LIARS – They threw us all in a trench and stuck a monument on top

Multiple et fascinant

(Gern Blandsten 2001)

Premier album des Liars, un groupe originaire de Los Angeles, They trew us in a trench… a été enregistré en 48 heures à New York. Il a valu au groupe emmené par Angus Andrew et Aaron Hemphill un succès critique immédiat ; le terme apparaissant dans la presse anglo-saxonne pour décrire leur musique fut « punk-funk ». Bien qu’improbable, cette appellation reste la seule à décrire en peu de mots la face A de l’album… Les chansons y sont en effet dynamiques, rythmées de façon précise, et elles provoquent une irrépressible envie de remuer. La face B, quant à elle, consiste en un seul morceau, « this dust makes that mud ».

Dès la première écoute de l’album, le batteur (Ron Albertson) et le bassiste (Pat Noecker) apparaissent comme époustouflants : sur l’ensemble de They threw us in a trench…, ils assurent une assise dynamique et imparable, enrichie de géniales ruptures qui surgissent au milieu des structures rythmiques (en particulier sur les morceaux de la face A). Malgré leur performance extraordinaire, Noecker et Albertson vont pourtant quitter les Liars peu après l’enregistrement de l’album ; Andrew et Gross poursuivront leurs expérimentations musicales en accueillant un nouveau complice, Julian Gross.

Avec ce disque, les Liars se sont placés comme l’un des groupes les plus excitants de la scène contemporaine. Leur univers transcende les genres (sur cet album, le groupe veut faire danser, mais sans renoncer aux expérimentations les plus inattendues, ni renier ses penchants pour la musique concrète). Les premiers morceaux démontrent une palette d’influences très étendue, mais aussi une inspiration débordante. Les titres sibyllins des chansons ne sont qu’un paravent à des pistes prodigieuses: « grown men don’t fall in the river just like that »; « mr. your on fire mr. » ; « tumbling walls buried me in the debris with ESG », etc., sont géniales : chants et hurlements se rejoignent autour d’accords déglingués pour parvenir à l’élaboration d’un ensemble qui devient soudain évident (« Mr your on fire mr / No sir, I’m OK »). Sous une anarchie de façade, les chansons des Liars sont en réalité des morceaux construits de façon très précise – ce qui n’empêche pas Andrew et Gross de parsemer leurs compositions de bruits inattendus (réalisés à la guitare, aux claviers ou à l’aide d’un… téléphone). De la même manière, le chant est assuré sans jamais qu’Andrew ne semble se préoccuper de sonner « juste » ou « harmonieux » : ses hurlements angoissés (sur « Loose nuts on the veladrome » ou « the garden was tumbling and outside » par exemple) sont délibérément accordés sur l’ambiance oppressante de l’ensemble du disque.

Construites de façon cyclique, la rythmique et la mélodie de « nothing is ever lost or can be lost my science friend » est profondément entêtante : malgré des accords parfaitement improbables qui essayent en vain d’arrêter la progression du morceau, la structure du morceau reste la même… traumatisante. L’ambiance hypnotique qui caractérise « This dust makes that mud » est encore plus impressionnante ; le groupe enregistre un morceau d’une demi-heure, sur lequel le chant est encore une fois proche de la rupture ; tantôt psalmodié, tantôt hurlé (« we’re the ones who can’t sleep at night »). La parenté avec Can devient alors évidente, autant par l’approche musicale (sur des rythmes précis, des improvisations s’invitent pour emporter la chanson dans des directions inattendues) que pour le chanteurs allumé ; Angus Andrew s’affirmant comme le digne héritier de Malcom Mooney et de Damo Suzuki.

Un grand disque a le mérite d’ouvrir de nouvelles perspectives, et, comme effet secondaire de rendre l’écoute des albums de nombreux autres groupes parfaitement inutile. Après avoir écouté They threw us in a trench…, l’auditeur/auditrice se trouve transformé(e). Ce premier disque offre en outre quelques-unes des clefs nécessaires à apprécier à leur juste valeur la suite de la discographie des Liars : avec They were wrong so we drowned (2004), Drums not Dead (2006) et Liars (2007), le groupe a poursuivi son sans-faute. L’univers des Liars est souvent décrit comme « difficile » ou « dérangeant »… En réalité, il est surtout multiple et fascinant, et d’une richesse et d’une diversité uniques à notre époque.

 

 

Liste des chansons :

1. grown men don’t fall in the river like just that
2. mr. your on fire mr.
3. loose nuts on the veladrome
4. the garden was tumbling and outside
5. tumbling walls buried me in the debris with ESG
6. nothing is ever lost or can be lost my science friend
7. we live NE of Compton
8. why midnight walked but didn’t ring the bell
9. this dust makes that mud

 

Vinyle : 

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