WET LEG – Wet Leg

Girl power

(Domino 2022)

C’est une des phrases les plus irritantes qu’on ait entendues cette année. Des gens qui râlent sur internet (souvent sur Facebook, il faut le reconnaître, réseau social préféré des séniors) : “Je ne comprends pas l’emballement autour de Wet Leg” tout en ajoutant à quel point le groupe leur paraît surestimé ou sans intérêt, le tout asséné avec une certitude totale et, ajouté à cela, une comparaison avec un groupe féminin de leur époque. C’est le fléau du monde du rock aujourd’hui, ou plus rien ne plait au plus vieux qui ont tout vu, tout lu, tout entendu et répandent sur les réseaux sociaux leur bile aigrie. 

Ces gens-là ne sont pas fun. Ils manquent d’humour, ou peut-être d’un niveau d’anglais suffisant pour apprécier les vannes potaches de ces deux filles qui s’amusent des codes du rock masculin et des blaireaux de la scène indie. Parce que c’est cela Wet Leg, deux filles venus de l’Île de Wight – Rhian Teasdale et Hester Chambers – qui officiaient précédemment dans un registre indie-rock et folk beaucoup plus sage, et qui ont décidé un jour d’écrire des chansons post-punk coquines. 

C’est ainsi qu’est né “Chaise Longue”, tube de l’année 2022, un des morceaux rock les plus enthousiasmant depuis des lustres, qui ne repose pourtant sur pas grand chose : une ligne de basse insistante, des gimmicks mémorables (“Excuse-me ? What ?“), des textes hilarants et un refrain d’une rare évidence pop. Ce qui a rendu le groupe immensément populaire, c’est ce décalage entre l’image de jeunes filles idéales de Rhian Teasdale et Hester Chambers et les paroles obscènes de leur chanson. Si le malicieux “I went to school and I got the big D” est la passage que les non-anglophones ont le plus facilement identifié, la question “Is your muffin buttered ?” (“Est-ce que ton muffin est beurré ?“) est sans doute encore plus tendancieux. Il y a une joie libératrice à écouter ces deux femmes bien dans leur tête et dans leur corps jouer ainsi la carte de la provocation avec une bonne humeur contagieuse. 

Wet Leg pourraît n’être qu’un one-hit wonder, mais les deux jeunes femmes sont parvenues à l’impossible : sortir un deuxième single aussi bon que le précédent. Si “Chaise Longue” est un tube, “Wet Dreams” est peut-être leur meilleur morceau. La mélodie est limpide, agrémentée de claquements de mains irrésistibles sur un rythme disco-punk, et un texte encore plus malin. Les filles y brocardent les mecs qui pensent être des poètes maudits et vénèrent ce gros blaireau de Vincent Gallo (“You said “Baby, do you want to come home with me? / I’ve got Buffalo ’66 on DVD“), et se moquent d’être l’objet de leurs fantasmes : “What makes you think you’re good enough / To think about me when you’re touching yourself?” (soit “Qu’est ce qui te fait croire que tu es assez bien pour penser à moi pendant que tu te touches ?“). Non clairement Wet Leg ne sont pas des femmes objet, c’est un groupe de rock provocateur et excellent. Elles le prouvent avec ce morceau féministe qui se fout joyeusement de la gueule des incels (ces célibataires involontaires qui peuplent les recoins les plus sordides de l’Internet). Ces derniers râlent, crient au wokisme, les filles ricanent et nous avec. 

On aimerait leur faire la nique et dire que le premier album de Wet Leg est un classique instantané, un disque qui va marquer son temps, mais malheureusement il nous a un peu déçu à sa sortie. Certes le groupe ne pouvait pas faire dix hymnes aussi forts que ses deux premiers singles, mais l’angle indie-rock pris par le groupe pour son premier album nous a un peu désarçonné. C’est sans doute le résultat de nos (hautes) attentes : on s’attendait à un disque post-punk tendu, on a droit à un disque indie bien fichu (avec des belles pistes telles que “Angelica” ou “Supermarket” qui possèdent une vibe 90s mélancolique). Wet Leg ont manifestement écouté les Pixies, et leur production ici ressemble plus à ce propose Cournet Barnett qu’à Yard Act. C’est sans doute tant mieux, mais on retrouve rarement la classe sarcastique des singles dans l’album, ce qui est plutôt dommage. On trouve néanmoins une punchline sur l’excellente “Ur Mom” (“When I think about what you’ve become / I feel sorry for your mum“) mais pour le reste, on pense aux Yeah Yeah Yeahs calmes de “Maps” sur un titre tel que “Too Late Now” ou à Elastica sur “Convincing”. De belles références, mais qui nous font moins vibrer. Reste que le disque est très réussi, mais n’est pas le chef d’oeuvre annoncé. Pour le prochain ? 

 

 

Tracklisting

    1. Being In Love *
    2. Chaise Longue *
    3. Angelica
    4. I Don’t Wanna Go Out
    5. Wet Dream *
    6. Convincing
    7. Loving You
    8. Ur Mum *
    9. Oh No
    10. Piece Of Shit+
    11. Supermarket
    12. Too Late Now

 

Vidéos

“Chaise Longue”

“Wet Dream”

“Angelica”

 

 

 

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