BABYSHAMBLES. One man band live

Camden Koko, Londres ; Lundi 9 Janvier 2006

 

Pete Doherty mettra-t-il à exécution ses bonnes résolutions pour l’année 2006? Le chanteur de Babyshambles matraque aux micros tendus devant lui son désir de redevenir clean, blah blah blah… et personne n’y croît. Trop de coups de poignards dans le dos, trop de trahisons douloureuses. A chaque fois pourtant, on est assez con pour le croire. Reconquérir l’amour de Kate Moss, folle chimère, pourrait l’inciter à retrouver ses esprits, sa cohérence et se débarrasser de ce fléau qui l’aliène depuis trop longtemps. Doherty était un auteur prolifique avant son éviction des Libertines – tout le monde connaît ses sessions. Qu’a-t-il écrit depuis 2004? Pas grand-chose. Espérons qu’il cessera d’être cette bête médiatique fantomatique et évitera le sale cliché de la mort rock’n’roll à 27 ans.

La première impression qu’il nous a laissé hier soir ne fut pas très rassurante. Plutôt drôle en fait… le genre d’anecdote qui ajoute à sa légende. Camden Town, 19h, on rode à proximité de la salle quand une mobylette lancée à pleine vitesse sur le trottoir passe à côté de nous, suivant une trajectoire plutôt erratique. Pete. Imperméable à la Columbo, écharpe à carreaux, casque blanc eggman, regard éberlué, le chanteur a du style. On doit être en train d’halluciner. Après avoir traversé le passage piéton tête baissée et serré la main de tous les dealers de billets au marché noir, il tente d’entrer avec sa monture dans la salle de concert, par l’entrée principale s’il vous plaît. Les gorilles de la sécurité, au temps de réaction incroyablement lent, l’arrêtent au milieu des escaliers et lui expliquent que l’entrée se situe à l’arrière. Tant pis pour le panache.

Une heure plus tard, le concours de style a commencé dans l’assistance. La veste militaire est toujours de rigueur chez les fans des Libertines, tout comme le t-shirt rayé (plus que jamais avec la vague art-rock), et pour les plus élégants l’inévitable feutre noir (ou le béret façon Acousticalullaby).

Le premier à monter sur scène s’appelle Vanlustbader et se proclame fièrement “your new most hated band”. Ces quatre musiciens créent un mur du son digne des Warlocks ou d’Oasis. Le phrasé particulier du chanteur qui laisse traîner son accent sur la fin des mots rend la comparaison avec le groupe mancunien encore plus évidente. Leur set ne décolle que lors des trois derniers morceaux, quand le groupe finit par accélérer le tempo et joue des chansons centrées autour d’un riff porteur –  la bonne vieille formule… Pas de quoi tomber à la renverse ou haïr ce groupe finalement très consensuel. 

Les Holloways, ensuite, seront beaucoup plus intéressants. La réponse du public à leur pop estivale indique que ce quatuor a de l’avenir. Le son particulier de ce groupe aux rythmes ska et reggae mais à l’énergie punk leur confère une identité véritable, quelque part entre The Dead 60s et The Coral. Si on pense à ces derniers ce soir, c’est que les Holloways pratiquent cet art du changement de tempo fulgurant propre au groupe liverpuldien. (“I Remember When” par exemple). Ajoutez à cela un talent éclatant pour écrire des bonnes chansons (leur prochain single procure cette impression toujours étrange de déjà le connaître), un jeu de scène bondissant et des instrumentations originales (un des guitaristes joue parfois du violon sans qu’on ne pense jamais à Louise Attaque, plutôt bon signe) et vous obtenez une des meilleures premières parties vues depuis longtemps. Le groupe a parfaitement accompli sa mission de chauffer le public qui se met ensuite à pogoter sur les tubes que crache la sono (“Ever Fallen In Love”, “Get Off My Cloud”…).

Quand Babyshambles montent sur scène, l’ambiance tourne presque à l’émeute. Très vite, on reçoit un premier choc : Patrick Walden n’est pas de la partie. Le groupe évolue en trio et Pete Doherty assume chant et guitare. Babyshambles s’en porte mieux. Doherty injecte au groupe une urgence punk qu’on croyait disparue. Il improvise, change d’avis au milieu d’un morceau, se lance dans des déclamations poétiques, reprend le morceau de façon inattendue – il faut voir le bassiste se démener pour voir la main gauche de Doherty et essayer de suivre à la façon des jazzmen. Il a le contrôle complet du groupe. 

Par ailleurs, on est heureux de le revoir jouer de la guitare – il n’aurait jamais dû arrêter – et dodeliner de la tête comme à l’époque des Libertines. Doherty n’est pas le meilleur guitariste du monde mais son jeu erratique et ses solos calamiteux ont un côté touchant, voire même rassurant – ils font entièrement partie du personnage, de son image destroy.

Après avoir commencé d’un grand coup de tonnerre avec “Killamangiro”, le groupe enchaîne avec la surprenante face B “Why Did You Break My Heart/Piracy” qui calme le public. On prend note alors de la présence de personnages étranges sur la scène. Deux types – un black en jogging qui tient à la main le vinyle de “Down In Albion” et un rasta barbu qui se roule et fume des joints  – se tiennent sur le côté droit de la scène, stoïques, sans raison apparente d’être là. A l’issue de ce morceau Doherty sort un papier de sa poche, le déplie et le lit au public : “… charged with possession of  class A drugs” Il s’agit de sa lettre de convocation au tribunal pour son arrestation du 30 Novembre dernier en possession de cocaïne et d’héroïne, le fait divers de trop qui a fait craquer Kate Moss. 

Le chanteur harangue la foule et l’incite à venir avec lui au tribunal ce mercredi à Ealing. Depuis, l’information a fait le tour des médias toute la journée de mardi, avec commentaires de Scotland Yard à la clé… les gens ont-ils peur? De son côté, Doherty sait désormais que ses jours d’homme libre sont comptés et se livre entièrement sur scène. “A Rebours” devient l’hymne punk qu’il aurait toujours dû être, “Babyshambles” et “Back From The Dead” sont joués à l’arrache, et quand le chanteur se prend un projectile dans le visage – vêtements et chaussures des crowdsurfers volent dans tous les sens –, il invective le public avant de se lancer dans une invraisemblable version de “Stix And Stones” de plus de dix minutes. Avant cela, le groupe aura joué quelques morceaux plus apaisés dont “In Love With A Feeling”, l’obscur “Bilo Song” joués au débotté par un Doherty qui s’est depuis longtemps affranchi de sa set-list et le ragga “Pentonville” que l’encombrant rasta barbu vient karaoker (ah c’est donc lui The General).

Plus que ces improvisations géniales dont nous gratifient Babyshambles ce soir, la première claque de la soirée surgit à mi-concert quand le groupe joue un des morceaux cultes de son auteur. “What A Waster” est repris en chœur du début à la fin par le public déchaîné. Il en sera de même pour ‘Don’t Be Shy’, “Time For Heroes” et “Up The Bracket” plus tard. On ne s’attendait pas à entendre ces morceaux ce soir… on se rend compte à quel point ils sont ancrés en nous et déclenchent un irrépressible effet euphorisant. On a envie que cette mascarade Babyshambles/Dirty Pretty Things cesse à cet instant précis et de retrouver le groupe qui nous obsède, celui qui nous a tant manqué en 2005. Pendant ce temps là, Doherty envoie son hymne “Fuck Forever” pour briser nos rêves. L’ambiance est alors à son paroxysme et la dévotion du public totale.

Se  rendant compte de l’horaire tardif, le groupe conclut son concert par l’anglocentrique “Albion”, encore prétexte à un invraisemblable sing-a-long. Le groupe s’en va. Le public chante “Pipe Down” en espérant avoir un rappel. Il n’en sera rien (les gens chantent “What A Waster” en sortant).

Que nous aura enseigné la soirée? Le départ – ou l’absence momentanée, on ne sait pas – de Patrick Walden de Babyshambles est la meilleure chose qui pouvait arriver au groupe. Cette configuration en “power trio” permet à Pete Doherty de suivre son instinct et de se lancer dans les improvisations les plus hasardeuses – pas toujours couronnées de succès – pour une sorte de stream of consciousness punk. Tout peut arriver. L’imprévu est de mise, la prise de danger permanente et la chute fréquente. 

Dans cette formation à trois, Babyshambles ressemble d’ailleurs moins à un groupe qu’à Pete Doherty en solo. L’esprit de gang s’est barré avec Walden. Doherty est le seul maître à bord et donne des indications aux deux autres de ce que sera la suite (quand il pense à les avertir).En voyant le groupe se transformer ainsi en one-man band, on se dit que l’entité Babyshambles n’existe plus. Doherty occupe constamment le devant de la scène. Il chante, lance ses riffs immortels, massacre les solos… Il ne laisse aucune miette aux autres (que par ailleurs il ne présente pas au public) qui ne sont là que pour l’accompagner dans son délire personnel et peinent à le suivre.

De ce concert déroutant émerge un groupe nouveau, plus excitant, plus barré encore, plus proche de ce qu’est vraiment Pete Doherty, un poète à l’esprit vagabond qui laisse son instinct le guider. On espère voir Babyshambles continuer avec cette formule (on te regrettera pas Walden) qui nous a permis de redécouvrir des aspects de Pete oubliés depuis son départ forcé des Libertines. On en reparle la semaine prochaine après les concerts de la Rhythm Factory à Londres.

 

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3 Commentaires
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Lauriane (again...)
Invité
Lauriane (again...)
3 février 2006 2 h 50 min

Une chance pour toi d’avoir été comblé (il me semble) par cette prestation, je dis ça après ma déception du 26 août 2005 à Rock en Seine (heureusement que Robert Plant était fabuleusement là pour me réconforter), c’est un Pete Doherty presque indifférent au public, qui n’a même pas tenu une heure de concert, que j’ai apperçu parmis la foule de fans en délire… d’après toi: "Babyshambles isn’t dead yet?" tu excuseras mon anglais 😉

Eric (PlanetGong)
Invité
Eric (PlanetGong)
6 février 2006 4 h 03 min

Je pense malheureusement que Babyshambles vont devoir faire une pause forcee avec l’arrestation de Pete Doherty… l’avenir du groupe est plus incertain que jamais.

C’est vraiment dommage parce qu’en trio le groupe avait trouve une vraie dynamique… avant le retour de Pat Walden (et de son jeu de guitare particulier).

Laissons a Doherty le temps de souffler et de retrouver ses esprits et ecoutons Dirty Pretty Things en attendant des jours meilleurs…

max
Invité
max
7 novembre 2010 0 h 12 min

Je trouve qu’au contraire , pat walden était un guitariste fabuleux, comme on en voit peu et que le son du groupe était défini par ce dernier! l’échec commercial de down in albion est surtout du
aux excés de drogue et à une production, mix et mastering médiocre de cet album!

Bref, en quelques sortes, si patrick walden avait un peu moins abusé sur l’héro, il serait toujours avec les babyshambles et ils auraient pu faire un très bon album dans la lancée de down in
albion et moins commercial que shotters nation 🙂

Sur ce, bonne soirée!

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