(Columbia 2010)
Oui, on sait, cet album est sorti depuis plusieurs mois, merci. “A quoi bon en parler aujourd’hui alors que le buzz entourant sa sortie s’est évaporé ?”, nous direz-vous. “Pour cette raison-même”, vous répondra-t-on. Pas envie de participer à la course, de céder à la précipitation et de vouloir être les premiers à en parler à tout prix. C’est vain, et en général ça n’apporte que mauvaise littérature. Même Gala a parlé de Congratulations, c’est dire…Quel intérêt alors d’être le 300e site à parler d’un album (à moins d’avoir un point de vue franchement original) ? Aucun, sauf de livrer notre sentiment une fois la hype évaporée, à froid, et de saluer la qualité de ce disque.
Bon, pour être 100% honnête, on vous avouera qu’on n’était pas spécialement impatients de la sortie d’un deuxième album de MGMT, d’où notre peu de réactivité à sa sortie (d’autant que sa pochette nous a tétanisés d’effroi). Même s’il était plaisant par intermittence, Oracular Spectacular nous avait paru indigeste par sa production boursouflée, on était quand même un peu suspicieux de l’accueil critique délirant réservé au duo. Cette fois-ci la presse a été moins laudative, parlant parfois de semi-échec (ou semi-réussite, ça dépend de quel point de vue de vue on se place), le reproche principal étant que Congratulations état trop aventureux et ne contenait pas de vrai tube dans la veine de “Time To Pretend” ou “Kids”.
Cette analyse nous convient – l’album est en effet très aventureux – mais notre conclusion diffère : on préfère MGMT débarrassé des scies de dancefloor qui polluaient leur premier album. Après le succès de son premier album, le groupe s’est trouvé devant le choix de satisfaire un public toujours plus grand. Plutôt que de tenter de reproduire la formule qui lui avait valu ses tubes fluorescents, le duo a pris l’option louable de s’adjoindre comme producteur un des plus grands malades de la planète psychédélique (Pete “Sonic Boom” Kember des redoutables Spacemen 3) et de partir dans la direction d’une pop lysergique difficile d’accès. Pas de quoi crier au suicide commercial, mais assez pour s’attirer notre sympathie.
Bien sûr, Congratulations n’est pas parfait. Plusieurs morceaux brassent de l’air et le groupe, parfois en manque de mélodies, a recours à des vieilles formules pour flatter l’oreille de l’auditeur (le falsetto de “Someone’s Missing” nous ramène en territoire familier) et multiplie les effets sonores pour faire décoller ses morceaux (on pense ici à une pistes telles que “I Found A Whistle” que le groupe enrichit d’un theremin). Ceci mis à part, le groupe propose une collection de morceaux souvent enthousiasmants, parfois dérangeants, mais qui ne laissent jamais de marbre, à l’image de l’ouverture “It’s Working” qui flirte avec le mauvais goût mais reste toujours intrigant, que ce soit dans ses percussions africaines, son clavecin ou ses chœurs compressés à la Queen. Dans une veine différente, “Song For Dan Treacy” (qui rend hommage au leader des Television Personalities, autre adepte du name-dropping) propose un solo de clavier avec un son évoquant les jeux vidéo des années 80 et une mélodie en forme de nursery rhyme qui sort tout droit des années 60 psychédéliques. Ce morceau, tout comme l’excellente “Brian Eno”, démontre que MGMT est à l’aise avec les morceaux rapides, dans un genre difficilement identifiable. Space-pop ? Bubblegum-punk ? Ou tout simplement Glam cosmique? Si le duo cite Eno, c’est surtout à Roxy Music qu’on pense en écoutant ces morceaux délicieusement barrés. “Virginia Plain” n’est pas loin.
C’est dans ce registre de l’expérimentation sonore que MGMT impressionne le plus. Deux morceaux illustrent le génie du groupe dans ce domaine : “Flash Delirium” et le très discuté “Siberian Breaks”. Le premier est LE grand titre de cet album. Servi par une vidéo fantastique – qu’il est impossible de dissocier du morceau après visionnage –, “Flash Delirium” possède une mélodie limpide centrée autour d’une ligne de basse insistante, et monte en intensité jusqu’à son final explosif. Un chef d’œuvre de pop bizarroïde à la Todd Rundgren que le groupe a sorti en single pour son grand retour. Pas sûr que les radios généralistes aient su quoi faire de ce truc quand elles l’ont entendu la première fois. Pas sûr que l’UMP l’utilisera lors d’un meeting…
Encore plus destructuré, “Siberian Breaks” est un mini-opéra en plusieurs mouvements qui commence comme une ballade sucrée puis vire en pop psychédélique légère avant d’explorer divers genres (rock planant, pop eighties). Pendant les douze minutes que dure le morceau, le groupe ne se dépare jamais d’une certaine légèreté, ce qui rend le morceau étonnamment digeste. Loin des symphonies tape à l’œil de Muse, MGMT montre qu’on peut tenter des choses audacieuses sans pour autant sombrer dans la caricature.
Que doit-on retenir de cet album ? D’abord que MGMT apparaît comme un groupe audacieux. Chris Martin, qui a refait plusieurs fois le même disque (en moins bien) après la bonne surprise que fut A Rush Of Blood To The Head peut prendre note : on peut être populaire et créatif. En choisissant de prendre son public à rebrousse-poil, MGMT réussit à convaincre sur un album entier (ce qui n’était pas gagné au départ). Certains esprits chafouins regrettent l’absence de “tubes” ou même de “vraies chansons”, on ne sait trop quoi leur répondre, si ce n’est de se repasser “Flash Delirium” et d’arrêter de raisonner selon cette logique (a-t-on déjà reproché aux Liars de ne pas avoir de tubes ?). Plus équilibré que son prédécesseur, Congratulations est un excellent album, à ranger à côté du récent Embryonic des Flaming Lips dans le rayon indie-rock cosmique. Loin du feu de paille attendu, MGMT semble être là pour durer. Une bonne surprise.
Tracklisting :
- It’s Working
- Song For Dan Treacy *
- Someone’s Missing
- Flash Delirium *
- I Found A Whistle
- Siberian Breaks *
- Brian Eno *
- Lady Dada’s Nightmare
- Congratulations
L’album est en écoute intégrale sur le site de MGMT
Vidéos :
“Flash Delirium”
Vinyle :
L’album est un double vinyle, comme pour le cd il est possible de gratter la pochette pour faire apparaître une autre image.