BACK FROM THE GRAVE – Part One

Sous ce titre et cette pochette discutables se cache une compilation de quelques-unes des meilleures chansons enregistrées par des groupes restés longtemps méconnus. Les enregistrements datent de 1966, et concernent des groupes bien plus obscurs que ceux présentés dans l’indispensable Nuggets (dont le premier volume s’intéresse à la période 1965-1968). Qui, avant la sortie de Back From The Grave, avait entendu parler de groupes tels que les One Way Streets, les Jujus ou les Fabs ? (Vous, peut-être, mais en tout cas, pas moi.)

Ce disque est donc un témoignage primordial sur le développement de la scène rock du milieu des années soixante aux Etats-Unis, et à laquelle on donne des noms divers (qui vont de garage-rock à proto-punk). Une chose est sûre cependant : ce mouvement était d’une grande importance, il a laissé des chansons extraordinaires, et sert encore de référence à la plupart des groupes de rock qui veulent s’écarter un peu des sentiers battus. Il serait dommage d’ignorer plus longtemps ces groupes, quelques-uns des perdants magnifiques de l’histoire du rock. Pour les reprises, on voit vite qu’on peut faire confiance à ces groupes : The One Way Streets reprennent « Jack The Ripper », les Swamp Rats parviennent à jouer une version de « Psycho » plus saturée que celle des glorieux Sonics, les Outsiders livrent une adaptation parfaite du « Summertime Blues » d’Eddie Cochran…

Les morceaux de cette compilation sont aussi variés qu’efficaces : enregistrés dans des conditions souvent approximatives, ils prouvent que de grand morceaux peuvent être écrits, joués et produits avec un minimum de moyens. « Keep In Touch » des Canadian Rogues, est parfaite : rythmique solide, voix puissante, solo de guitare implacable. Orgue Hammond et guitares Fuzz  sont à l’honneur sur ce disque ; à l’occasion, c’est un harmonica qui vient rejoindre l’habituelle formation guitare/basse/batterie. « Cry, Cry, Cry », des Unrelated Segments, est un autre morceau extraordinaire, avec une ligne de basse infaillible, des chœurs parfaitement maîtrisés et un chanteur électrisant. Les chansons sont d’un niveau hallucinant : « They prefer blondes » des Banshees, « Do you understand me »  des Jujus, « That’s the bag I’m in » des Fabs, « Scream » de Ralph Nielsen & the Chancellors… Impossible de passer à côté de Back From The Grave, qui offre aussi l’improbable « The Crusher » The Novas – un morceau définitif dans son genre.

Les notes de pochettes, délirantes, sont à la hauteur des chansons : on y apprend le nom des membres de chaque groupe – quand ils ont pu être identifiés – et des anecdotes aberrantes sur l’enregistrement des morceaux : certaines chansons semblent être sorties de nulle part… Quelques-uns des groupes présentés ici n’ont enregistré qu’un seul 45 tours, puis ont disparu sans laisser de trace, d’autres ont quitté le studio en emportant avec eux tout le matériel qu’ils pouvaient y trouver (micros, amplis, instruments)… Back From The Grave est une compilation indispensable à tous points de vue, sortie par un label qui ne l’est pas moins : Crypt Records, qui fut dans les années 1990 celui des Gories, des Dirtys et de Bantam Rooster (et reste aujourd’hui celui de King Khan & His Shrines), est un label sans lequel la vie serait plus difficile.