(Record Makers 2009)
Depuis quelques années, Air déçoit. Les musiciens avant-gardistes et rêveurs qui se présentaient comme des “electronic performers” enchaînent depuis leur ambitieux 10.000 Hz Legend les albums de pop sucrée et vaguement planante, assez proche de l’easy-listening par moments, sans réellement convaincre.
On a un temps jeté le blâme sur Nigel Godrich, producteur patchouli et consensuel qui les avait poussé à humaniser leur musique et à mettre en avant leur accent franchouillard so romantic pour Talkie Walkie et Pocket Symphony. Bonne nouvelle, pour ce Love 2, le duo versaillais s’est séparé de l’anglais pour ce qui était annoncé comme un retour aux sources : Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel ont construit leur propre studio et conçu l’album de A à Z, sans autre aide extérieure que leur pote ingénieur du son Alf Briat et le batteur californien Joey Waronker, présent sur tous leurs albums depuis Virgin Suicides.
Les premiers extraits entendus laissaient entrevoir un retour à des sonorités électroniques (“Do The Joy” en particulier), la liste des morceaux nous avait fait plaisir – avec l’inclusion de l’excellent “Be A Bee”, dont on attendait la sortie officielle depuis 1998 –, le grand retour de Air semblait enfin annoncé… Malheureusement, après de nombreuses écoutes de Love 2, on est une fois de plus obligés de modérer notre enthousiasme. Il n’y a ici ni la folie douce ni la magie de Moon Safari, ni la profondeur et la beauté morbide de Virgin Suicides, ni l’extravagance et la froideur de 10000 Hz Legend. Cela tient sans doute au fait que le groupe a perdu son groove, cette basse profonde qui donnait de la chaleur et de l’énergie à leur son. Il n’y a qu’à comparer le son de “Be A Bee” interprété sur scène par le groupe en 1998 (via un bootleg célèbre enregistré au Shepherds Bush Empire de Londres) avec la version 2009 pour comprendre qu’on n’a pas du tout affaire au même groupe.
Air possède toujours une certaine aisance mélodique et des séquences d’accord reconnaissables entre mille (“You Can Tell It To Everybody”, “Love”) mais le groupe semble avoir perdu cette légèreté et cette fantaisie qui leur permettait de se lancer dans des délires psychédéliques (comme des reprises délirantes de “50 millions d’amis” au Moog sur la récente réédition de Moon Safari). La technique est là, la créativité un peu moins.
Parmi les bons moments, on notera “Tropical Disease”, qui sort du lot avec ses instrumentations amusantes (et un motif de flûte à bec qui revient sans cesse) mais ressemble étrangement à “Radian” (morceau instrumental fleuve au cœur de 10000 Hz Legend). “So Light Is Her Footfall” est excellent, sans doute parce qu’il cite Gainsbourg dans la forme avec son côté “L’homme à la tête de chou”… et c’est à peu près tout. Le reste de l’album est bien produit mais manque d’intensité. Les morceaux s’écoutent sans passion, sans surprise, peu de moments forts viennent bousculer l’auditeur de son confort. Pire, l’accent anglais de Jean-Benoit Dunckel reste toujours aussi irritant quand il ne le masque pas avec un vocodeur.
On espère que le duo changera de cap au prochain album après cette trilogie d’albums décevants. En 2001, le groupe s’imaginait en duo de bricoleurs coupés du monde dans un studio high-tech surplombant le Grand Canyon. Le groupe possède désormais son propre studio, on espère les revoir un jour retrouver cette ambition démesurée, ce côté enfantin et innocent qui donnait à leur musique une saveur unique. A l’époque leur musique était la bande-son de voyages dans l’espace et de safaris lunaires, aujourd’hui elle assure le fond sonore des salles d’attente de l’aéroport.
Tracklisting :
- Do The Joy *
- Love
- So Light Is Her Footfall *
- Be A Bee *
- Missing The Light Of The Day
- Tropical Disease
- Heaven’s Light
- Night Hunter
- Sing Sang Sung
- Eat My Beat
- You Can Tell It To Everybody
- African Velvet
L’album sur Deezer : www.deezer.com/fr/#music/air/love-2-398592
Vidéo :
“So Light Is Her Footfall”