(Regal Zonophone ; 1968)
Ce disque est le premier LP du groupe de Birmingham The Move ; et bien qu’il soit la plupart du temps largement ignoré, il s’agit pourtant un très bel album, caractéristique du rock psychédélique britannique des années 1960. Sorti au début de l’année 1968, quelques mois après les singles « I Can Hear The Grass Grow » et « Flowers In The Rain », Move a connu un succès important en Grande-Bretagne (#15 des charts), avant d’être progressivement relégué aux oubliettes de l’histoire musicale.
Dès «Yellow Rainbow », la basse fait montre d’un dynamisme remarquable qui apporte beaucoup au morceau – malheureusement, le bassiste Ace Kefford a quitté le groupe peu de temps après la sortie de ce disque. La base rythmique qu’il forme avec Bev Bevan est remarquable sur l’ensemble des chansons de l’album. Le jeu de batterie est lui aussi toujours très juste, et parfois réellement splendide (« Walk upon the water »). Derrière le chant aux paroles pré-apocalyptiques de « Yellow Rainbow », les instruments se déchaînent : la batterie martèle le rythme avec force, et les solos de guitares sont violents. Le disque démarre sur des bases fantastiques ; et si le groupe parvient à conserver une grande densité dans la qualité des chansons de Move, c’est parce qu’il varie les styles et les effets sonores de ses morceaux. « Kilroy was here » voit ainsi son chant assuré à deux voix, alors que ce sont avant tout les ruptures de tempo qui mettent en valeur la superbe chanson « (Here we go round) the lemon tree ». Les arrangements de cordes sont réalisés avec finesse par Tony Visconti qui est depuis devenu un des plus célèbres producteurs du rock, notamment pour ses collaborations avec David Bowie et T-Rex. Ailleurs dans l’album, les arrangements sont nettement plus fournis – et aussi remarquables – sur « Mist on a Monday morning », jusqu’à atteindre un niveau de luxuriance extrême sur « Cherry Blossom Clinic » ou « The Girl Outside ».
Le personnage central de The Move est le chanteur et guitariste Roy Wood – à ne pas confondre avec son quasi-homonyme Ron Wood, membre du Jeff Beck Group, des Faces puis des Rolling Stones. S’il est aujourd’hui un songwriter quasiment inconnu, Roy Wood a pourtant livré quelques-unes des pistes les plus marquantes du rock psychédélique anglais. « Yellow Rainbow », « Flowers in the Rain » et « Fire brigade » sont ses chansons les plus célèbres, ainsi que l’exceptionnelle « I Can Hear The Grass Grow » (sortie en 45 tours en 1967 et malheureusement absente de ce premier album). Les trois pistes de ce disque qu’il n’a pas écrites sont des reprises d’origines diverses : « Hey Grandma » est une chanson de Moby Grape que The Move jouait très souvent en concert, et « Weekend » est l’adaptation d’une chanson d’Eddy Cochran : la version de The Move n’est pas particulièrement imaginative, mais elle est réussie et apporte au disque beaucoup d’immédiateté. La troisième reprise est un morceau de James F. Hanley datant de 1934 qui surprend l’auditeur et détonne quelque peu ici, montrant que le groupe veut conserver son auditoire en éveil… Pour être honnête, il faut remarquer que l’interprétation réjouissante livrée par The Move sur ce disque doit beaucoup à la version qu’avaient enregistrée les Coasters en 1958 (en face B de l’immortelle « Yaketi-Yak »).
Quelques pistes prouvent le talent de The Move : « Useless information » sonne remarquablement bien, et abrite sous des dehors naïfs une structure magnifique ; la production (signée Dennis Cordell) y organise à merveille les différents éléments (chant, chœurs et nombreux instruments). Alors que le disque touche à sa fin, « Mist on a Monday morning » séduit instantanément par son introduction baroque : c’est une piste telle que seuls quelques groupes anglais ont été capables d’en enregistrer ; une chanson dont l’équilibre semble pouvoir se rompre chaque instant, mais qui finit par se dérouler comme dans un rêve.
En l’espace de quelques mois seulement, la musique psychédélique britannique a produit quelques disques immenses ; si quelques-uns d’entre eux sont justement célébrés (Sgt Pepper’s Lonely Hearts’ Club Band ; The Piper At The Gates Of Dawn), ils masquent trop souvent la vitalité et la diversité de cette scène : Soft Machine Volume 1 ; SF Sorrow ; The Story of Simon Simopath… sont aujourd’hui mésestimés, lorsqu’ils ne sont pas totalement inconnus. Le premier album de The Move appartient malheureusement à la seconde de ces catégories : cependant, il est encore temps de le découvrir et de rendre justice à cet excellent disque.
Liste des chansons :
Face A :
1. Yellow Rainbow *
2. Kilroy was here
3. (Here we go round) the lemon tree
4. Weekend
5. Walk upon the water
6. Flowers in the rain *
7. Hey Grandma
Face B :
1. Useless Information
2. Zing went the strings of my heart
3. The Girl outside
4. Fire Brigade *
5. Mist on a Monday morning
6. Cherry Blossom clinic
Le disque a été réédité plusieurs fois en CD : les meilleures versions sont celles réalisées en 1998 par le label allemand Repertoire Records, et celle de 2007 du label anglais Salvo.
Vidéo :
“Fire Brigade”