THE GOOD THE BAD & THE QUEEN – The Good The Bad & The Queen

Chef d'oeuvre

(Capitol 2007)

Une nouvelle année commence et Damon Albarn revient avec un énième concept dans sa besace. On pourrait parler de concept double en fait : si l’album The Good, The Bad & The Queen se veut une sorte de Parklife 2 centré sur la vie dans l’Ouest de Londres (comprendre : la vie dans les quartiers bourgeois de Londres), le groupe lui-même est assez intriguant.

Composé de superstars – Paul Simonon immortel bassiste des Clash, Tony Allen batteur afro-beat de Fela Kuti, Simon Tong guitariste de The Verve – et possédant un nom idiot que Damon Albarn n’assume pas complètement (il ne cesse de répéter en interview que le groupe n’a pas de nom), le groupe part avec un certain handicap. La mayonnaise peut-elle prendre entre ces musiciens brillants ? Le monde a-t-il envie d’entendre Damon Albarn partir en vrille alors que Graham Coxon est prêt à revenir dans Blur ? Ces musiciens parviendront-ils à répondre à l’attente générée par leur rencontre ?

Malgré nos réticences initiales, il faut nous rendre à l’évidence et implorer notre pardon : cet album est peut-être la meilleure chose que Damon Albarn ait jamais enregistrée. Ce mec est un con prétentieux? Oui. Ce mec est un génie? Oui. Il le prouve magistralement avec cet album. Après ses tubes britpop des années 90, son album africain et son hip-hop simiesque, le spécialiste de la mélodie imparable et des expérimentations soniques vient ajoute une corde à son arc en se révélant comme compositeur de ballades fragiles.

Tout au long de sa carrière, le frontman de Blur ne s’est que rarement essayé à la chanson d’amour ou à la ballade mélancolique. En bon élève de Ray Davies, Albarn s’est longtemps caché derrière ses personnages fictifs pour ne pas se dévoiler. Ernold Same, Jubilee, Colin Zeal, son alter ego Dan Abnormal et tant d’autres en ont pris plein la tête pour que leur auteur règle ses problèmes personnels avec ironie. Il fendit néanmoins l’armure une première fois en 1999 après une rupture douloureuse avec “No Distance Left To Run” à moitié convaincant puis sur l’album Think Tank avec la superbe “Out Of Time”, avant de se cacher à nouveau derrière un masque de singe. Deux chansons en 15 ans de carrière, c’est peu…

Dès la première écoute, on est frappé par quelque chose que ne permettait pas d’anticiper le single “Herculean” : The Good, The Bad And The Queen se révèle être une collection de chansons mélancoliques, à l’ambiance feutrée. La voix d’Albarn est clairement mise en avant : il ne fait aucun doute que ce supergroupe est SON supergroupe, et ses discrets musiciens ne sont là que pour l’emballage et faire en sorte que ce disque ne soit pas celui de Damon Albarn en solo. On en vient parfois à se demander si The Good, The Bad & The Queen ne sont pas un groupe encore plus virtuel que Gorillaz.

Leur musique, elle, est bien réelle et plutôt du genre terrassant. Dès le premier morceau acoustique “History Song”, la beauté des chansons d’Albarn agrippe pour ne jamais vous relâcher. On ressort en lambeaux de l’écoute cet album magique, choqué par la force de l’expérience qu’on vient de vivre. Les morceaux magnifiques s’enchaînent sans discontinuer. On passe de la ballade au piano de “80s Life” à “Northern Whale”, une chanson pop éthérée au refrain évoquant “As Tears Go By” des Rolling Stones, puis de l’extraordinaire “Kingdom Of Doom” à l’atmosphérique “Herculean”. Cette succession de morceaux place la barre très haut pour un début d’album. On n’avait pas entendu ça depuis longtemps.

Le groupe enchaîne avec “Behind The Sun”, une chanson incroyable d’aisance, puis “The Bunting Song”, la chanson qu’Air essaie d’écrire depuis trois albums. La ballade planante “Nature Spring” enfonce le clou avant que le refrain sifflé de “A Soldier’s Tale”, chanson fragile qui évoque Nick Drake ou Leonard Cohen, ne finisse le boulot. L’album est un sans-faute. Plus loin, “Green Fields” apporte une autre mélodie inoubliable? où s’arrêtera-t-il? La chanson éponyme “The Good, The Bad & The Queen” apporte la réponse : Damon Albarn a décidé de mettre tout le monde à genoux avec cet album hors du commun. On a rarement été convié à telle collection de grandes chansons ces dernières années. Rien à jeter. Les années 2000 tiennent leur OK Computer, ce grand album qui vous prend aux tripes, ces chansons qui vous donnent envie de pleurer les soirs de concert…

Albarn entre définitivement dans la cour des très grands. Blur avait fait de lui le poster boy des années 90 mais aussi une tête à claques insupportable de prétention. Depuis quelques années, il semble avoir appris l’humilité et a pris le parti de se cacher derrière ses groupes. Son dernier en date est sans doute son meilleur, et l’idée d’enrôler Paul Somonon et Tony Allen est un coup marketing génial. Si on apprécie leur jeu tout au long de l’album, il ne fait aucun doute qu’Albarn aurait pu engager n’importe qui à leur place. Leur présence a détourné notre attention du chanteur, donné une image sulfureuse au groupe (il n’y a qu’à voir les photos du groupe avec Simonon, fidèle à son pédigree punk, les deux yeux au beurre noir et le nez cassé) et éveillé une certaine curiosité. Le coup est d’autant plus magistral qu’on ne l’avait pas vu venir.

The Good The Bad & The Queen est un grand disque. Bien servi par un son aéré et inventif – créé par Danger Mouse (déjà producteur de Gorillaz et cerveau de Gnarls Barkley) qui a su insuffler une chaleur soul aux compositions d’Albarn -, interprété par un groupe excellent et s’appuyant sur une qualité d’écriture et de composition hors du commun, il restera sans aucun doute comme un des albums les plus importants de 2007.

Tracklisting :

1  History Song    *
2  80’s Life    
3  Northern Whale
4  Kingdom Of Doom   

5  Herculean   *
6  Behind The Sun
7  The Bunting Song
8  Nature Springs
9  A Soldier’s Tale
10  Three Changes
11  Green Fields   *
12  The Good, The Bad & The Queen   *

Vidéo :

“Kingdom Of Doom”

“The Good, The Bad & The Queen”

Vinyle :

The Good, The Bad & The Queen - The Good, The Bad & The Queen

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4 Commentaires
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Ziggypop
Invité
8 février 2007 7 h 21 min

je trouve que cet article est super bien ficelé!!! digne d’un grand critique, sérieusement !! bravo !!

C’est marrant n’empêche, je viens de lire exactement le contraire, du coup, je vais de ce pas (enfin d’ici une ou 2 heures) l’acheter…

bizzz

zig

Julien
Invité
Julien
11 février 2007 4 h 30 min

En ce qui me concerne, j’ai eu un peu de mal avec cet album. Après une écoute assez attentive, j’ai déclaré forfait, pas assez emballé pour acheter. Il manquait quelque chose, une unité ou une identité forte.
Bref, je pense redonner une seconde chance à cet album dans quelques temps, mais pour l’instant, essai non transformé.

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