PAUL McCARTNEY – Ram

Admirable

(Apple 1971)

Nous sommes en 1971. Les Beatles ont splitté depuis un an, George Harrison et John Lennon viennent d’obtenir un certain succès critique avec leurs premiers albums solo post-Beatles (All Things Must Pass et Plastic Ono Band). Celui de Paul McCartney s’est méchamment ramassé, éclipsé par la sortie quasi-simultanée de Let It Be (avril 70 pour McCartney, mai 1970 pour l’ultime album des Beatles).

Après 15 années de collaboration fructueuse avec Lennon, Paul éprouve toujours des difficultés à écrire en solitaire – ou à se convaincre qu’il l’est, car certains de ses morceaux avec les Fab Four étaient déjà de son seul fait. En manque d’un référent, de quelqu’un à qui confronter ses chansons, Paul va rapidement se convaincre que sa femme Linda a l’étoffe d’une musicienne malgré son inexpérience totale dans ce domaine (elle finira d’ailleurs par devenir la clavieriste attitrée des Wings, le projet suivant de Paul). John avait Yoko, Paul aura désormais Linda comme collaboratrice artistique, il est amusant de constater que ces mecs avaient besoin d’une relation fusionnelle pour écrire.

Ram est ainsi un album de Paul et Linda McCartney. Autrement dit, Paul écrit et compose quasiment tout, et Linda apporte son soutient moral et ses chœurs.  A la différence de son premier album solo, Paul ne joue pas de tous les instruments ici : il a engagé un véritable groupe avec Denny Seiwell à la batterie ainsi que David Spinozza et Hugh McCracken aux guitares.

Disons-le sans ambages, Ram est en tous points admirable, c’est sans aucun doute le meilleur album de Paul McCartney en solo, un chef d’oeuvre de pop intimiste. Après un premier album aigre-doux, Paul McCartney y rédécouvre l’optimisme, heureux avec sa famille dans sa ferme écossaise, il compose ici un album pastoral aux racines blues. Simple, dénué d’artifices studio, mais moins rustre que son prédécesseur, il a bien mieux vieilli que nombre d’albums de la même époque. Pas d’écho spectorien indigeste ici (comme chez ses ex-collègues), les chansons sont épurées à l’extrême, à l’état brut.

L’album commence par “Too Many People”, une chanson vindicative porté par une guitare acoustique insistante. Le texte “Too many people making promises / too many people for a piece of cake” semble évoquer la situation conflictuelle des Beatles, alors en procès (John Lennon prendra ce texte comme une attaque personnelle et répliquera sans prendre de gants avec “ Gimme Some Truth ” la même année). Le mémorable solo de guitare, court et incisif, est brillamment exécuté par Hugh McCraken.

La suite de l’album coule de source. La ballade “Heart Of The Country” dévoile un Paul serein, apaisé, tandis que “Ram On”, jouée à l’ukulele, réussit à émouvoir sans verser dans la mièvrerie (pourtant la grande spécialité de Paul McCartney durant sa carrière post-Beatles). Dans le genre, “Uncle Albert / Admiral Halsey” commence de façon dégoulinante. A la première écoute on pourrait être tenté de passer ce morceau contemplatif sans réelle mélodie. Ce serait trop dommage, car de façon déconcertante le morceau décolle soudain à mi-course pour se muer en fanfare pop délirante. Lancé par une trompette goguenarde, un irrésistible refrain en chœur vient relancer la chanson, porté par une descente de basse sautillante. Dessus, Paul McCartney prend une pose aristocratique et achève le morceau façon stiff upper lip avec un accent cockney drôlissime. Ce morceau déjanté sera le premier single n°1 de Paul McCartney en solo aux USA.

Ram se démarque dans la discographie de Paul McCartney par son côté roots qui contribue à l’ambiance décontractée de l’album. On y trouve un blues (“ Legs ”), une paire de morceaux rock’n’roll fifties (“ Smile Away ”, “ Eat At Home ” très inspiré de Roy Orbison), sans parler des influences country qui sont prégnantes. L’ambiance est champêtre (bien que l’album ait été enregistré à New York), Paul se fait clairement plaisir et semble avoir accepté le fait de ne plus être à la barre du plus beau navire de la flotte rock. Il la joue modeste et l’album ne s’en porte que mieux. Les ambitions reviendront après, avec les Wings notamment, que McCartney assemblera dès 1972 et des albums spectaculaires tels que Band On The Run, mais pour l’heure Macca se contente de jouer de belles chansons avec simplicité.

 

 

Tracklisting :

1. Too Many People *
2. 3 Legs
3. Ram On *
4. Dear Boy
5. Uncle Albert / Admiral Halsey *
6. Smile Away
7. Heart Of The Country *
8. Monkberry Moon Delight
9. Eat At Home
10. Long Haired Lady
11. Ram On
12. The Back Seat Of My Car *

 

Vidéo :

“Heart Of The Country”

 
“Unce Albert / Admiral Halsey”
 

 

Vinyle :

Sur la face du vinyle, Paul tiens un bélier par les cornes, au dos figure une photo de deux scarabées en train de copuler. Subtil ?

Paul & Linda McCartney - Ram

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Frank
Invité
29 juillet 2010 0 h 34 min

Yeah ! C’est la fête ! J’ai ce disque en vinyle (cadeau de mon oncle) ça fait longtemps que je ne l’ai pas écouté. J’y vais de ce pas !

Frank
Invité
29 juillet 2010 0 h 36 min

Enfin après Jailhouse Rock sur Arte…

sugarplumfairy
Invité
sugarplumfairy
29 juillet 2010 2 h 36 min

Ah nom de dieu, un de mes préférés de toute sa période post Beatles! Et quel bonheur de voir cet article après avoir passé 3 jours dans l’anthlology DVD des Beatles

domi
Invité
domi
31 juillet 2010 6 h 32 min

cela  fait 37 ans que je  considère ce disque comme indispensable.

 Ah ,le talent de paul et l’éternel parfum des beatles …

Dahu Clipperton
Invité
Dahu Clipperton
1 août 2010 2 h 43 min

Ram est une pure perle, le meilleur album d’un ex-Beatles en solo. Irrésistible.

Mathieu
Invité
Mathieu
4 août 2010 8 h 19 min

Un Chef d’Oeuvre, tout simplement !

Ce qui est amusant, c’est de se souvenir de l’accueil très mitigé ou carrément hostile de l’époque. Album mièvre, pop trop sucrée, bref toute l’artillerie classique anti- Mc Cartney.

bokacola
Invité
bokacola
25 octobre 2012 2 h 29 min

J’ai acheté l’album aujourd’hui et ca faisiat plusieurs fois que je lorgnais dessus chez les disquaire mais j’attendais le moment de le dénicher pas cher.

 

Quel album ! On sent vraiment l’atmosphère apaisé de l’album, Macca tranquil’ dans son ranch, amoureux, heureux, et qui joue un peu de musique histoire de se faire plaisir. Un album intimiste qui
peut tourner à n’importe quelle heure, n’importe quelle saison…

 

Au top. Il renforce le fait que Macca soit surement mon Beatle préféré. 

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