ALICE COOPER – Killer

Epique

(Warner 1971)

Alice Cooper apparaît en 2008 comme un vieux type bedonnant, aux yeux maquillés à la façon d’oncle Fétide, portant un marcel filet de pêche, un cycliste noir et la cape de Dracula. Et il chante du heavy metal lourdingue. Il est grand temps de mettre fin au cliché. N’oublions pas qu’avant de devenir ce croque-mitaines de carnaval, Alice Cooper n’était pas un chanteur, mais un groupe : The Alice Cooper Band. Bien sûr, celui qui s’appelait jadis Vincent Furnier était déjà spectaculaire sur scène, avec ses pythons, sa guillotine et sa tenue théâtrale, mais ce qui faisait parler avant toute chose était la qualité de sa musique.

Repéré par Frank Zappa, le groupe a enregistré une paire d’album avant Killer, dont Love It To Death, peut-être son chef d’œuvre ultime. Cet album, tout comme celui au boa et les suivants ont été produits par Bob Ezrin, véritable pygmalion du groupe jusqu’à sa dissolution en 1974 (Ezrin continuera néanmoins sa collaboration ensuite avec le chanteur parti en solo). La collaboration entre ce génie du studio et le Alice Cooper Band sera une des plus fructueuse des années 70. Le deal était simple : “composez des bons morceaux, j’en ferai des chefs d’œuvre”. A ce titre, Killer ressemble à un laboratoire de recherche pour Ezrin dont la production démente suscite à la fois l’admiration et la suspicion : le producteur n’hésite pas à en rajouter un max pour accentuer l’effet de certains passages : trompettes à tout va pour faire la fête et son de glas sépulcral pour ternir l’ambiance.

A la sortie de Killer, le glam-rock est à son apogée, l’époque est au retour à un rock festif, à la dynamique et à la simplicité des fifties. Poussés par le succès de son précédent single “I’m Eighteen”, le Alice Cooper Band décide de devenir un groupe glam rock’n’roll populaire. “Be My Lover” avec ses chœurs doo-wop sent la gomina à plein nez, “Under My Wheels” est tantôt génial avec son riff de guitare inimitable et horripilant avec les trompettes de big-band qu’Ezrin a cru bon ajouter, tandis que “Yeah, Yeah, Yeah” assume pleinement son rôle de pop song a moitié crétine. Cette approche dansante aura son effet immédiat : le groupe obtient enfin des tubes internationaux, comme l’inénarrable “Under My Wheels”, aujourd’hui un des classiques du répertoire d’Alice, qui pourtant n’a aucun crédit pour ce morceau (écrit par le guitariste Michael Bruce, le bassiste Dennis Dunaway et Bob Ezrin).

N’ayant pas complètement changé d’identité, le groupe propose toujours des morceaux contemplatifs, tels que l’immense “Desperado” aux violons envoûtants où Cooper rend hommage à Jim Morrison récemment décédé, et surtout le morceau “Killer”, une longue jam de 7 minutes qui conclut l’album par une marche funèbre glaciale. Malgré tout, le véritable moment de bravoure de l’album – et de l’entière carrière d’Alice Cooper – n’est pas ce final magnifique mais un morceau placé en fin de face A, au moment pivot de l’album.

“Halo Of Flies” demeure sans doute un des morceaux les plus dingues de l’histoire de la pop music. 8 minutes 22 de délire guitaristique et de mélodies à tiroir, une pièce en plusieurs mouvements qui surprend à chaque instant et mérite d’être placée au firmament des grandes excentricités du rock’n’roll. “Bohemian Rhapsody” – le mètre étalon en matière de rock épique – paraît bien sobre après ce “Halo Of Flies” tourbillonnant. De l’introduction bourdonnante aux premiers ralentissements, des riffs spectaculaires au cri de gorge d’un Alice déchaîné, ce morceau est à la fois sophistiqué, crétin, musicalement complexe et violemment rock’n’roll. Le batteur Neal Smith règne sur le morceau tandis que les guitares s’escriment dans des solos spectaculaires. Le groupe avouera plus tard avoir écrit cette pièce pour prouver au public que l’Alice Cooper Band n’étaient pas qu’un groupe de crétins déguisés. Message entendu, Killer est un des plus grands albums rock de cette décennie.

 

 

Tracklisting :

1. Under My Wheels
2. Be My Lover
3. Halo Of Flies  *
4. Desperado  *
5. You Drive Me Nervous  *
6. Yeah, Yeah, Yeah
7. Dead Babies  *
8. Killer  *

 

Vidéo :
 
“Under My Wheels”
 
“Halo Of Flies”

 

Vinyle :

Le serpent sur la pochette s’appelait Kachina et appartenait au batteur Neal Smith, grand amateur de reptiles, qui s’occupait de la nourrir (oui, c’était une femelle). Alice l’utilisait sur scène.

Alice Cooper - Killer

 

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ZEL
Invité
ZEL
3 avril 2008 9 h 02 min

J’écoute Halo Of Flies en boucle depuis que j’ai lu cet article.

C’est quand tu me fais écouter du Pink Floyd sur du vynile ? 🙂

Bopcomo
Invité
Bopcomo
14 mai 2008 1 h 00 min

La période  avec BRUCE et DUNAWAY était terrible, “Love it to death” un chef d’oeuvre.
j’ai aussi un faible pour “Billion dollars babies” (j’ai la pochette porte feuille avec le billet poster d’origine)

Frank
Invité
16 mars 2012 4 h 53 min

Je me le suis réécouté dernièrement, mais qu’est-ce qu’il est bon ce disque ! Et pis Halo Of Flies est effectivement un sommet où comment réussir à empiler des couches de mauvais goût (la palme
pour les claviers) pour obtenir le morceau parfait

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