient laissé leurs premiers morceaux : les Second Sex sont de très loin le meilleur groupe à retenir de cette nouvelle scène parisienne. “Je ne suis pas une fille facile”, “Mon Autre Côté”, “Lick My Boots” sont les points forts de cet excellent concert. Le dernier nommé rappelle “Baby Please Don’t Go” (version Them/Amboy Dukes). Les Second Sex en ont fait au fil des concerts un morceau de bravoure extraordinaire, un truc vénéneux qu’ils étirent sur 10 minutes tendues à bloc. Après un démarrage haletant, la batterie se fait plus calme, maintenant simplement le tempo, la basse se promène, la guitare navigue dans son coin… on attend désespérément l’explosion finale qui part dans tous les sens et envoie tout le monde s’abîmer dans un pogo en forme d’émeute (sauf pour les mineures bourrées de tout à l’heure qui hurlent à la mort, debout sur les tables, suspendues à la tuyauterie du plafond).
Paris tient-il son véritable groupe-phare ? Pour nous, la réponse est oui, sans aucun doute. Le mouvement gagne enfin en crédibilité.