(Deltasonic 2006)
Il est des albums qui se font attendre. Il en est d’autres qu’on n’espère plus, tellement cette attente s’est révélée interminable, et s’est muée en désintérêt puis en oubli pur et simple. On a bien cru que le premier album de The Basement ne verrait jamais le jour. Quatre années se sont écoulées entre la première fois où on a entendu parler de ce groupe et la sortie de Illicit Hugs And Playgroung Thugs. Une éternité. A titre de comparaison, The Coral, leurs potes de Liverpool signés sur le même label, ont sorti quatre albums dans le même laps de temps et s’apprêtent à en sortir un cinquième.
En 2002-2003 tout semblait pourtant sourire à ce groupe au patronyme tiré de “Subterranean Homesick Blues” (“Johhny’s on the basement / mixin’ up the medicine / I’m on the pavement / thinkin’ about the government…”) de Bob Dylan. Deux singles dignes de Bringin It All Back Home (“Medecine Day” et “Slain The Truth“) annonçaient un album blues–rock dylanien plein d’énergie, leurs nombreux concerts laissaient entrevoir la sortie imminente d’un album… et puis rien. Silence radio pendant deux ans, jusqu’à 2005 et le single “Do You Think We’re Movin’ On”, plus folk, plus introspectif. Peu importe : le vent avait tourné et plus personne ne s’intéressait à ce genre de musique alors que Franz Ferdinand, Kaiser Chiefs et Bloc Party étaient les nouvelles têtes d’affiches. L’époque des White Stripes et des Strokes, propice au retour à un son cru et authentique était révolue, The Basement avaient laissé le wagon partir sans eux.
Lorsque sort Illicit Hugs And Playground Thugs en 2006 – soit encore un an après leur dernier single – il doit y avoir moins de trente personnes dans le monde que ça intéresse. Première surprise : les trois singles du groupe n’y figurent pas (on vous souhaite bon courage pour les dégotter, même en téléchargement). Pas ailleurs, le son du groupe a sensiblement changé. Le groupe blues-rock au son garage de 2002 a laissé place à un ensemble folk-rock aux sonorités americana qui produit une musique apaisée et pastorale, proche de Neil Young et du Dylan du début des années soixante-dix. Si The Basement jouaient comme les Hawks en 2002, en 2007 ils sont The Band. La morgue des premiers singles est disparue, tout comme l’orgue à la Al Kooper, jadis omniprésent, tout comme l’énergie rock’n’roll et le côté échevelé qui rendaient ces morceaux jouissifs.
Illicit Hugs And Playground Thugs est à ce titre une déception. On n’entend pas le groupe auquel on s’attendait. L’album est pourtant loin d’être mauvais. The Basement sont des musiciens doués et dotés d’un sens de la mélodie appréciable. Leur chanteur John Mullin – outre le fait qu’il soit le clone vivant de George Best – possède une voix rare, granuleuse et éraillée, qu’on adore ou qu’on déteste. Cette voix intemporelle, ajoutée à l’ambiance pastorale de la musique, donne une authenticité country-folk au disque. On se croirait dans l’Amérique des années cinquante, quelque part entre Nashville et Memphis. Les blues poignant de “Autumn’s Gone” et la country de “Roadtrip” portent en eux un univers entier – on imagine sans peine le groupe jouer dans un saloon poussiéreux. Des morceaux magnifiques comme “I Just Caught A Face”, “Just A Dream”, “It Won’t Be Long”, “When Tomorrow Comes” sont des ballades enjouées qui possèdent le charme ensoleillé du meilleur de l’americana. Le versant triste de l’album est moins intéressant. “It’s Kinda Love” et “Cheapest Mistake”, tentent désespérément d’arracher des larmes à l’auditeur quand on voudrait qu’un morceau enlevé vienne relancer la machine. “Night’s Gone Blue” et “Ever Had A Feeling” pourraient figurer sur Music From Big Pink de The Band et représentent le genre de country-folk molassonne que les fans de Dylan et Springsteen apprécient – pas infâme mais souvent chiant. On préfère largement lorsque le groupe joue une pépite folk telle que “Summertime”, qui est peut-être le meilleur morceau ici.
Comme on préfère Bringin’ It All Back Home à Nashville Skyline, on préférera toujours les chansons des premiers singles à celle de Illicit Hugs And Playground Thugs. Sans doute a-t-on plus vécu avec elles. Il n’empêche que cet album trop méconnu est fortement recommandé aux fans de folk, blues et rock que la new wave insupporte.
Tracklisting :
1. Autumn’s Gone *
2. Summertimes *
3. It Won’t Be Long
4. When Tomorrow Comes *
5. Never Looked Around You
6. When The Night’s Gone Blue
7. Roadtrip
8. It’s A Kinda Love
9. I Just Caught A Face *
10. Ever Had A Feeling
11. Just A Dream
12. Cheapest Mistake
Vidéos :
“I Just Caught A Face”
Vinyle :