(Fat Possum 2009)
Alors que la décennie s’achève, les eighties sont plus à la mode que jamais dans la scène rock. Si une certaine presse s’emballe pour les groupes flashy à la vision synthétique festive (mouvement auquel même Julian Casablancas semble adhérer avec son album-ovni), les groupes qui nous semblent les plus fascinants aujourd’hui demeurent ceux qui jouent la carte de la noirceur cold-wave et des ambiances dépressives.
Parmi les nombreux groupes de Brooklyn qui émergent en ce moment dans un brouillard de fuzz et de shoegaze, il est parfois difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. A Sunny Day In Glasgow, A Place To Bury Strangers, Vivian Girls, Crystal Stilts… le grand nombre de groupes ne facilite pas la tâche. Parmi cette foule, un combo nommé Crocodiles fait débat. Typique d’un groupe qui se cherche encore, son premier album Summer Of Hate alterne trop les hauts et les bas pour satisfaire pleinement l’auditeur exigeant. Après de nombreuses écoutes, il laisse toujours un étrange goût d’inachevé, sans qu’on sache vraiment pourquoi.
Duo mené par un dénommé Brandon Welchez, Crocodiles affirme un goût prononcé pour la new wave glaciale de Jesus & Mary Chain, batterie robotique et voix déformées à l’appui. Une simple écoute de « I Wanna Kill », qu’on croirait sorti de Psychocandy suffit pour s’en convaincre. Si la formule est assez classique, quelques trouvailles intéressantes (tel ce solo de synthé facétieux) parviennent à surprendre et à rendre le résultat globalement plaisant. Ce sens du gimmick enrichit de nombreux morceaux tel que “(Soft Skull) In My Room”, une chanson pop au goût douteux rendue irrésistible par l’interaction entre la basse et le clavier, ou encore l’excellente “Refuse Angels” qui envoie tous les conteurs dans le rouge. Ici le clavier est saturé comme chez Suicide, la basse guide le morceau à un rythme vrombissant, les guitares cinglent. Tout ce qu’on aime.
Malheureusement pour Crocodiles, cette recherche du détail qui tue les amène souvent à la limite du bon goût. La volonté d’être arty à tout prix les pousse à la faute sur « Flash Of Light » dont la fin consiste en deux minutes de larsens sans intérêt. Ces morceaux là ont-ils encore un sens plus de 30 ans après Metal Machine Music ? De la même manière, l’ultime morceau “Young Drugs” polarisera sans doute les avis avec son esthétique pop eighties clairement affirmée. Echo dans la batterie, synthés foireux, il y a ici de quoi rebuter quelques esthètes rock’n’roll.
C’est leur goût pour un certain minimalisme qui finit par sauver Crocodiles. Même dans ses moments les plus irritants, le groupe ne s’écarte pas de sa formule et parvient à garder une certaine noirceur. Empli d’écho et construit autour de descentes de piano hantées, “Here Comes The Sky” navigue dans les eaux empruntées par les Warlocks dans leur récent The Mirror Explodes et convainc par le désespoir qu’il porte. Mieux encore, le groupe démontre avec “Summer Of Hate” qu’il est capable d’écrire des grands morceaux. Avec son ambiance oppressante, ses accords distordus et sa batterie insistante (qui ne consiste qu’en un martèlement de grosse caisse et un tambourin), ce morceau digne des Warlocks de Phoenix témoigne du potentiel immense de ce groupe. Peut-être ne feront-t-ils jamais de grand album, mais Crocodiles tiennent déjà avec ce morceau 3 minutes 33 de rock sombre et habité qui figurent parmi notre best of de l’année. On attend la suite avec impatience.
Tracklisting :
01. Screaming Chrome
02. I Wanna Kill *
03. Soft Skull (In My Room)
04. Here Comes The Sky
05. Refuse Angels
06. Flash Of Light
07. Sleeping With The Lord
08. Summer Of Hate *
09. Young Drugs
Le groupe sur MySpace : www.myspace.com/crocodilescrocodilescrocodiles
Vidéos :
“Summer Of Hate”