(Téléfilm de Neill Fearnley, 2000)
Groupe-comète monté de toutes pièces par deux producteurs de la chaîne NBC désireux de se remplir les fouilles en surfant sur la vague Beatles aux Etats-Unis, les Monkees connurent un incroyable succès entre 1966 et 1968, période pendant laquelle ils sortirent pas moins de cinq albums. Et encore, le mot de « succès » reste un euphémisme tant les chiffres liés au phénomène Monkees, l’un des premiers groupes à occuper simultanément le sommet des charts américains et britanniques, donnent le tournis: fait absolument délirant, quatre de leurs albums (The Monkees, More of the Monkees, Pisces, Aquarius, Capricorn and Jones et Headquarters) se virent classés numéro un au Billboard au cours de la seule année 1967. Il faut dire que la concurrence n’avait rien d’insurmontable cette année-là: Sergeant Pepper, Between The Buttons, le premier Velvet, le premier Doors, The Piper At The Gates Of Dawn des Pink Floyd, Are You Experienced? de Jimi Hendrix, ou encore Surrealistic Pillow du Jefferson Airplaine, sans oublier The Who Sell Out et Forever Changes, qui fut cependant loin de faire un carton à sa sortie. Rien d’insurmontable, vous dit-on.
Un peu à l’image des funestes boys bands qui envahirent le top 50 et les écrans de télévision dans les années 90 (le jour où Gerald a quitté les G-Squad, j’ai pris du rab de boeuf bourguignon, dirais-je pour paraphraser Desproges), les quatre membres des Monkees furent recrutés sur casting. L’idée des producteurs, et notamment du directeur artistique Don Kirshner, était aussi simple que novatrice: faire jouer le quatuor dans une série télévisée consacrée à un groupe de rock et profiter des audiences cathodiques pour vendre un maximum de disques aux adolescent(e)s américain(e)s en pâmoison (désolé mesdames, puisqu’il ne faut plus dire « mesdemoiselles » sous peine de s’attirer les foudres des féministes dévouées aux grandes causes, mais ce sont rarement des gros barbus qui s’évanouissent lors des concerts). Les quatre heureux élus, lancés comme un paquet de lessive et qui viennent d’horizons très différents, ne sont censés faire que poser leurs voix sur des musiques pré-écrites et se rendent très rapidement compte qu’ils n’auront pas leur mot à dire, écrasés par une machine promotionnelle qui les propulse en un rien de temps vers des sommets de popularité.
Autant le dire tout de suite, le téléfilm Daydream Believers, qui retrace la période glorieuse du groupe, ne présente strictement pas le moindre intérêt d’un point de vue cinématographique : la mise en scène frise le néant, les acteurs touchent les limites du crédible et les dialogues semblent avoir été écrits par des auteurs de soap opera en mal de cachet. La fin du film, où Mike signe un autographe sur le plâtre que porte un enfant au bras dans un hôpital, atteint une sorte de climax dans la niaiserie. Mais l’essentiel n’est pas là : le récit suit fidèlement l’histoire accélérée des Monkees et permet d’en savoir un peu plus sur le parcours atypique et la success story d’une des formations les plus populaires et les plus controversées des sixties (la presse ne manque pas d’appuyer là où ça fait mal et de mettre en avant l’aspect artificiel du groupe, sur le mode « Monkees or phonies? »). Il donne aussi à voir le combat que mènent les deux vrais musiciens de la bande, Mike Nesmith et Peter Tork, pour s’émanciper de la tutelle dictatoriale de leurs producteurs et gagner le droit de se produire en public, de jouer sur les enregistrements et de composer leurs propres morceaux.
Même s’ils ne furent dans un premier temps qu’un produit cyniquement calibré et marketé, les quatre chevelus étaient loin d’être dénués de talent, comme ils le prouvèrent à partir de leur troisème album, Headquarters, qui marque un tournant puisqu’il s’agit du premier disque sur lequel les Monkees purent laisser leur patte. Ils s’orientèrent pas la suite vers un son plus psychédélique et signèrent quelques petits bijoux dans cette veine. Daydream Believers, qui, vous l’aurez compris, ne figurera jamais dans aucune vidéothèque idéale, donne l’occasion d’entendre ou réentendre les premiers succès du groupe (« Last train to Clarksville », « I’m not your stepping stone », « Theme from the Monkees »), aussi imparables qu’efficaces. Même si le public a de tous temps eu une tendance certaine à aller vers ce qui ressemblait plus ou moins à de la daube en boîte, force est de reconnaître que les Monkees devinrent ce qu’ils devinrent aussi et peut-être avant tout grâce à la qualité remarquable des compositions qui leur furent confiées. Malgré ses défauts, le film a au moins le mérite de braquer ses humbles projecteurs sur un groupe très largement sous-estimé.
Vidéo :
A défaut d’une bande-annonce pour ce téléfilm, voici les génériques de début et de fin du véritable show TV des Monkees