(Island 2005)
Ne vous fiez pas au titre de cet album. Sorti fin juin en Angleterre et toujours inédit chez nous, Turn Against This Land ne fait évidemment aucune allusion morbide aux attentats dans le métro londonien du 7 juillet 2005.
Par ailleurs, ces Dogs de Londres n’ont évidemment aucun rapport avec le groupe punk français du même nom et le regretté Dominique Laboubée. En fait, au milieu des clones de la nouvelle scène new-wave/post-punk britannique menée par Franz Ferdinand et Bloc Party, Dogs font figure d’exception. Le visuel du groupe se veut sombre, vêtements cuir négligés et pose rock, loin du stylisme ampoulé d’un polo jacquard ou d’une frange savamment gominée qui représentent l’uniforme de l’indie boy 2005. Niveau son, Dogs tentent le pari risqué de faire le pont entre le garage-rock déglingué des Libertines et le rythme binaire épuré de cette vague post-punk, toutes basses dehors et guitares synthétiques. Comme beaucoup de leurs contemporains, les Dogs sont fascinés par la période charnière 1978-1981 où le punk s’est muté en new-wave malsaine.
Autre chose confère au groupe un visage singulier. En la personne de Johnny Cooke, les Dogs possèdent un chanteur charismatique, écrivant des textes frappants de noirceur et désespoir, à la voix rocailleuse qu’on croirait sortie de Sin City. Cooke ne chante pas vraiment, il râle ses histoires d’amour mal terminées et ses désillusions. De quoi repousser certains auditeurs. Il serait dommage de se laisser rebuter par l’organe poussif du frontman de Dogs car le groupe a produit avec Turn Against This Land un premier album idéal. On sent du talent, du potentiel et la possibilité d’un deuxième album encore meilleur.
Le succès de ce disque, c’est avant tout qu’il rocke. Après le carillon d’une cathédrale comme ouverture, arrive “London Bridge”, morceau punk au son énorme et à la mélodie aiguisée. Par la suite l’album alterne morceaux incendiaires et plages moins énervées, tout en gardant cette couleur urbaine, sombre. A l’instar du single “Selfish Ways”, qui est à rapprocher des Rakes de “22 Grand Job”, en beaucoup plus négligé et braillard, “End Of An Era” est un morceau mid-tempo aux paroles emplies de rancœur envers un amour perdu. Cette rancœur se manifeste encore plus dans l’excellent single “She’s Got A Reason” au texte hurlé de façon équivoque : “She leaves me, she must have a reason (…) I liked you better when you liked me as well“.
avec un des morceaux punk de l’année “It’s Not Right” est idéal. La tension refoulée depuis le début de l’album et portée à son paroxysme dans “She’s Got A Reason” est libérée dans ce titre percutant où le groupe lâche les chevaux. L’album continue avec les deux autres singles tirés de Turn Against This Land que sont “Turned To A Different Station” et “Tanned And Feathered”, hymnes taillés pour les radios indépendantes et le grand public, sans pour autant être mauvais. On préfère nettement quand le tempo accélère à nouveau avec “Wait” et son intro de basse façon Libertines ou encore la ténébreuse et formidable “Heading For an Early Grave”.
Autant de morceaux qui font de ce Turn Against This Land un album plus qu’intéressant et au cœur de nombreuses discussions à venir. Les rockeurs n’aimeront pas trop le côté eighties de certaines chansons, préférant le versant punk du groupe. A l’inverse, les fans de Bloc Party buteront sur le côté brut du groupe, le son volontairement crade et le mur de guitare sur certains morceaux … Les vrais fans de musique reconnaîtront qu’il est mille fois plus intéressant d’écouter un groupe évoluant en équilibre précaire, à la croisée de plusieurs styles, qu’un énième groupe de copistes garage ou new wave. Editors, ¡Forward Russia !, We Are Scientists feraient bien de s’inspirer de cet excellent premier album des Dogs.
Tracklisting :
1. London Bridge *
2. Selfish Ways *
3. Donkey
4. End of an Era
5. She’s Got a Reason *
6. It’s Not Right *
7. Tuned to a Different Station
8. Tarred and Feathered
9. Wait
10. Heading for an Early Grave
11. Red
Vidéos :
“She’s Got A Reason”
“Selfish Ways”
“Tuned To A Different Station”
Vinyle :