(Nonesuch Records 2009)
Depuis la sortie du premier album des Black Keys, le guitariste et chanteur Dan Auerbach est devenu un producteur recherché…
Si pour le dernier album du groupe, le duo avait fait appel à Dangermouse, Auerbach a parrainé une part importante de la scène rock nord-américaine : Brimstone Howl, Radio Moscow, Buffalo Killers, Hacienda, Black Diamond Heavies, etc. : tous ces groupes, dont un disque au moins est sorti chez Alive Records, lui doivent quelque chose. A l’annonce de la sortie de l’album, l’attente était énorme : depuis deux ans, Auerbach est l’homme le plus important de l’underground rock américain.
Avant même la première écoute, la pochette minimaliste et magnifique réconforte déjà… Pas de faute de goût. Côté musique, que les choses soient claires : on ne trouvera pas d’explosion sonore sur ce Keep It Hid : Auerbach a choisi de livrer un disque intimiste, et non un disque de rock énergique semblable à ceux qu’il a récemment produits. L’ambiance générale oscille entre des bases blues, du rock paisible aux accents early seventies et des harmonies country. A l’image de son premier morceau, « Trouble weighs a ton », l’ensemble du disque fait montre d’une délicatesse et d’une pudeur extrêmes. Les rythmes changent, les mélodies s’aventurent dans quelques-uns des styles favoris du guitariste, et la somme de ces chansons en dit plus sur Auerbach qu’aucun disque des Black Keys.
Pour ce disque, enregistré dans ses propres studios, Auerbach a joué de tous les instruments qui lui tombaient sous la main, n’oubliant jamais d’inviter famille ou amis à participer à l’enregistrement. Cet aspect particulier, volontairement posé et tranquille, fait que lors des premières écoute, le disque semble pâtir de l’absence de morceaux percutants. Pourtant, quelques temps plus tard, les chansons donnent leur pleine mesure, comme « Whispered Words » où on retrouve la voix d’Auerbach chanter son désespoir avec élégance « I hear words, pretty lies / Like the ones they tell ‘fore they die ». Après le dernier couplet, qui ne laisse pas d’ouverture possible « If you need me you’re here, if you don’t you’re nowhere near / I should have quit you long ago », la musique s’envole et laisse le champ libre à l’interprétation. Un peu plus loin, « Mean Monsoon » reprend le thème de la rupture, sur un rythme et un ton différents « What’s he got that I ain’t got besides stability ? »
Dan Auerbach a la science de la note juste : il sait toucher là où c’est douloureux. Son travail sur le son, si impressionnant avec les jeunes groupes qu’il a produit, possède sur ce disque une variété nouvelle : fuzz ample et chaude, orgue, guitares, chœurs… Keep it Hid est une création hétérogène à la qualité remarquable : entre les morceaux « I want some more » et « When the Night comes », il y a un monde. Il y a des morceaux à écouter seul, des mélodies à pleurer (notamment le premier, « Trouble weighs a ton ») d’autres qui auraient pu avoir leur place sur un album des Black Keys (« I want some more » ; « The Prowl »), du rock seventies à la ligne de basse digne de Creedence (« My last Mistake »), des pistes ambitieuses (« When I left the room », « Street Walkin’ »). En refusant de parodier son groupe et en enregistrant les morceaux qu’il souhaiterait entendre, Auerbach permet à chacun(e) de pénétrer dans son univers musical, sans fioritures, avec une sincérité touchante.
Cet album, qui découvre peu à peu sa richesse, apparaîtra sans doute dans quelques années comme un véritable classique. Quoi qu’il advienne, en ce début d’année 2009, il a d’ores et déjà confirmé le statut unique et indiscutable de son auteur.
Liste des chansons :
- Trouble weighs a ton *
- I want some more *
- Heartbroken, in disrepair
- Because I should
- Whispered words *
- Real Desire
- When the night comes *
- Mean monsoon *
- The Prowl
- Keep it Hid *
- My last mistake
- When I left the room
- Street walkin’ *
- Goin’ home
Le MySpace de Dan Auerbach : www.myspace.com/danauerbachmusic
Vidéo :
“Trouble Weighs A Ton”