(2020 Cleopatra)
Bobby Hecksher est heureux. Sur Instagram il partage sa vie quotidienne, montre ses photos de mariage, parle de sa future paternité. On est assez loin du junkie blafard de “Hurricane Heart Attack” ou de la dépression post-OD de “Come Save Us”. Tant pis pour l’aura de mystère des Warlocks, pour le fantasme sex& drugs & rock’n’roll de cette bande de freaks, mais on est heureux de savoir que le leader du groupe californien est en paix et a laissé ses démons derrière lui.
C’est dans ce contexte de félicité qu’arrive The Chain album-concept dans lequel le groupe revisite le thème éternel du couple d’amants commettant un casse. Une sorte de Bonnie & Clyde pour le 21e siècle que les Warlocks soumettent à leur approche space-rock. Il en résulte un album empli de passages qu’on pourrait qualifier de cinématographiques, tant on pourrait les imaginer en toile de fond d’une scène de fuite (l’échappée kraut de “The Robbery”) ou d’action (“We Don’t Need Money”).
Si Hecksher semble heureux dans sa vie privée, “The Chain” voit toutefois les Warlocks renouer avec ces chansons mélancoliques où le chanteur pose sa voix plaintive devant des arpèges cristallins et un mur de guitares. L’ouverture “Dear Son”, “Mr Boogeyman” ou encore “Have Mercy On Me” pourraient laisser croire qu’on a encore affaire à un disque dépressif façon Surgery ou un bad-trip colossal. Pour autant, le disque rebondit souvent grâce à plusieurs pistes nerveuses (le kraut de “You Stooge You”, le délire heavy de “Sucking Your Soul Like A Son Of A Bitch”, meilleur titre de l’année) et avant tout en raison de la qualité d’écrire exceptionnelle de Bobby Hecksher qui livre sa meilleure fournée de morceaux depuis des lustres.
Les amateurs de chansons psychédéliques doucement planantes feront tourner en boucle “Double Life”, d’une pureté incroyable, ou s’extasieront sur le final en apothéose de “I’m Not Good Enough” / “Party Like We Used To” qui recycle sur trois accords 50 ans de rock psychédélique garage en quatre minutes qui évoquent pêle-mêle “Porpoise Song” des Monkees, “Lucky Man” de The Verve ou, pour les spécialistes, “Sugar Babies” des Rivals. Après un début de chanson poignant dans lequel Hecksher, comme à son habitude, exprime son mal-être avec des mots simples mais touchants (“I can’t seem to give you what you need /… / Maybe I’m not good enough to be your best friend“), il conclut par une incitation à la solidarité (“So let’s be there for each other in the end“) qui résonne étonnamment bien en cette période apocalyptique. Il va sans dire que le refrain de la seconde partie de la chanson ! (“Beer’s on me, let’s party like we used to”) correspond parfaitement à nos envies du moment. The Warlocks ont ainsi signé notre hymne du confinement, et leur meilleur album depuis Surgery, haut la main.
Tracklisting
1. Dear Son
2. The Robbery
3. Mr. Boogeyman *
4. Double Life*
5. We Don’t Need Money
6. You Stooge You
7. Sucking Out Your Soul Like A Son Of A Bitch *
8. Have Mercy On Me
9. Feel No Pain / You Hurt Me
10. I’m Not Good Enough / Party Like We Used To *
Vidéo
“Dear Son”