TYVEK – Tyvek

Joyeusement incompétent

(Siltbreeze Records 2009)

La scène rock de Detroit, si prolifique au début des années 2000 (pour en savoir plus, on vous conseille d’aller voir par notre dossier Detroit) tarde aujourd’hui à se trouver une succession à la hauteur de ses glorieux ainés. La compilation Shiftless Decay – New Sounds Of Detroit, publiée en 2009 par le label X! Records le démontrait déjà : des Frustrations aux Mahonies, les groupes d’aujourd’hui semblent énormément influencés par Human Eye et Piranhas et se complaisent dans un bruitisme parfois difficilement supportable. L’extrémisme de ces groupes est souvent difficile d’écoute même pour l’auditeur averti et à l’exception de quelques génies terroristes comme Terrible Twos, peu de combos convainquent sur la distance.

Pour cette raison, l’arrivée du premier album de Tyvek en milieu d’année dernière fut une bénédiction : enfin un nouveau groupe de Detroit qui n’envoie pas les compteurs dans le rouge sans savoir écrire. Au contraire, les chansons sont l’arme principale de Tyvek. Alambiquées, complexes, jouées par un groupe fier de son incompétence instrumentale, les compositions de Tyvek sont des diamants bruts de pop déglinguée.

L’album commence par un morceau beefheartien en diable intitulé “Circular Ruins”. Une ouverture en forme de défi : “êtes-vous prêts à nous suivre ?“. Les instruments y sont dissonants, on entend en arrière-plan des flûtes jouées de façon anarchique. Ca ressemble à un grand n’importe quoi, on pense à Trout Mask Replica en se posant la question fatidique : foutage de gueule ou génie ?

Sur d’autres passages de l’album, Tyvek tentent des inclusions déstructurées qui maintiennent le doute (“Building Burning”, “CVS Cards”, “What To Do”) et envoient de nombreux morceaux minimalistes de moins d’une minute tout aussi barrés. Punk d’attitude, noisy dans le son, Tyvek jouent néanmoins des vrais morceaux structurés sur cet album OVNI. Ils évoquent alors Devo, Magazine et le post-punk anglais du début des années 80, que ce soit dans les formidables “Summer Things” ou “Stand And Fight” ainsi que ces nombreux intermèdes courts qui reprennent toujours le même riff lancinant (“Sonora”, “Tecate”, “El Centro”, “Mexicali”). Dans cet album au son faiblard, hyper lo-fi mais très classe, Tyvek étouffent souvent leurs guitares pour mieux faire ressortir les lignes de basse qui guident les morceaux. Un choix déroutant qui donne l’aspect d’un album brouillon, mais attachant (comment ne pas tomber amoureux de “Frustration Rock”?).

Plus déroutant encore demeure la mise en place du groupe elle-même. À de nombreuses reprises on se demande si le groupe est carré, si ces mecs jouent pour de vrai. Ils réussissent pourtant avec “Hey Una” à tirer un morceau intéressant de trois accords éculés grâce à une guitare bourdonnante et une interprétation aussi frénétique qu’erratique. La même chose se produit pour “Stand And Fight”, mal chanté, mal joué, mais incroyablement accrocheur. Le talent de Tyvek réside dans leurs limitations, leur capacité à tirer de la beauté d’un accord mal foutu ou d’un break de batterie douteux. Elles viennent enrichir les mélodies de Tyvek d’une sensation d’urgence incroyable. Le groupe semble jouer la peur au ventre, pris d’une panique semblable à celle qui atteindrait un funambule saisi d’une crampe. On ne sait jamais si le groupe va arriver au bout de ses morceaux et les exécuter de A à Z (ce qu’ils font assez peu d’ailleurs au long de l’album) mais on écoute, autant guidé par cette fascination morbide qui pousse les badauds à regarder un accident en cours que par la force intrinsèque des morceaux.

Incapables de jouer ensemble plus de trois minutes, totalement dénués de charisme, Tyvek sont le groupe le plus joyeusement incompétent de Detroit…. et leur album est fantastique. Qui peut se prévaloir en 2009 d’avoir écrit un morceau aussi dingue que “Building Burnin (Re-edit)” ? Peu de monde en effet…

 

 

Tracklisting : 

1    Circular Ruins
2    Summer Things *
3    Sonora
4    Hey Una *
5    Frustration Rock *
6    Tecate
7    Stand and Fight
8    Building Burning
9    Building Burning [Re-Ed] *
10    Stop Start
11    El Centro
12    CVS Card
13    Duck Blinds
14    Mexicali
15    What to Do
16    [Untitled]

Le MySpace du groupe : www.myspace.com/tyvekmusic

“Building Burning”

 

Vidéo :

“Frustration rock”

 

Vinyle :

Tyvek - Tyvek

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4 Commentaires
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Mmarsupilami
Invité
23 janvier 2010 7 h 41 min

Fabuleuse découverte!
Merci beaucoup…
 Je l’ai déjà écouté quatre fois depuis hier.

beat4less
Invité
beat4less
13 février 2010 7 h 56 min

C’est donc le groupe avec lequel Cheveu a tourné aux US il y a de ça 2/3 ans :
http://www.myspace.com/cheveutyvek
 

Mmarsupilami
Invité
15 novembre 2010 3 h 57 min

Ils viennent de sortir un deuxième album. Tout ce qui était dit ici reste vrai, sauf que le deuxième est un poil plus efficace! Une boucherie!

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