(Decca 1967)
Attention album décrié. La sortie de cet album marque le lancement officiel de l’année maudite des Rolling Stones : 1967. Nombre de fans n’ont pas supporté le tournant pris par le groupe avec cet album qui succède à l’excellent Aftermath, disque âpre et énervé au son garage.
Pourquoi haïr cet album? Parce qu’ici les Stones tournent pop et perdent leur image de rebelles. De face obscure des Beatles ils deviennent suiveurs des Beatles. Une phrase restée célèbre affirme que si on préfère Between The Buttons aux autres albums des Stones, on est un fan des Beatles qui s’ignore. On pourrait ajouter fan des Kinks aussi car Jagger & cie pratiquent ici une chronique sociale assez semblable à celle du Ray Davies de “Dead End Street” et poussent même leur anglicité jusqu’à chanter avec un fort accent cockney (“Cool, Calm, Collected”, “Something Happened To Me Yesterday”) et illustrer d’une nursery rhyme de leur invention le dos de pochette. So British…
On ne saurait néanmoins qualifier ce disque d’album de copiste ou de mauvais pastiche tant il fourmille d’idées ingénieuses et de mélodie exceptionnelles. Aucun album des Stones ne contient autant de bonnes chansons. Si “Yesterday’s Papers” fait le lien avec le précédent album, sa ligne de basse saturée est adoucie par un clavecin et des “too doo” qui montrent la nouvelle direction pop des Londoniens. S’ensuit le très bon “My Obsession” avant le morceau polémique : “Back Street Girl”, ballade acoustique portée par un accordéon qui irrite encore les fans de la première heure. Il n’en demeure que cette chanson est magnifique et met en valeur d’autres morceaux plus typiques Stones comme “Connection”, “Miss Amanda Jones”, “All Sold Out” ou “Please Go Home” car elle montre l’étendue de leur palette.0
Autre morceau controversé, ce “Cool, Calm, Collected” – à ranger à côté de “When I’m 64” ou “Mister Pleasant” au rang des excentricités british – porté par un piano bastringue et un solo de kazoo… qu’on aime ou qu’on déteste. En tous cas, les Stones n’ont jamais sonné aussi frais que sur ce morceau très représentatif de l’époque et du revival victorien qui poussa les anglais à se vêtir chez “Granny Takes A Trip” et d’autres magasins de Carnaby Street. Le grand morceau de cet album demeure néanmoins “Complicated” où Keith joue de la fuzz sur une descente de clavier du regretté Ian Stewart et des “Aaaaaah” très Beatles, certes, mais qui restent en tête longtemps après la première écoute.
L’ensemble est très cohérent et forme un véritable album où les Stones ont su capter l’esprit du Swinging London de 1967 ce qui, en plus de la valeur intrinsèque de l’album, lui confère un côté documentaire très évocateur. A ceux qui trouvent que les Stones auraient ramolli avec cet album, tendez un peu l’oreille et écoutez un peu les paroles. Jagger a-t-il été plus misogyne que lors de ce “Don’t want you out in my world/Just you be my backstreet girl », d’autant plus méprisant qu’il est chanté posément?
Between The Buttons est un chef d’oeuvre, un des meilleurs disques des Rolling Stones. Ceux qui ne le pensent pas peuvent toujours s’endormir au son de “Black & Blue” ou “Emotional Rescue”, disques infâmes du milieu des années 70 aussi inécoutables aujourd’hui qu’à l’époque de leur sortie…
PS : la version US de cet album contient les deux faces d’un single sorti hors album en Angleterre cette année là, l’insurpassable “Let’s Spend The Night Together”/”Ruby Tuesday”. 1967, année maudite? Ça se discute…
Tracklisting :
- Yesterday’s Papers *
- My Obsession
- Back Street Girl *
- Connection *
- She Smiled Sweetly
- Cool, Calm And Collected *
- All Sold Out
- Please Go Home
- Who’s Been Sleeping Here?
- Complicated *
- Miss Amanda Jones
- Something Happened to Me Yesterday
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“Yesterday’s Papers”
Vinyle :