(Arcady 2010)
Commençons par la pochette, unanimement reconnue comme étant hideuse, qui présente Carl Barât de la pire des façons. On se croirait dans un studio photo de la fin des années 90 (le marcel à la Bruce Willis était en vogue à cette époque), et notre vieil ami Carlos se la joue bogossitude avec une coupe de cheveux soigneusement travaillée.
Une photo ridicule que Barât a essayé de défendre en expliquant qu’elle avait été faite de façon spontanée (“The front cover is basically me just taking a photograph in the mirror“). Inutile de vous dire qu’on y croit pas une seconde, d’autant que la demoiselle en arrière-plan (qui n’est autre qu’Edie Langley, alias Mme Barât) prend la pose avec une raideur qui laisse à penser que la 47ème prise fut la bonne.
Fermons les yeux un instant. Carl Barât est un habitué des pochettes ratées depuis son départ des Libertines et le récent album de MGMT nous a encore récemment démontré que le vieil adage “Don’t judge a book by its cover” n’a rien perdu de sa pertinence (par contre l’auteur de cette maxime ne connaissait manifestement pas le death metal). Écoutons et jugeons ensuite.
La première impression – qui se confirmera au fil des écoutes – est que Barât a voulu pour son album un son adulte, mature, détaché de l’énergie punk des Libertines, tourné vers un certain classicisme. On ne s’étonnera alors pas de la présence ici de Neil Hannon de The Divine Comedy, flamboyant compositeur de pop aux arrangements symphoniques, venu prêter main forte à l’ex-libertin. L’ambiance est à la pop de cabaret, au Rnb tout en cuivres, aux instrumentations cinématographiques. Barât se lamente de ses amours perdues (de son propre aveu, ce disque évoque la rupture avec sa précédente compagne) et croone devant une bande-son sophistiquée. Une démarche inattendue, un contrepied qu’on pourrait saluer… si le résultat n’était si décevant.
Peu importe les moyens qu’on met dans un album, peu importe qu’on s’entoure des meilleurs producteurs et qu’on ait une démarche profondément honnête, si les morceaux ne suivent pas, il n’est pas de salut possible. Comme sur le dernier album des Dirty Pretty Things, Barât peine à écrire des mélodies marquantes, et la profusion de moyens employés ne parvient pas à masquer cette faiblesse.
“The Magus” est remarquable en cela : sur la mélodie poussive viennent se greffer des chœurs féminins qui ne font qu’aggraver la lassitude que procure ce morceau. Il en va de même de la plupart des morceaux de l’album, comme “So Long, My Lover” (halte aux clichés), “Je Regrette, Je Regrette” qu’une production digne des chansons de Noël rend presque comique (il faut dire aussi que la mélodie enfantine s’y prête). On passera par politesse sur le morceau bonus “Death Fires Burn At Night”, qu’on peine toujours à analyser : est-ce un chef d’œuvre de pop rétro-futuriste digne de Tony Visconti (à mi-chemin entre sa production d'”Andy” des Rita Mitsouko et de “Ashes To Ashes” de Bowie) ou de la soupe technoïde ? On penche plutôt pour la deuxième solution.
Quelques morceaux parviennent tout de même à sortir l’album de l’ennui, comme “Carve My Name”, qui semble néanmoins trop calqué sur les ambiances de Ballad Of The Broken Seas d’Isobel Campbell pour être honnête (sans parler de cette mélodie qui rappelle “I Fought In The War” de Belle & Sebastian). “Run With The Boys” réussit à amuser cinq minutes malgré son côté too much, et “Shadows Fall” démontre que Barât est plus convaincant lorsqu’il fait les choses simplement. Le haut point de l’album demeure “The Fall”, comptine qui évoque les BO de Danny Elfman et transporte l’espace de 3’30” dans un décor victorien sans trop tomber dans la caricature. C’est peu.
Pas sûr donc qu’on réécoute beaucoup cet album qui démontre que si Barât semble heureux désormais en couple, côté musical il paraît à côté de ses pompes. A l’écoute de son troisième album loin de Pete Doherty, le seul avenir radieux qu’on perçoit pour Carl Barât semble un retour vers le passé avec le groupe qui lui a apporté gloire et reconnaissance. Non pas qu’on crève d’envie d’entendre un nouvel album des Libertines – qui sera forcément moins bon, moins romantique et nécessairement mercantile – mais on n’imagine pas Barât faire quoi que ce soit de valable sans son frère ennemi. Trois albums sont là pour le prouver, et le fait que ce Carl Barât se soit ramassé dans les charts anglais (entré en 52e position) devrait y contribuer un peu plus.
Tracklisting :
1. The Magus
2. Je Regrette Je Regrette
3. She’s Something
4. Carve My Name
5. Run With The Boys
6. The Fall *
7. So Long My Lover
8. What Have I Done
9. Shadows Fall
10. Ode To A Girl
Bonus :
11. Death Fires Burn At Night
12. Irony Of Love
Le MySpace de Carl Barât : www.myspace.com/carlbarat
Vidéos :
“Run With The Boys”