(Island 2005)
Grunge revivalists, deuxième génération.
Cheveux longs et gras, chemises de camionneur, jeans troués… rien ne manque à l’arsenal de ces jeunes mancuniens qui sortent un premier album grunge au moment même où Last Days de Gus Van Sant – qui relate les derniers jours de Kurt C. – est à l’affiche de tous les cinémas du monde. Hasard ou coincidence, les Nine Black Alps (leur nom est tiré d’un poème de Sylvia Plath) réveillent le fantôme de Nirvana comme l’ont fait les Vines avant eux.
Le résultat est impressionnant. Le son de l’ensemble rappelle In Utero (guitares lourdes, son crade, chant tantôt chuchoté tantôt hurlé avec une voix rocailleuse) et les paroles pessimistes traitent du mal-être adolescent, allant même jusqu’à évoquer le suicide dans “Cosmopolitan”. Ca fait beaucoup de points communs… on est loin des influences classiques qui habitent les groupes de la cité ouvrière du nord de l’Angleterre (Stone Roses, Oasis, Joy Division, Buzzcocks). Le regard tourné vers l’ouest, à mille lieues des Kasabian et The Music qui ressassent sans imagination le son dance associé à Manchester, le groupe de Sam Forrest a décidé de reproduire le son de Seattle… sans grande imagination non plus. L’exercice de copiste est tellement bien achevé que les Nine Black Alps ont même gardé les plus mauvais côté du grunge, à savoir ces chansons balourdes avec un son gras comme l’ouverture “Get Your Guns”, “Just Friends”, “Everybody Is” où les guitares saturées distordues masquent une mélodie poussive.
A l’inverse, dès que le tempo augmente le groupe devient puissant et inspiré. Les singles choisis sont à ce titre irréprochables. “Cosmopolitan” est une des chansons de l’année, un vrai morceau de rock’n’roll basé sur une phrase de guitare simple et envoyé en 2’30. Seul l’atomique “Shot Down” parvient à le concurrencer dans l’album. L’explosion de l’intro voit la basse tutoyer les infrasons et des larsens cingler les hauts-parleurs avant qu’une mélodie punk n’emporte tout sur son passage. Cette pièce de powerpop déguisée en grunge est irrésistible.
Beaucoup de pistes s’écoutent agréablement – on ne s’envole jamais mais on s’emmerde pas non plus – comme “Unsatisfied”, récent single et “Headlights”, qui donnent dans la pop indé US à la Nada Surf ou Pavement. L’autre single tiré d’ “Everything Is”, “Not Everyone” est à peine meilleur que ces chansons mais possède une mélodie qui reste en tête. Par ailleurs, il démontre que Sam Forrest a retenu la leçon Nirvana : couplet marmonné / refrain hurlé…
On ne peut conclure sans évoquer les deux surprises qui fleurissent en fin de chaque face vinyle de l’album : “Behind Your Eyes” et “Southern Cross”. Ces ballades acoustiques jouées en fingerpicking sont étonnement bonnes et détonnent au milieu des murs de guitare érigés par le groupe pendant la demi-heure que dure l’album. Dans un autre environnement on les aurait célébré comme des perles folk. L’effet que provoque le parachutage de la première alors que nos oreilles bourdonnent est trop surprenant pour qu’on puisse apprécier ces morceaux pleinement en première instance. A tête reposée, on s’aperçoit qu’outre sa pile de disques grunge, Forrest devait aussi écouter Elliott Smith en cachette. Notre point de vue sur le groupe change dès lors. Si Sam Forrest continue son éducation musicale – après tout les Nine Black Alps sont très jeunes – et élargit le spectre de ses influences, son groupe cessera d’être un (excellent) clone de Nirvana pour devenir un grand groupe. On sait de quoi les Nine Black Alps sont capables. Deuxième étape : l’envol. Nous sommes avertis.
Tracklisting :
- Get Your Guns
- Cosmopolitan *
- Not Everyone *
- Unsatisfied *
- Headlights
- Behind Your Eeyes
- Iron Side
- Shot Down *
- Just Friends
- Intermission
- Southern Cross
Vidéos :
“Not Everyone”