(Rough Trade 2011)
Après une année de tâtonnements et de recherches, la mue des Strange Boys est désormais accomplie. Live Music (prononcer “live” comme dans “olive”) témoigne de la professionnalisation et de l’assagissement du groupe depuis son extraction de l’underground, un titre qui évoque une passion (“vivre par la musique”) mais aussi une nécessité (“vivre de la musique”).
Be Brave, l’album précédent, avait projeté le groupe parmi les plus en vogue du moment avec son tube homonyme à l’ambiance jazzy-coolos, mais avait néanmoins été conçu dans la douleur. Le groupe vivait alors une période de dissensions, de choix de vie divergents qui finirent par le mener à l’explosion. Afin de sauver les meubles, le chanteur Ryan Sambol chantait seul à la guitare de nombreux titres, et on ne retrouvait pas dans cet album la cohérence et le formidable enthousiasme des débuts glorieux de … And Girls Club.
Live Music documente donc la renaissance du groupe autour des frères Sambol (Ryan, guitare, chant félin et guitare, Philip, basse), sa réinvention naturelle en tant que groupe rock aux solides racines blues et folk. Avec ses ambiances de saloon et son piano de bastringue (omniprésent sur “Me And You”, “Saddest”), il règne sur l’album une atmosphère bluesy qui évoque les Rolling Stones de Let It Bleed (“Doueh”, “Mama Shelter”) ou le Dylan qui jouait dans la cave de Big Pink avec The Band (“Saddest”).
Fait amusant, chaque moitié de l’album provient d’une session d’enregistrement différente. La face A, enregistrée la plus récemment, est de loin la meilleure, ce qui est plutôt de bon augure pour l’avenir. Dommage toutefois que les nombreux titres acoustiques en face B – décidément une sale manie chez les Strange Boys – viennent souvent casser le rythme, car lorsque le train est lancé, il est irrésistible. De leur passé de branleurs garage-rock qui leur valut à un moment d’être comparé aux Black Lips, les Strange Boys ont gardé un sens du rock’n’roll échevelé qui dynamite cet album à la couleur folk-rock. “Punk’s Pajamas” et surtout “Omnia Boa” témoignent d’une virtuosité étonnante. Sambol, de sa voix plaintive qui évoque souvent dans son éraillement celle de Pete Doherty.
Preuve que les Strange Boys sont plutôt revenus en forme, ils nous gratifient encore d’un plagiat des Kinks. Après “MLKs” qui pompait “A Well Respected Man”, “My Life Beats Me” cite à de nombreuses reprises “Act Nice And Gently” des frères Davies. Quel dommage seulement que ce titre – placé en neuvième position sur 14 morceaux, ou en deuxième position sur la face B du vinyle pour les gens sérieux – soit le dernier bon morceau de l’album. Car en ratant complètement leur fin d’album, les Strange Boys laissent circonspects. Après la déception de Be Brave, le fait que Live Music tombe en panne à mi-course n’a pas levé nos doutes quant à leur direction folk-rock et leur véritable potentiel. En 2009, les Strange Boys étaient le jeune groupe le plus emballant des Etats- Unis, en 2011 ils sont sagement rentrés dans le rang.
Tracklisting :
01. Me and You *
02. Walking Two By Two
03. Doueh *
04. Punk’s Pajamas *
05. You And Me
06. Omnia Boa *
07. Mama Shelter
08. Saddest
09. My Life Beats Me
10. Over The River And Through Woulds
11. Right Before
12. Hidden Meanings, Soul Graffiti
13. You Taking Everything For Granite When You’re Stone
14. Opus
Vidéos :
“Me And You”