THE SIGHTS. Live

A day in the life (London Metro - Mardi 1er Novembre 2005)

Drôle de journée que ce jour de la toussaint… Ce soir les Sights jouent au Metro Club qui se situe en plein Oxford Street. Pour rentabiliser au maximum notre onéreux ticket de tube, on décide donc d’aller fouiner dans l’après-midi chez les disquaires de la capitale britannique. Ceux qui connaissent Londres savent que c’est à Berwick Street que se trouvent les meilleures échoppes de tout le royaume.

C’est dans cette rue que se trouve l’excellent magasin Selectadisc, spécialisé dans le vinyl neuf –  tous genres confondus. Le hasard a voulu que le jour même de ma piqûre de rappel hebdomadaire était prévu un “in-store gig” des prometteurs Nine Black Alps. Pendant une petite demi-heure, le groupe mancunien a livré à la cinquantaine de spectateurs enchantés une prestation entièrement acoustique. Sam Forrest aime Elliott Smith, cela se ressent fortement dans son écriture. Nine Black Alps ne sont pas qu’un groupe de braillards grunge. La séance de dédicace destinée à booster les ventes du single “Just Friends” révèlera un groupe de jeunes gens affables et humbles. Rafraîchissant dans un milieu peuplé de poseurs.

Plus tard dans la soirée je regarde mon ticket de concert. L’ouverture des portes est prévue à 19h or il est 19h30 et rien ne bouge, personne même n’attend devant la porte. On s’inquiète, on se demande si on est au bon endroit, si la salle ne possède pas une entrée alternative et on décide de rôder en quête de cette foutue entrée (stress palpable). Ce faisant, on croise un jeune homme blond, pas très grand, vêtu d’une veste polaire. Eddie Baranek, chanteur des Sights. Le quidam a l’air aussi paumé que nous, on se décide à aller lui parler. “Excuse me, you’re Eddie Baranek, aren’t you?”. Les Sights ne sont pas les White Stripes, aussi le musicien paraît surpris  d’avoir été reconnu (je pense lui avoir gagné sa journée).

La conversation s’engage et il apparaît assez vite qu’il est tout aussi inquiet que nous concernant l’ouverture du club. On parle de choses et d’autres (essentiellement de la scène de Detroit et inévitablement des Dirtbombs). Il nous explique qu’il a appelé ce little bastard de Ben Swank – batteur des Soledad Brothers et résident londonien – et qu’il va pointer son cul dans l’assistance ce soir. Mieux encore, en venant à la salle il a croisé Dolf De Datsun dans la rue – rien de plus normal, après tout Londres est un grand village – qui va ramener sa clique. Va-t-on assister à une jam cosmique ce soir? Entendu que les Sights prennent la scène à 21h30, on décide de revenir plus tard.

Les portes se sont ouvertes à 20h. Lorsque le premier groupe de la soirée monte sur scène, la salle est vide à l’exception du barman, des Sights et de deux ou trois pèlerins. La chanteuse du groupe nommé Mass est vêtue d’une robe façon Debbie Harris (et doit avoir à peu près le même âge). Le premier morceau interprété par le groupe est une décharge garage-punk ponctuée par un riff monstrueux. On est emballé. La suite s’avèrera décevante, le groupe ne flirtant jamais avec les sommets atteints par ce morceau inaugural. Par ailleurs, l’attitude marquée de la chanteuse, qui marche à quatre pattes sur le bar et mime l’orgasme à chaque refrain est affligeante. Un bon jeu de scène ne passe pas forcément par le mime de l’acte sexuel. Karen O des Yeah Yeah Yeahs semble avoir fait des adeptes, pas toujours pour le meilleur…

Le deuxième groupe est nettement meilleur. Le trio écossais que sont The Fratellis propose une pop-punk-funk alambiquée plutôt séduisante et quelques ballades assez emballantes. Il y a de la cohésion, il y a du talent mais il leur faudra aussi du boulot avant de devenir les nouveaux Franz Party. Entre deux morceaux on tourne la tête sur la gauche et on voit une silhouette frêle qu’on jurerait avoir déjà vu… Christian Datsun, incognito dans la maigre attendance. Les autres Datsuns passent moins inaperçus. Dolf est sapé comme un pape, genre superstar en sortie et se la joue inaccessible, Phil pose en trois-pièces au fond de la salle.

Le contraste avec la simplicité d’Eddie Baranek qui amène son matériel lui-même et accorde sa guitare sans l’aide de techniciens est saisissant. Les Datsuns sont-ils des grosses têtes de con? En tous cas, l’idée de faire un bœuf avec les Sights ne leur traversera pas l’esprit ce soir. Dommage.

Le concert de ces derniers sera excellent. On regrette juste le faible nombre de personnes présentes dans l’assistance. Comme me le disais Eddie plus tôt, “we’re not cool anymore”. Le tsunami eighties a finalement eu raison de la vague garage, on en a l’illustration ce soir. Les Sights ont joué la quasi intégralité de leur dernier album. On est admiratif devant Baranek qui vit véritablement sa musique. L’entente avec les autres membres du groupe est parfaite – on craignait que les changements réguliers de personnel ne nuisent à la cohésion du groupe – et les highlights de la soirée sont indubitablement “Circus”, “Frozen Nose” – applaudie chaleureusement par le public des les premiers accords – et “Suited Fine”. Le concert est, comme bien souvent, beaucoup plus électrique que le disque. On découvre en Bobby Emmett, joueur de Hammond au style jazzy, un excellent support pour les chansons de Baranek. Lui aussi a le droit à ses moments de gloire ; non content de chanter sur “Suited Fine” et “Baby’s Knocking Me Down”, il se permet quelques solos de haute voltige, tous ponctués d’une lourde gorgée de Jack Daniels au goulot. Seul Ben Swank osera déranger ce rituel en montant sur scène dérober l’objet du délit et se l’envoyer derrière la cravate.

Le concert ne dure qu’une petite heure avant que le groupe ne remballe. Sous la pression amicale du public, les musiciens remontent sur scène pour un rappel trop court. Un spectateur demande “Don’t Want You Back”, le groupe semble peu enclin à jouer des morceaux des deux premiers albums. Tout juste aura-t-on droit à “Nobody”, chanson tirée de “Got What We Want”. Etrange. 

On sort de ce concert heureux de voir un groupe continuer à faire vivre l’esprit garage sixties – la comparaison avec les Small Faces est justifiée – mais aussi un peu attristé par l’évolution du rock ces dernières années. L’avenir semble appartenir aux revivalistes des fades années 80, confirmant le repli des groupes garage de Detroit (dont la scène est en train d’exploser entre querelles et procès divers). On ne peut que s’attrister qu’un groupe comme les Sights n’aient jamais joué en France. Honte à nous.

 
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