Eric BURDON & THE ANIMALS – Winds Of Change

Expérience psychédélique

(MGM 1967)

En 1966, après un premier album à l’énergie R’n’B contagieuse et une paire d’EPs qui ont valu au groupe une renommée internationale (“House Of The Rising Sun”, l’inoubliable), les Animals sont lessivés.

Les tensions sont nombreuses au sein du groupe, épuisé par les tournées, la dissolution est inévitable. Le claviériste de génie Alan Price s’en est déjà allé former son propre groupe (The Alan Price Set) en 1965, les changements de line-up se succèdent (le bassiste Chas Chandler quitte notamment le groupe pour devenir manager d’un jeune guitariste nommé Jimi Hendrix) au point qu’en 1967 les Animals n’existent plus. Burdon se libère de son contrat avec Decca en début d’année en sortant un album avec un grand orchestre, le léger Eric Is Here, et met les voiles pour San Francisco, capitale d’un mouvement hippie en pleine ébullition.

Le choc est immédiat : Burdon tombe éperdument amoureux de la ville et de l’ambiance free qui y règne. Impressionné par ses premières expériences mystiques et la découverte du LSD, le petit chanteur geordie devient un freak. Il parle de son nouveau mode de vie avec la foi d’un converti. Winds Of Change est le premier chapître de l’Evangile psychédélique selon Eric.

A l’origine pourtant, la communauté est hostile envers ce parasite à l’enthousiasme candide. Faisant fi des moqueries, il parvient à gagner le respect de ses pairs grâce au groupe d’expatriés qu’il a formé avant de se délocaliser à San Francisco, Eric Burdon & The New Animals, comme on les appelle désormais (le “New” disparaissant de temps à autre). Ce groupe au groove singulier et au son intrigant (grâce au violon électrique de John Weider) donne une couleur unique au rock lysergique de Burdon. Ce dernier pose sa voix avec assurance, se contentant souvent de parler ses textes qui sonnent comme des professions de foi psychédéliques.

Winds of Change est un album extrêmement varié, aux sonorités multiples, à l’ouverture d’esprit et à la sincérité manifestes. Certains ont tourné psyché pour suivre l’air du temps (on pense notamment aux Stones de Their Satanic Majesties Request ou, plus drôle, à la descente d’acide du countryman Kenny Rogers sur “Just Dropped In To See What Condition My Condition Was In”). Le born again hippie Burdon est habité par son nouveau mode de pensée.

Produit par l’immense Tom Wilson, Winds Of Change alterne temps forts rock’n’roll et plages méditatives. Si une grande partie de l’album est constituée de ballades ornées de flûte, violon et sitar comme il était d’usage à l’époque (les magnifiques “Winds Of Change”, “San Franciscan Night”, “Anything” ou “Good Times”), les New Animals démontrent à plusieurs reprises leur capacité à rivaliser avec les meilleurs de leurs contemporains en termes de rock’n’roll pur. La rythmique du groupe est diabolique sur des morceaux tels que “It’s All Meat”, “Yes I Am Experienced” et cette reprise tout en violons distordus de “Paint It Black”. Mis en orbite par son groupe, Burdon donne la pleine mesure de son talent. L’entendre s’égosiller avec la même ferveur habitée que sur ses premiers enregistrements RnB est réjouissant. Sa voix au timbre chaleureux est un outil qu’il maîtrise à merveille. On est suspendu à ses lèvres lorsqu’il narre une histoire médiévale de peste noire sur “The Black Plague”.

Ce morceau à l’ambiance glaçante pousse un cran plus loin les délires grégoriens des Yardbirds : Burdon prend la pose du conteur, un glas sonne à intervalles réguliers et une musique de procession lugubre envahit l’espace. L’espace d’un instant on se retrouve projeté dans un monastère du 14e siècle, façon Nom De La Rose. La voix de Burdon est tellement envoûtante qu’on avale ses textes angéliques sans y prêter attention. Que ce soit l’ode à San Francisco (qui commence par le fameux “This following program is dedicated to the city and people of San Francisco, who may not know it but they are beautiful1 and so is their city ») ou la réponse à Jimi Hendrix “Yes, I Am Experienced”, les paroles de Burdon sont d’un optimisme qui prête à sourire aujourd’hui. Le reflet d’une certaine époque où les révolutions (musicales, sexuelles, politiques) se succédaient…

En 1964, Burdon chantait l’histoire du rock avec “The Story Of Bo Diddley”, en 1967 le voila qui raconte sa révolution psychédélique de la même façon : “Then came the Beatles, Rolling Stones / Whole new thing was going on / Frank Zappa zapped / Mamas and Papas knew where it was at / They all listened to Ravi Shankar »Winds Of Changes est un témoignage extraordinaire d’une époque qui ne l’était pas moins. La mutation spectaculaire de Burdon de chanteur blues en apôtre psychédélique est d’une telle sincérité qu’on ne peut qu’adhérer à son propos. Malgré ses imperfections (qui font certainement parrtie de son charme), Winds Of Change est un véritable classique oublié du rock’n’roll psychédélique.

Pendant les quelques années de leur existence, The New Animals ont créé un son à la couleur unique. Winds Of Changes, tout comme sont frère jumeau The Twain Shall Meet publié en 1968, possède une aura mystérieuse, une opacité difficile à percer. On a parfois la sensation que quelque chose nous échappe… jusqu’à ce que la révélation soudaine de la beauté de l’œuvre ne nous frappe. Eric Burdon fait partie de ces artistes rares qui ont su transcender les genres,  un des plus grands chanteurs anglais du siècle dernier.

 

 

Tracklisting :

1. Winds of Change
2. Poem by the Sea
3. Paint It Black *
4. Black Plague *
5. Yes I’m Experienced *
6. San Franciscan Nights *
7. Man-Woman
8. Hotel Hell
9. Good Times *
10. Anything
11. It’s All Meat  *

1 les hippies se surnommaient eux-mêmes les beautiful people.

 

Vidéos :

“San Franciscan Nights”

 
“Paint It Black”
 
 
“Black Plague”
 

 

Vinyle :

Une pochette en forme de déclaration d’intentions.

Eric Burdon & The Animals - Winds Of Change

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kilucru
Invité
24 mars 2008 1 h 49 min

Une reprise de “Paint It Black” par Burdon, à découvrir. Le morceau des Stones que je retiens, mais bon c’est la période Brian Jones.So good !

Night (pas michael le knight rider)
Invité
Night (pas michael le knight rider)
2 avril 2008 5 h 30 min

C’est pas le sujet principal, mais la période Brian Jones des Stones est pas la meilleure outre quelques bijous sortis du chaos (jones participe pas à Beggars… faute de cerveau valide en état de marche, reste le merveilleux let it bleed). Suffit d’écouter les disques de la période Mick Taylor (sticky fingers, exile on…, goats head…, it’s only RnR….)  pour s’en laisser pénétrer… (par l’idée, j’entends).

Sinon pour les Animals je recommende chaudement l’écoute de I believe to my soul et I’m Mad again (au delà des plus classiques For miss Caulker et Bring it on home qui restent… des classiques indémodables, ce que les fans de picon apprécieront).

FLASH INFO : Brian Jones dans ses élans de découverte de l’étrange (et de tester des expériences ultimes) est sortit avec Amanda Lear dans les 60’s.

CE QUI PROUVE QUE : LA DROGUE C’EST MAL.
                                    AMANDA LEAR C’EST FEMELLE.

Francis
Invité
19 avril 2011 3 h 43 min

Eric BURDON est génial, un grand du rock et de la pop des années 60, et même après…

Sa période psychédélique avec les “New”Animals est à mon sens la plus créative. Ceux qui ont aimé cette période doivent s’acheter les 4 albums qu’ils produisirent en 67 et 68.

 Les autres ignorants doivent s’empresser de les découvrir !

A propos, bon anniversaire Eric (le 11 mai) ! et merci pour ton héritage.

MC5 m'a tuer
Invité
MC5 m'a tuer
26 mai 2012 2 h 28 min

Superbe chronique, et essentielle avec ça!

J’aime bien quand vous parlez de ces vieux disques un peu oubliés, c’est toujours intéressant.

slex
Invité
slex
14 novembre 2015 0 h 44 min

Excellente chronique, merci à vous,

à quand une chronique sur l’album suivant, “The Twain Shall Meet” ?

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