(Vanguard Records 1966)
A la première écoute de ce disque unique, le titre ne semble pas usurpé : ce disque, enregistré en 1965 et 1966, ne ressemble à rien de connu. En 1960, Jean-Jacques Perrey avait abandonné ses études de médecine (après quatre ans, beau geste technique) pour se consacrer à un instrument nouveau, l’Ondioline, une sorte d’orgue électrique, qui aura bientôt un cousin à la destinée plus glorieuse, le Moog. Après un premier disque intitulé Prélude au sommeil, il a continué à enregistrer des morceaux électroniques qui deviennent de plus en plus aventureux, et qui se sont retrouvés sur le 45 tours sorti en 1960, Mr. Ondioline, à la pochette futuriste[1], ainsi que sur Musique électronique du Cosmos (1962). A une époque où la musique française était dominée par la scène jazz rive gauche emmenée par Boris Vian, Perrey (aujourd’hui unanimement reconnu comme un des précurseurs des musiques électroniques) s’est exilé aux Etats-Unis.
Quelques années plus tard, associé à Gershon Kingsley (dont le nom reste associé au premier hit électronique de l’histoire, Popcorn, qu’il compose en 1969), Perrey enregistre un disque prodigieux, qui sera finalement sorti par un petit label californien, et qui est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers albums conciliant musiques électronique et populaire. Les expérimentations sonores et le goût de la nouveauté étaient les seuls concepts qui semblaient motiver ce duo franco-américain, qui sortit l’année suivante le résultat d’une nouvelle collaboration (et beaucoup plus largement composé de reprises). Sur The In Sound From Way Out ! , deux pistes rendent hommage / massacrent (rayer la mention inutile) à des classiques : La danse des heures (de Ponchielli) et Le Lac des Cygnes (de Tchaïkovski) ; respectivement « Countdown at 6 » et « Swan’s Splashdown ». En alliant la technique de la mélodie en boucles à des rythmes syncopés, Perrey et Kingsley enregistrent les douze morceaux qui composent ce disque, sur lequel une des principales révolutions musicales du siècle se déroule dans un climat d’amateurisme joyeux… Les impromptus sonores (comme les cris de bébés et d’animaux sur « Countdown at 6 » et « Jungle Blues from Jupiter »), les nombreux effets imprévisibles et les arrangements osés donnent au disque un charme unique et un aspect intemporel remarquable. La maîtrise musicale est cependant évidente : l’auditeur aventureux ne doit en aucun cas se laisser rebuter par l’aspect incongru de certains aspects des morceaux de The In Sound From Way Out ! Le disque possède une richesse et une profondeur impressionnantes : les structures des morceaux sont remarquables (« Girl from Venus »), tout comme leur rythmique, qui assure à chaque piste une assise parfaite et autorise ainsi les envolées lyriques et les arrivées de sons/bruits inattendus (« Barnyard in Orbit » ; « Spooks in Space »).
Aujourd’hui largement oublié en France, Jean-Jacques Perrey bénéficie auprès d’une certaine frange de la scène indépendante nord-américaine du statut d’artiste culte (Jello Biafra – ex-Dead Kennedys – a souvent exprimé son admiration pour le travail de Perrey, et l’a même invité à participer à des concerts). Après cinquante ans de carrière, Perrey tourne encore, entre pitreries potaches et expérimentations joyeuses. Loin des feux de la rampe, Perrey restera comme un artiste important, et dont l’influence internationale est indéniable (ce qui est rarissime pour un Français). Aujourd’hui encore, écouter ce disque correspond à s’engager un voyage vers une destination inconnue, saugrenue et attachante.
Liste des chansons :
- Unidentified Flying Object *
- The Little Man from Mars *
- Cosmic Ballad
- Swan’s Splashdown *
- Countdown at 6 *
- Barnyard in Orbit *
- Spooks in Space *
- Girl from Venus
- Electronic Can-Can *
- Jungle Blues from Jupiter *
- Computer in Love *
- Visa to the Stars[2]
L’album entier est en écoute sur Deezer : www.deezer.com/fr#music/album/301710
Vidéos :
“Swan’s Splashdown”
[1] (mal)heureusement, le futur n’a pas été celui que les écrivains / réalisateurs de SF imaginaient pendant les années 1950/60.
[2] Ce dernier morceau a été coécrit par Jean-Jacques Perrey et Andy Badale, qui s’est occupé des arrangements musicaux et des B.O.F. des films de David Lynch.