(Nonesuch – V2 ; 2006)
Les Black Keys sont un duo (Dan Auerbach à la guitare et au chant, Patrick Carney à la batterie) originaire d’Akron, dans l’Ohio (Etat du Nord-Est des U.S.A.) qui jouent un blues énergique et envoûtant. La démarche quasi–intégriste du groupe, aussi bien au niveau musical que dans leurs relations avec “l’industrie du disque” (multiples changements de labels, de Bomp jusqu’à Nonesuch, en passant par Fat Possum) fait de ce duo des outsiders parfaits dans la scène pop-rock actuelle.
Les Black Keys semblent d’ailleurs ne jamais s’être préoccupé de composer ou de jouer un “hit”, depuis leur reprise inattendue des Beatles (“She Said She Said”). Leur interprétation magistrale de la chanson de Richard Berry “Have Love Will Travel” (sur l’album Thickfreakness) aurait pu les rendre célèbres… Ce rendez-vous manqué avec la gloire ne semble toutefois pas les avoir contrariés: les Black Keys ont poursuivi leurs tournées, et continuent d’enregistrer à un rythme impressionnant (dèjà quatre L.P. et un E.P. en seulement quatre ans). Par leurs albums – The Big Come Up (2002), Thickfreakness (la même année), Rubber Factory (2004), et un E.P. en hommage au bluesman Junior Kimbrough: Chulahoma (sorti quelques mois avant Magic Potion), le groupe s’est construit une identité particulière: leur son est aisément identifiable après les toutes premières mesures de chaque chanson.
L’entrée dans l’album est parfaite: larsen durant quelques secondes, puis break de batterie qui précède un implacable riff de guitare, et enfin arrivée du chant: “Just Got To Be” est un morceau où les Black Keys sont extraordinaires, et sur lequel ils se montrent aussi libres qu’ils le veulent: après le dernier couplet, la chanson se poursuit, pour finalement s’achever après un dernier passage uniquement instrumental. Toutes les pistes de ce disque sont dans la lignée de cette première chanson: impressionnants de maîtrise, Dan Auerbach et Patrick Carney se complètent à merveille, et livrent des morceaux à l’efficacité infaillible.
Les influences blues sont présentes sur chacun des morceaux: depuis “You’re the One”, “Goodbye Babylon” et “Black Door”, qui sont d’excellentes ballades dans la tradition la plus classique de leurs ancêtres du delta du Mississippi. D’autres pistes sont bâties autour d’un monstrueux riff de guitare; c’est le cas de “Your Touch”, sur lequel le son de guitare est aussi précis que dévastateur. Sur “Just a Little Heat”, le guitariste décline son riff sur différentes tonalités, opte pour une option très sobre durant les premiers ponts (durant ces passages, sa guitare est à peine audible), avant de jouer tout de même un solo en fin de chanson. Le dernier morceau du disque, “Elevator”, et lui aussi traversé par le blues: les Black Keys savent ce qu’ils veulent jouer, et leur approche minimaliste les empêche de tomber dans les écueils qui menacent les groupes qui jouent des chansons blues (une rythmique poussive, un cadre qui devient une contrainte, des solos aussi longs qu’inutiles, etc.). Par le savoir-faire des deux musiciens (qui n’est pris en défaut à aucun moment de l’album), Magic Potion est un très bon disque de blues, et parvient à faire revivre un genre dont les heures de gloire sont lointaines, sans pour autant sonner comme du plagiat, ou même daté : si Magic Potion est un album important de l’année 2006, il aurait sans aucun doute pu être enregistré il y a quelques décennies.
Le groupe s’est délibérément positionné à l’écart de ses contemporains, et compte bien y rester… Si dans dix ou quinze ans, on aura – fort heureusement – enterré et oublié la plupart des groupes de pop-rock actuel, aux mélodies redondantes et au son de batterie ignoble (merci le revival eighties), on pourra toujours ressortir avec plaisir un disque des Black Keys. Profitons donc de ce groupe et des disques intemporels qu’il nous offre.
Tracklisting :
- Just Got To Be
- Your Touch
- You’re The One
- Just A Little Heat
- Give Your Heart Away
- Strange Desire
- Modern Times
- Flame
- Goodbye Babylon
- Black Door
- Elevator
Vidéo :
“Just Got To Be”