(1973 Philips)
Aujourd’hui largement oublié, cet album est le fruit de la collaboration entre Serge Gainsbourg et Jean-Claude Vannier : le duo, déjà responsable de l’intouchable Histoire de Melody Nelson, sort un nouveau disque, deux ans plus tard (en 1973, l’année de sortie de Vu de l’extérieur). Contrairement à ce qui avait été le cas en 1971, Vannier est crédité comme co-auteur de plusieurs morceaux (« Encore lui », « Leur plaisir sans moi », « La cible qui bouge » et « C’est la vie qui veut ça »). L’ensemble du disque, enregistré à Londres, possède un son exceptionnel : soignées et efficaces, les musiques sont simplement irréprochables.
Dès les premières mesures de l’album, on reconnaît le son de basse ample et chaleureux qui parcourait déjà Histoire de Melody Nelson ; quelques secondes plus tard, ce sont les cordes qui arrivent, délicates et précises, et jamais envahissantes. A ce moment-là, on est en pleine régression affective, même si on craint de se trouver en face d’un ersatz de Melody… Heureusement, pendant ce temps-là, Birkin égrène un texte parfait (prétendument sur son adolescence) : « Les autres filles ont de beaux nichons / et moi je reste aussi plate qu’un garçon / Que c’est con ». Comme souvent dans sa carrière, Gainsbourg fait montre ici d’une qualité d’écriture pop impressionnante ; ce savant mélange entre langue classique et langage courant, présenté avec une apparente simplicité, devient aussitôt une évidence.
L’album fourmille de nombreuses trouvailles : en ce début de décennie, l’écriture de Gainsbourg est aussi libre qu’inspirée. Le second morceau, « Help camionneur », où les cordes de Vannier donnent leur pleine mesure, s’achève sur ces lignes imparables « Help ! Help ! Je suis à toi mon beau routier… Prends-moi, prends-moi sur ton camion citerne, la vie est si terne ». Gainsbourg, à l’instar de Lanzmann, n’a jamais hésité à user (et parfois, à abuser) des jeux de mots douteux et de rimes faciles. Dans leur cas, il est cependant important de remarquer que ces artifices sont écrits par des auteurs sûrs de leur fait, et qui n’ont plus rien à prouver en termes de qualité littéraire. Après tout, la chanson n’est qu’un « art mineur », paraît-il… Des fulgurances textuelles, sans appel, surgissent de temps à autre au cours de l’album : à la fin de « Banana Boat » : « Puis rassasiée j’irai / Près des haubans de misaine / Et là je m’efforcerai / D’sortir d’sa réserve hautaine / Le capitaine », ou encore le premier couplet de « Les capotes anglaises » : « Je souffle dans des capotes anglaises / ça fait des jolis ballons, j’en ai lancé treize / De mon balcon… ».
Si quelques-unes des chansons de Di-Doo-Dah ne dépassent que de très peu le stade de l’anecdote, d’autres sont par contre de franches réussites : la chanson titre, mais aussi l’anxiogène « Encore lui », « Help camionneur » et « C’est la vie qui veut ça », où Gainsbourg met en scène Birkin dans un numéro d’impudeur farouche – provocation assumée, une fois de plus, qui conclue un album qui mérite amplement le détour.
Liste des chansons :
1. Di Doo Dah *
2. Help camionneur *
3. Encore lui *
4. Puisque je te le dis
5. Les Capotes anglaises
6. Leur plaisir sans moi
7. Mon amour baiser *
8. Banana Boat
9. Kawasaki
10. La Cible qui bouge
11. La Baigneuse de Brighton
12. C’est la vie qui veut ça *
Vidéos
“Di Doo Dah”
“Encore Lui”