(In The Red 2010)
Enfin ! Il est arrivé, ce nouvel album des Fresh & Onlys, tant attendu depuis les réussites de projets “mineurs” du groupe en 2010 (l’ EP August In My Mind et les deux superbes albums solo du chanteur Tim Cohen).
Un album repoussé un temps, qui sort sur In The Red, signe que les Fresh & Onlys commencent à se faire connaître (ce label est mieux distribué dans le monde que Captured Tracks ou Woodsist) mais qui surprend de par son ambiance apaisée. Il semble que l’œuvre solo bucolique de Tim Cohen commence à filtrer dans le rock garage des Fresh & Onlys dont le son est de moins en moins âpre. Play It Strange se présente ainsi comme l’album le plus calme du groupe au moment où le groupe arrive sur un label spécialisé dans le rock’n’roll le plus sauvage et distordu.
L’ouverture de l’album donne le ton : le groupe y revendique son appartenance à San Francisco et dévoile sa nouvelle approche douce en rendant un hommage au son acide de la musique locale des années 60. Si on compare aux deux premiers albums du groupe (The Fresh & Onlys et Grey-eyed Girls), les guitares sont moins lourdes (normal, Cohen a désormais complètement abandonné la guitare pour devenir claviériste à plein temps), le son plus champêtre. La patte typique des Fresh & Onlys, avec cette rythmique emballante – dont l’exemple-type reste le single “Vanishing Cream” sorti cet été – reste néanmoins identifiable : “Waterfall”, “Until The End Of Time”, “Be My Hooker”, “Plague Of Frogs” fonctionnent toutes sur ce modèle, avec un enrobage sonore qui tend vers la country, et où la guitare ensoleillée de Wymond Miles fait merveille.
Quelques pistes de pur garage persistent néanmoins, comme “I’m All Shook Up”, assez proche de ce que des groupes comme Jacuzzi Boys peuvent faire aujourd’hui, ou “Tropical Island Suite” et son riff de guitare martelé. Ce morceau de près de huit minutes explose en plein vol pour s’achever en mélopée douce, signe que les obsessions du groupe ont changé. Comme ils l’indiquent dans leur titre de l’album, les Fresh & Onlys veulent jouer bizarrement et enrobent divers genres de leur son empli de reverb, de voix hantées et de clavier phosphorescent. C’est palpable sur “Red Light, Green Light”, folk-rock à la Creedence ainsi irradié par le groupe, et “Who Needs A Man” qui voit le groupe arpenter les pistes de dancefloor d’ordinaire remuées par Franz Ferdinand. Les Fresh & Onlys tentent même une percée dans le registre de la ballade classieuse avec la superbe “I’m A Thief”, morceau placé en ultime position.
Avec ces incursions dans des nouveaux genres et cette approche plus calme, on pourrait craindre que les Fresh & Onlys se soient perdus. Or Play It Strange est (encore une fois) un succès sur toute la ligne. Le quatuor parvient avec cet album à muer avec grâce et intelligence, évitant ainsi l’écueil de l’album garage prévisible. Il est impossible aujourd’hui de savoir quelle sera la prochaine direction du groupe mais on se doute que les Fresh & Onlys ont encore de nombreux atouts dans leur manches. La scène de San Francisco n’a pas dit son dernier mot. Mieux, elle continue sa marche en avant.
Tracklisting :
- Summer of Love *
- Waterfall *
- Until the End of Time
- Tropical Island Suite *
- All Shook Up
- Be My Hooker
- Fascinated
- Plague of Frogs *
- Who Needs a Man
- Red Light Green Light *
- I’m a Thief *
Vidéo :
“Waterfall”
“Tropical Island Suite”
Vinyle :
Sans doute la plus belle pochette du groupe à ce jour, réalisée par un artiste nommé Kevin Earl Taylor.