(V2 2007)
… ou comment un des meilleurs groupes garage-rock en activité se fait un hara-kiri artistique en se prenant pour les Rolling Stones période Mick Taylor.
Au premier abord, la pochette qui rend hommage à Third de Soft Machine (album majeur du jazz-rock anglais), fait sourire. Au bout de 3 secondes dans l’album, on sait déjà que c’est mal barré. Sur “99%”, The Mooney Suzuki font plus que singer les Rolling Stones, ils accouchent d’un riff de guitare à deux notes encore plus horripilant que celui qui ouvre “Brown Sugar” et pompent allègrement le refrain de “Hush” de Deep Purple pour flinguer le mélomane. Ce morceau, à l’instar de “Mercy Me” trahit de trop nombreuses écoutes de Let It Bleed ou Sticky Fingers, et révèle un groupe en perte d’inspiration.
Plus les albums vont, plus les Mooney Suzuki se recentrent. On est loin des garage-rockers du Maximum Black EP ou d’Electric Sweat. L’énergie est allée se faire voir, il y a des guitares acoustiques à chaque morceau (non pas que ce soit un crime mais on parle quand même de mecs qui ont enregistré un album punk à Ghetto Recorders), des arrangements consensuels et une ambiance rock pépère idéale pour passer dans les radios Classic Rock sudistes en début d’après-midi. Tout va à vau-l’eau. On a rien contre les groupes qui se découvrent une face sensible, folk ou apaisée (The Go viennent de le montrer avec classe), mais encore faut-il le faire avec talent et surtout intégrité.
Sur l’interminable “Adam and Eve”, on n’est pas loin de la pop FM la plus fadasse, entre Lenny Kravitz et les ballades des Red Hot Chili Peppers. Un solo de flûte façon Jethro Tull ne parvient même pas à nous réveiller. Derrière, “Ashes” rappelle énormément la mélodie de “No Sugar Mama” des Von Bondies – la ligne de basse est identique. Les couplets s’achèvent sur un “I’m alright, I’m only dying” qui font tiquer les dylanophiles. A force de faire des références à droite et à gauche*, The Mooney Suzuki ont perdu leur identité et sont devenus creux. Autre exemple de cette déchéance, la ballade “Rock’n’Roller Girl” oscille entre berceuse et sérénade mièvre. Dégoulinant de beaux sentiments, et mélodiquement proche de “Surfer Girl” des Beach Boys. Mention spéciale au titre de cette chansons qui ressort un des clichés les plus éculés du rock’n’roll (“rock’n’roll girlfriend”, “rock’n’roll queen”, “rock’n’roll suicide”, “rock’n’roll lifestyle”, “rock’n’roll motherfucker”, “rock’n’roll animal”, etc.)
Le fond est sans doute touché avec “Good Ol’ Alcohol”, chanson de saloon avec piano bastringue – du pub rock plus proche des chansons de salle de garde que d’autre chose. Les Mooney Suzuki qui nous la jouent chanson réaliste… ouais. Sammy Davis Jr. nous raconte ses expériences avec la drogue (“alors j’ai pris ça, après, j’ai pris ça, c’était pas terrible mais par contre l’alcool… ») et franchement on s’en tape. Cette chanson est assez drôle pour qu’on ait envie de la mettre sur la platine le 1er janvier à 4h du matin, c’est d’ailleurs sans doute la seule raison pour laquelle on repassera cet album risible… pour une chanson à boire à classer entre “51 je t’aime” et “Elle aime à rire, elle aime à boire”. Ça en dit long.
Pour achever leur plantage avec panache, The Mooney Suzuki finissent l’album par une reprise de “Great Balls Of Fire” intitulée “You Never Really Wanted To Rock’n’Roll”. Copié/collé sans intérêt, ce morceau est le seul passage un peu enlevé de l’ensemble. Que s’est-il passé? Pourquoi pas se laisser pousser les cheveux dans la nuque tant qu’on y est ? (ah apparemment Sammy Davis Jr s’est laissé tenter…) A part le rédacteur en chef de Rock&Folk – journal qui, sans surprise, a couronné Oh Mercy album du mois –, on ne voit pas qui pourrait faire tourner cette galette en boucle.
On est très loin du rock supersonique des débuts. The Mooney Suzuki était alors un groupe de classe, inspiré et jubilatoire. Une inspection rapide de la pochette donne quelques indices : le puissant batteur Will Rockwell et le guitariste nerveux Graham Tyler ont disparu du line-up. On comprend alors l’étendue de la superchérie : Sammy Davis Jr. essaie de nous vendre son médiocre album solo sous la bannière Mooney Suzuki. Vain et inutile.
- 99%
- This Broke Heart of Mine
- Adam & Eve
- Ashes
- Rock ‘n’ Roller Girl
- First Comes Love
- Mercy Me
- Good Ol’ Alcohol * (pour la déconne)
- The Prime of Life
- Down But Not Out
- Leap of Faith (bonus track)
- You Never Really Wanted To Rock ‘n’ Roll (bonus track)
* Faisons une petite liste pour la forme :
