WHIRLWIND HEAT, NEILS CHILDREN, THE HORRORS

Tatty Bogle, Londres, Jeudi 1er Mars 2006

Tatty Bogle est le genre d’endroits auxquels on a toujours fantasme. Caché dans une ruelle communiquant avec Carnaby Street, dans le centre hip de Londres, ce bar minuscule – il ne peut accueillir plus de 80 personnes – est une cave souterraine aux odeurs de speakeasy. Autant dire que le population présente dans les lieux ce soir est plus que select. La première ligne de la jeunesse branchée de la capitale britannique vient poser ce soir dans l’antre goth-punk de Neils Children et exhiber son attirail neo-romantique.

Un simple coup d’oeil a la foule suffit a nous faire comprendre dans quelle direction le vent de la mode vestimentaire souffle. Pantalons outrageusement serres et cheveux ébouriffés pour les mâles, robes de campagne tendance Petite Maison Dans La Prairie trash pour les demoiselles, eye-liner pour tous… voila l’uniforme de saison qui s’applique autant au public qu’au groupes de ce soir, a l’exception de Whirlwind Heat qui possedent leur propre et inimitable style.

Ouvrant la soirée apres le numéro impromptu d’un groupe sans nom, The Horrors prennent la scène d’assaut pour une vingtaine de minutes de pure agression punk-garage. Ces émules des Cramps ont a peine écrit une paire de chansons mais ils ont du style et n’hésitent pas a reprendre des perles telles que “Jack The Ripper” de Screamin’ Lord Sutch et “The Witch” des Sonics. L’exercice est périlleux… leur passage est un succès monstrueux. L’interprétation magistrale de ces morceaux, ajoutée a la qualité évidente de leurs propres compositions (ah, ces trois fameux accords…) et leur style destroy-gothique personnifié par leur charismatique zombie/chanteur fait de The Horrors un des groupes les plus excitants de ce début d’année 2006.

Neils Children enchaînent assez rapidement. Le trio joue gros ces jours-ci. Le succès de leur prochain single pourrait conditionner leur avenir après une annee 2005 catastrophique (départ du bassiste, peu de concerts, retour dans l’anonymat), chaque concert s’avère un test de popularité. Evidemment, la foule de ce soir est entièrement acquise à la cause de groupe goth-punk qui joue pour sa survie et propose des nouveaux morceaux agressifs. Leur performance est convaincante mais ne parvient pas a éclipser la sensation créée par The Horrors auparavant. Neils Children sont un groupe de très grande qualité mais semblent avoir manqué leur heure. L’émergence plausible d’une nouvelle scène goth-rock à Londres pourrait néanmoins les remettre au gout du jour. A suivre.

L’arrivée de Whirlwind Heat sur scène renvoie l’audience à son propre ridicule. Ces trois mecs vêtus a l’identique, du t-shirt aux baskets orange en passant par le pantalon baggy, ne répondent pas au critères vestimentaires de la soirée (et ne seraient certainement pas entrés dans les lieux s’ils ne jouaient pas). On se rend compte que l’absurdité de s’habiller – se déguiser? – pour ces soirées branchées ne semble pas frapper le public (dans lequel les crayons a maquillage tournent plus que les joints) qui n’a aucun recul sur lui-même. Ces gens la sont décidément trop sérieux… Ce n’est bien évidemment pas le cas de Whirlwind Heat qui tourne ici pour promouvoir son corrosif single “Reagan” et traumatiser quiconque les croise. Un spectacle du groupe peut s’apparenter a un lâcher de chimpanzés dans un magasin de musique. Certains parlent de cacaphonie, on crie au génie.

Ces trois surdoués jouent leur musique sans concession et entraînent le public dans une transe tribale avec leur post-punk épileptique. Le premier album est mis a l’honneur avec plusieurs morceaux – notamment “Orange” qui déclenche des réactions proches de l’hystérie – tandis que le prochain Types Of Wood se taille la part du lion. En rappel, Whirlwind Heat prend le taureau par les cornes et joue l’integralite de l’album Flamingo Honey (10 chansons en 10 minutes) avant de terminer sur “Pink”. Les poseurs n’en peuvent plus, le mascara dégouline de transpiration, les fous furieux de Whirlwind Heat ont converti la population de la salle a leur musique dérangeante.

A-t-on a vu le groupe le plus excitant du monde ce jeudi? On ne serait pas étonné de voir les baskets orange devenir l’objet a la mode de ces prochaines semaines dans les sphères branchées de la capitale anglaise. Whirlwind Heat sont incroyablement sous-estimés pour un groupe si novateur et inspiré. On défie quiconque de nous présenter un artiste de leur trempe, a ce point intégriste dans sa musique et dans ces actes. Nul doute que dans dix ans, on entendra de jeunes groupes parler d’eux comme une influence majeure, le genre de statut que n’atteindront jamais un groupe comme Bloc Party.

 

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