AIR – Pocket Symphony

Au point mort

(Virgin 2007)

Après le succès phénoménal de leur dernier album (Talkie Walkie, qui s’est vendu à plus de 800 000 exemplaires), Air revient avec Pocket Symphony, une fois encore co-produit par leur partenaire Nigel Godrich.

Pour rappel, Air a déjà sorti cinq albums : Premiers Symptômes en 1997 (une compilation de leurs premiers maxis), Moon Safari en 1998, 10.000 Hz Legend en 2001, City Reading en 2003 et Talkie Walkie en 2004. Ils ont également participé aux bandes originales des trois films de Sofia Coppola (Virgin Suicides, Lost in Translation et Marie-Antoinette) et composé la plupart de la musique de l’album 5h55 de Charlotte Gainsbourg. Pour les chants, le groupe s’est attaché les services de Jarvis Cocker et de Neil Hannon, et assurent eux-mêmes (Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel) le reste des chants, notamment sur le premier single « Once upon a time », où la pauvreté des paroles et la faiblesse du chant renforcent encore l’ennui provoqué par la musique : « I’m a little boy / you’re a little girl / Once upon a time… ». A l’écoute de la totalité de l’album, une question revient sans cesse : qu’est ce qui a fait de cet extraordinaire  groupe, imaginatif et toujours prompt à prendre des risques (en live aussi bien qu’en album, ce qui leur avait été reproché au moment de la sortie de 10 000 Hz Legend), un groupe aussi peu pertinent ?

Plusieurs explications sont possibles : le duo versaillais a déjà offert ce qu’il avait de meilleur, et il fait désormais partie du passé… Les quelques projets parallèles (en majorité assez intéressants) de ces dernières années – le remix prodigieux d’un morceau de David Bowie « Better Future » (tiré de l’album Heathen), puis le disque solo de Dunckel, qui avait également co-écrit le meilleur morceau du premier album de Klub des Loosers (« Sous le signe du V ») permettaient pourtant d’espérer un excellent album. Le rôle de Godrich, leur producteur depuis Talkie Walkie, semble aussi avoir été important dans la déliquescence du groupe. Le résultat ? Beaucoup moins d’électronique, une basse qui s’atrophie (alors que c’était précisément un des aspects les plus impressionnants du groupe), des voix non-trafiquées dont la pauvreté est affligeante. L’influence de Godrich serait-elle à ce point vampirisante pour le groupe ? Il semblerait en tout cas que le duo serait bien inspiré de le renvoyer d’où il vient.

Sur quelques morceaux, l’auditeur a le plaisir de pouvoir entendre de vrais chanteurs (Neil Hannon de Divine Comedy, ainsi que Jarvis Cocker de Pulp). Malheureusement, leur seule présence ne parvient pas à sauver les chansons, décidément bien pauvres. Peut-être « Left Bank », avec beaucoup de bonne volonté ? La chanson suivante, « Photograph », est en revanche particulièrement ennuyeuse, et son refrain, énoncé par notre duo de français (ici, on ne peut absolument pas parler de chant), ne restera pas dans les mémoires comme le meilleur moment de l’album. L’écoute de « One hell of a party » se décompose en deux parties : pendant la première, l’auditeur est heureusement surpris de reconnaître le timbre de la voix, et l’élocution particulière de Jarvis Cocker. Malheureusement, l’apathie de la mélodie prend rapidement le dessus, et plombe le morceau.

Le plus frustrant est sans doute que cet album n’est pas mauvais ; il est simplement inutile. Le savoir-faire du groupe est indéniable, quelques aspects de certains morceaux sont même agréables : la majeure partie de « Mer du Japon », par exemple, où pour la première fois de l’album apparaît un rythme un peu plus soutenu, ou encore le début de « Somewhere between waking and sleeping ». Cependant, la plupart du temps, l’impression dominante pour l’auditeur est celle de se trouver en face d’un désolant cache-misère. Pocket Symphony pourrait s’appeler « Talkie-Walkie volume 2 » : même approche sonore, même démarche pseudo-minimaliste. L’arrivée d’instruments japonais (Apparemment, Godin aurait appris à jouer du Koto et du Shamisen), qui devait apporter de nouvelles sonorités et offrir au groupe de nouvelles perspectives, ne s’avère pas très pertinente. Le Japon, par son art du raffinement minimaliste, semble depuis quelques années avoir séduit le duo, mais malheureusement, comme pour Talkie-Walkie, la qualité des morceaux proposés ici est loin de celle des meilleures pistes enregistrées par le groupe. Mettez Pocket Symphony sur la platine, lancez-le, vous pouvez continuer à discuter, vous doucher, prendre l’apéro, faire l’amour, vous raser le tibia gauche, manger une choucroute, repeindre le plafond ou même – soyons fous – vous mettre à bosser, pas de risque que vous soyez dérangé : pas un seul moment frappant, et aucune occasion de relever latête.

Néanmoins, cet album devrait avoir du succès… Puisque Talkie-Walkie a fonctionné, il devrait en être de même pour Pocket Symphony, qui réutilise les mêmes ficelles sans jamais prendre de risque ou apporter d’élément nouveau. Quant aux autres, il paraît probable que tous ceux qui achètent le disque en vinyle auront du mérite s’ils l’écoutent jusqu’à la fin de la face B, et devront en tout cas chercher ailleurs dans la discographie du groupe pour écouter un  bon album.

http://www.pocket-symphony.com/

 

 

Tracklisting :

1. Space Maker  
2. Once upon a time (1er single)
3. Hell of a party
4. Napalm love  
5. Mayfair song
6. Left bank    *
7. Photograph
8. Mer du japon   *
9. Lost Message
10. Somewhere between waking and sleeping
11. Redhead girl
12. Night Sight

 

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8 Commentaires
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labosonic
Invité
13 février 2007 1 h 34 min

Je vais peut-être être un peu moins sévère que toi (mais peut-être ai-je aussi moins écouté l’album que toi et je n’ai pas encore rédigé ma chronique) mais je ne suis pas à proprement parler déçu par ce que j’ai entendu … Effectivement, Air a perdu de son souffle et de son inventivité avec son goût des lourdes basses mais compte tenu des dernières apparitions du groupes, je ne trouve pas cet album si mauvais que ça.

C’est vrai aussi que 5:55 était vraiment un album propret et désespérément ennuyeux de l’équipe de Pocket Symphony. Et que Darkel laissait espérer un peu plus de la fraîcheur qui manque dans cet album (malgré ses défauts, notamment la voix). Peut-être le simple fait que Godrich soit là (je ne l’ai jamais vraiment aimé à part sur Chaos & Creation de Mac Cartney et le Beck) m’avait déjà bridé sur les espérances que je plaçais dans cet album.

Je n’ai pas vraiment à l’heure actuelle l’impression d’être déçu par Pocket Symphony, ni même l’impression de m’être pris une bonne claque dans la gueule, juste entendu un groupe devenu banal qui a rendu sa copie.

avalelejelelava
Invité
24 février 2007 7 h 52 min

Pour le moment, je n’ai pu écouté que les 12 petits extraits en streaming sur le site de Air… et ça m’a l’air extrêmement décevant. En lisant cette chronique, j’avais l’impression de m’entendre, en train de parler du lamentable Talkie Walkie, dont on ne sauve que 3 morceaux, en cherchant bien !!

J’aime beaucoup les musiques minimalistes (que ce soit en électro, en rock ou en hip hop, sans parler du classique), mais là c’est juste chiant. Aucun charisme. Des harmonies gainsbourgiennes qu’ils nous collent depuis Moon Safari, mais là c’est un peu trop.

10 000 Hz legend était donc un accident ? C’est un peu triste. Quant à l’avis sur Godrich.. c’est fou je me suis dit exactement la même chose. Le gars a quand même fait de belles choses (très belles, même) aves Radiohead et Yorke, mais pour le reste (Travis, Beck…), j’ai l’impression que sa production trop belle a tendance à rendre les albums CREUX.

Ska
Invité
Ska
7 mars 2007 6 h 51 min

Assez décevant en effet, si tant est que l’on attendait encore quelque chose de Air après le fade Talkie Walkie.
Effectivement, le disque n’est pas désagréable, mais qu’est-ce qu’on est loin des deux premiers albums et du de celui – magnifique – enregistré avec Alassandro Barrico…
Le problème, avec Air, plus ça va, et plus c’est l’absence de voix intéressantes. Les chansons prennent le pas sur les instrumentaux et ça ne réussit pas trop au duo… Heureusement, Cocker et Hannon – après Barrico – sont là pour apporter leurs timbres graves et tout de suite, ça sonne autrement que la voix mielleuse de Jean-Benoît… C’est aussi à cause de la voix de Dunkel que j’avais eu du mal avec l’album de Darkel… Au final, parmi leurs dernières productions, l’album de Air le plus intéressant, c’est, pour moi, celui de Charlotte Gainsbourg car il charrie (peut-être involontairement) quelque chose de mortifère qui rend le groupe un peu moins lisse que leur musique le laissait entendre ces dernières années… (j’en parlais ici : http://7and7is.over-blog.com/article-3682404.html).
Sinon, Mer du Japon sur ce Pocket Symphony est un chouette hommage au générique français de San Ku Kai ou d’une  quelconque japanimation du début des années 80… On s’en serait bien passé…
Allez ! Je retourne écouter Grinderman et le nouveau Stooges…

G.T.
Invité
G.T.
15 mars 2007 2 h 23 min

Après avoir écouté les courts extraits du début de chaque morceau sur leur site, j’ai vraiment accroché. Ma copine avait beaucoup aimé le précédent, je me disais qu’elle adorerait celui-là et lui ai offert, en lui assurant qu’il est vraiment très bon. Première écoute prometteuse, mais… j’ai beau nous le repasser, rien de vraiment envoûtant. Elle est pas du genre à me dire "il est pourri ton cadeau !", mais j’imagine bien qu’elle est assez déçue… et le même jour, je me suis offert 2 albums, les excellents derniers Amon Tobin et Grinderman. Déjà, s’offrir 2 albums quand t’en offre qu’un à ta copine, c’est pas très classe… mais quand en plus celui que tu lui offre est aussi plat que les deux autres sont excitants… il y a des couples qui se séparent pour moins que ça. On ne dira jamais assez le mal que peuvent faire des albums moyens à la vie de couple. Et c’est pas Air qui va venir s’excuser et m’aider à rattraper le coup.

Je sais, je sais, il existe des tas d’émissions à la télé pour s’étaler sur sa vie de couple, désolé de polluer ton blog avec ça, mais fallait que ça sorte !

G.T.
Invité
G.T.
17 mars 2007 0 h 23 min

Entièrement d’accord. Les artistes devraient assurer le service après-vente… seules dérogations possibles : quand ils prennent de vrais "risques", explorent de nouvelles contrées, ne vont pas où on les attend. Car si c’est pour refaire pareil qu’avant, en plus mou et en moins bien, ce n’est pas qu’un simple manque de respect envers les mélomanes, mais aussi envers eux-mêmes.

Est-ce qu’on se permet, nous, sur nos blogs, de publier deux fois le même article, en ajoutant des fautes et en virant les meilleures idées ?  Je suis bon prince, je n’irais pas jusqu’à demander le rétablissement de la peine de mort pour les artistes qui sortent un album décevant. Mais il y a tout de même des limites !

Sinon, bonne idée, effectivement, les compilations. Mais on est un couple "traditionel", on reste attaché au format "album"…  

Thom
Invité
29 mars 2007 2 h 03 min

Entièrement d’accord !

Alex la Baronne
Invité
30 mars 2007 0 h 35 min

Compte pas sur moi…

Alex la Baronne
Invité
30 mars 2007 3 h 49 min

Ah non, je n’ai pas aimé et pire : un soir d’insomnie, je souhaitais écouter quelque chose de calme. Je m’empare de mon lecteur MP3 où le dernier Air siégeait (je ne l’avais pas encore écouté) et c’était tellement fade que ça a encore retardé mon sommeil pour cause de déception manifeste.

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