Film de Sam Taylor-Wood (2009)
Basé sur une biographie écrite par la demi-sœur de John Lennon, Julia Baird, et sorti sur les écrans à l’occasion du 70ème anniversaire de la naissance l’homme aux lunettes rondes, Nowhere Boy se concentre sur l’adolescence de Lennon, marquée par des retrouvailles douloureuses avec sa mère et les rencontres avec Paul McCartney et George Harrison, futurs membres d’un quatuor qui connut un succès modeste dans les années soixante. Elève turbulent et volontiers provocateur, gueule d’amour au look calqué sur celui d’Elvis (un brin exagéré quand on voit des photos du Lennon teenager, mais nous l’allons montrer tout à l’heure, le film donne globalement dans le trait forcé), leader naturel à la langue bien pendue, le jeune John a été élevé depuis ses cinq ans par sa tante Mimi (Kristin Scott-Thomas, incarnation rigide de la vieille Angleterre). Lorsqu’un ami le conduit jusqu’à la maison de sa mère, les questions liées à ses origines et à son passé resurgissent, d’où le titre, qui fait autant référence au « Nowhere Man » des Beatles qu’au déficit identitaire dont souffre la figure principale du film. Que voulez-vous, nous autres à PlanetGong sommes drôlement fortiches pour décoder références et allusions, et ce n’est pas Jean-Pierre Liégeois, plus si jeune lecteur à force qui n’a malheureusement pas trouvé de salle qui passait Sugar Man dans le Var, qui nous contredira.
John se trouve écartelé entre sa tante, plutôt du genre sèche et autoritaire mais qui a toujours veillé sur lui, et sa mère, volage, fêtarde, légère en surface mais profondément perturbée et dépressive. Du jour au lendemain, sa vie se transforme en aller-retours incessants entre les journées insouciantes passées à apprendre le banjo ou zoner dans les pubs de Blackpool en compagnie de Julia (relation mère-fils présentée sous un angle ambigu voire dérangeant) et l’atmosphère austère de la maison qui l’a vu grandir. Pris entre deux femmes (son oncle George meurt au début du film et il ignore qui est son père) et entre deux feux, John traverse une crise qui va naturellement le conduire à exiger de ses proches la vérité sur lui-même. Le choix de placer ce conflit familial au cœur du film, déjà contestable en soi, souffre en outre d’un traitement mélodramatique agaçant à souhait: crises de larmes, scènes qui se voudraient déchirantes, révélations soudaines et brutales, tout y passe, et on se croirait parfois dans un mauvais feuilleton tant certains passages sonnent faux, les dialogues sont mal écrits et les personnages unidimensionnels.
C’est bien simple, comme disait Michel Chevalet quand il expliquait le fonctionnement d’une fusée spatiale, Nowhere Boy reste jusqu’au bout dénué de la moindre bonne idée dans la mise en scène: on n’échappe guère aux inévitables flashbacks sur son enfance qui viennent hanter le sommeil de John (« Mummyyyyy! Daddyyyyy! ») et la réalisatrice Sam Taylor-Wood pousse l’indigence jusqu’à donner à entendre « Mother » dans les instants qui suivent l’accident qui coûte la vie à la mère de John. Les rencontres de Lennon avec McCartney puis Harrison se déroulent exactement de la même manière:
- « Alors il paraît que tu sais jouer de la gratte petit branleur? »
- « Il paraît, ouais. C’est ce qu’on dit quoi. La rumeur, tout ça »
- « Fais-nous voir un peu pour voir ce que tu sais faire là Buddy Holly là maintenant tout de suite là (un riff et trois accords). Hmm ouais pas mal rendez-vous demain pour la répet ».
Strictement aucun intérêt. Et forcément, John connaît la révélation suprême en voyant Elvis se déhancher sur un écran de cinéma.
Après le tableau peu flatteur que votre serviteur vient de tirer de ce très oubliable et superflu Nowhere Boy, le lecteur pertinent ne manquera guère de se demander quelles peuvent bien être les rares raisons de se farcir le film. Réponse: le jeu plutôt convaincant d’Aaron Johnson et Kristin Scott-Thomas, l’accent toujours savoureux de Liverpool (baptisé « scouse » pour ceux qui n’auraient jamais entendu d’interview de Steven Gerrard), quelques morceaux des Quarrymen, et c’est à peu près tout. Ce gâchis, d’autant plus surprenant que le scénario est signé Matt Greenhalgh (la plume derrière le remarquable Control), est fort regrettable, car il y avait matière à mieux exploiter une thématique a priori riche: l’aspect Bildungsroman et la génèse de l’artiste, le poids de l’enfance et de l’absence du père dans l’œuvre de Lennon ou encore les premiers pas du plus grand groupe de l’histoire (je dis ça pour ne pas froisser les tauliers, à titre personnel je serais plutôt Stones).
Bande-annonce :