(Rough Trade 2005)
Le livret du disque est magnifique, Rough Trade semble avoir mis les petits plats dans les grands, on ouvre le précieux sésame, ayant retrouvé la foi en les Strokes pour la première fois depuis des lustres au gré d’un single et d’une face B prometteurs, et on insère le cd dans la chaîne… Ce qui arrive ensuite se passe de commentaires : l’album démarre façon “I Want To Break Free” de Queen, décolle au moment dudit single (“Juice Box”) et s’englue pendant plus de trois quarts d’heure dans une rythmique mollassonne et une impression désagréable de toujours entendre la même chose.
L’album rock’n’roll tant attendu s’est encore fait désirer. Il faut se l’admettre : il semble bien que le véritable visage des Strokes n’est pas celui présenté lors du vital Is This It? mais celui plus reposé et cérébral des deux albums qui lui ont succédé.
Après quelques jours où on a fait le deuil du mythe qu’on s’était construit un matin de 2001, on décide de retourner à cet album briseur de rêves et de l’accepter comme tel. Les Strokes sont un groupe de pop new-wave, il faut l’accepter. Dans cet exercice, reconnaissons qu’ils sont plutôt bons. Mais bordel, ça manque un peu de pêche par moments quand même. Ne boudons toutefois pas notre plaisir car ce First Impressions Of Earth s’avère sur la distance nettement meilleur que le navrant Room On Fire (on a par ailleurs rarement vu album aussi mal porter son titre).
Cet album se veut celui du changement pour les Strokes : nouveau studio à eux, nouveau producteur (exit Gordon Raphael, welcome David Kahne, connu pour avoir refusé Yankee Hotel Foxtrot, le chef d’œuvre de Wilco, alors qu’il bossait chez Warner) et donc nouveau son. Julian Casablancas consent enfin à chanter dans un micro neuf et croone plus blasé que jamais – tellement qu’on a parfois l’impression qu’il s’emmerde au cours de ses propres chansons –, le son est plus aéré, moins crade et plus accessible à un large public. Comme d’habitude dans les albums des Strokes, c’est les lignes de basse de Nikolai Fraiture et les incroyables soli de Nic Valensi – de plus en plus inspiré par le hair-métal eighties – qui sauvent l’album de la monotonie et du naufrage complet.
Le problème majeur ici demeure l’écriture paresseuse de morceaux aux rythmiques et aux structures très proches. Souvenez-vous d’ “Automatic Stop” et de “You Talk Way Too Much” sur l’avant-dernier album. Les Strokes nous pondent ici au moins 5 morceaux dans les mêmes eaux – allez, “You Only Live Once”, “Razorblade”, “On The Other Side”, “Electricityscape”, “Killing Lies” – la seule touche d’originalité résidant dans l’introduction, le rythme de batterie (peut-on parler de jeu quand le batteur se limite à faire boum-boum?) et les arrangements qui diffèrent – à peine – de l’un à l’autre.
Certains morceaux sont juste mauvais (l’ultime “Red Light”), inutiles (la ballade “Evening Sun”), voire même boarfl (“Ask Me Anything”). Où se trouve donc le plaisir dans cet album, alors? Le single batmanien “Juice Box” est indubitablement le meilleur moment du disque avec sa ligne de basse entêtante. “Heart In A Cage” possède un groove moins synthétique et plus accrocheur que le reste de l’album, “Vision Of Division” réveille les fantômes d’Is This It? avec son intro et son refrain rock’n’roll tandis que “15 Minutes” s’envole à mi-chanson pour réveiller l’auditeur comateux.
Le véritable problème de cet album, c’est avant tout sa longueur (50 minutes quand les premiers dépassaient à peine la demi-heure). Amputé de ses plus mauvais morceaux, First Impressions Of Earth aurait pu être un très bon voire même un grand disque de genre. Les Strokes ont préféré changer de voie pour se débarrasser de l’étiquette de “sauveurs du rock” qu’on leur a collé par erreur en 2001. La new-wave s’est trouvée des nouveaux héros, le monde du garage-rock déplore la désertion de ses meilleurs éléments. Mais que fait JP Bowersock ?
Tracklisting :
1. You Only Live Once
2. Juicebox *
3. Heart in a Cage *
4. Razorblade
5. On the Other Side
6. Vision of Division *
7. Ask Me Anything
8. Electricityscape
9. Killing Lies
10. Fear of Sleep
11. 15 Minutes *
12. Ize of the World *
13. Evening Sun
14. Red Light
Vidéos :
“Juicebox”