Film de Christopher Thompson (2009)
Bus Palladium est la première réalisation de Christopher Thompson, petit-fils de Gérard Oury, fils et co-scénariste de Danièle Thompson, spécialiste du film dit « choral » (bien qu’un autre adjectif plus prosaïque commençant par les deux mêmes lettres nous vienne plus spontanément à l’esprit) rempli de personnages archétypaux qui s’envoient leurs quatre vérités à la figure à l’occasion d’un repas de fête, comme dans les inoubliables La Bûche et Le code a changé. Lourd passif. Mais attention, Christopher, malgré son bagage génétique, est un véritable enfant du rock. Il a vu le jour à Grimsby, Angleterre, en 1966, année où sortirent Revolver, Blonde on Blonde et Aftermath et où, accessoirement, l’équipe aux trois lions remporta sa seule Coupe du Monde. A dix ans à peine, il a vu les Stones sur scène grâce à un beau-père organisateur de concerts. Alors, forcément, à l’heure de passer derrière la caméra, c’est ce milieu rock parisien qu’il a eu envie de dépeindre, à travers l’aventure collective d’un groupe de copains fans du blues du Mississippi qui rêvent de succès et de gloire avec leur groupe, Lust. Une façon pour le réalisateur d’évoquer également la période tumultueuse des vingt ans, celle des choix cruciaux et de la peur des possibles. On sait ce qu’en pense Paul Nizan, des vingt ans.
Le film s’articule autour de la relation passionnelle et conflictuelle entre les deux leaders du groupe, que tout oppose mais que la musique réunit. Manu, le chanteur, à la fois solaire et fragile, charismatique et instable, est un incontrôlable risque-tout qui repousse toujours ses limites, expérimente les drogues, saute du haut des falaises, grimpe sur le toit des immeubles. Brûlant la chandelle par les deux bouts, cet instinctif ne vit que pour l’instant, la sensation présente, le here and now. Lucas, plus posé, discret et cérébral, a quitté un prometteur stage d’architecture à Londres pour revenir à Paris tenter le coup avec le groupe. Entre les deux, fatalement, il y a une fille. La fille. Belle à tomber, naturellement, et argentine, tant qu’on y est. Lucas en tombe immédiatement raide dingue, mais c’est Manu qui s’attire les faveurs de la demoiselle. Coup dur pour l’intello de la bande. Pas bon pour le groupe, cette affaire.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Thompson ne fait pas l’économie des stéréotypes et collectionne tous le clichés possibles relatifs à la naissance et la vie d’un groupe de rock : les pétages de plombs du chanteur ingérable qui se prend pour Jim Morrison, l’ivresse des premiers concerts, les parties de flipper, la nana qui menace l’amitié entre les deux meilleures potes du monde, les tournées à l’arrache en minibus, les groupies en furie à la sortie des loges, la pose pour la pochette du 45 tours, etc. Une désagréable impression de déjà vu ne peut qu’envahir le spectateur devant ce film truffé de scènes convenues et de passages obligés qui ne recèle d’aucune surprise et ne fait pas franchement avancer le schmilblick, si l’on veut bien nous passer l’expression. Quelque part entre Le péril jeune (impossible de ne pas voir un lien de parenté entre ce Manu et le Tomasi campé par Romain Duris dans le film de Klapisch) et La bande du drugstore, le film reste comme prisonnier de ses références et demeure incapable de quitter les sentiers balisés. L’originalité et l’innovation n’ont pas leur place dans cette vaste opération de recyclage des éléments que Thompson semble considérer comme constitutifs de l’imagerie et de la mythologie rock.
Les deux acteurs principaux, Marc-André Grondin et Arthur Dupont, livrent une prestation remarquable, notamment lors des scènes les plus intimistes, qui offrent quelques vrais moments de cinéma et donnent un semblant de profondeur à un film qui s’apparente trop souvent à un joli livre d’images. Malgré l’agaçante coolitude et l’esthétique de publicité pour Ray-Ban dans lesquelles baigne l’ensemble, il se dégage de Bus Palladium une forme de fraîcheur, une candeur presque adolescente, une maladresse touchante de débutant qui collent parfaitement au sujet. La sincérité du propos ne fait aucun doute et le film transpire de nostalgie pour un âge d’or idéalisé, celui de la jeunesse, des copains, des virées, des fous rires. Bus Palladium possède les défauts de ses qualités et les qualités de ses défauts et suscite autant de légitime exaspération que d’indulgence bienveillante.
Bande-annonce :