skying

THE HORRORS – Skying

Insaisissable

(XL 2011)

S’il est bien un groupe insaisissable et difficile à cerner dans la scène rock actuelle, c’est bien The Horrors. Depuis leurs tonitruants débuts sous forme d’un monster-show garage, la troupe de Faris Badwan a entamé une mue d’autant plus étonnante qu’elle les a vu opérer une relecture personnelle de tout ce qui s’est fait en matière de rock depuis 40 ans.

Strange House avait les deux pieds dans les années 60 et montrait un groupe qui se plaçait dans l’héritage de Screaming Lord Sutch et des productions de Joe Meek. Primary Colours marquait un tournant vers des sonorités électroniques, et le groupe jouait une musique aérienne, impalpable, marquée autant par le kraut hypnotique de Neu! que par le shoegaze du début des années 90.

Avec Skying, The Horrors s’attaquent à une décennie et à des sonorités honnies de tous les tastemakers les plus arrogants et snobs. En revisitant les années 80 par la face Simple Minds, The Horrors prennent un risque artistique encore plus vertigineux que lorsqu’ils ont troqué leurs guitares Phantom pour des séquenceurs en 2009. Le résultat, évidemment, ne peut plaire à toutes les oreilles : le public a adoubé cet album (n°1 des ventes en Angleterre), mais les critiques sont restées sur leur réserve. On les comprend. Skying est un album dans lequel il faut un certain temps pour entrer, et dont la vitesse de croisière si peu rock’n’roll déconcerte au premier abord.

En plaçant deux morceaux lents en ouverture, The Horrors ont fait en sorte de désarçonner les auditeurs non préparés. Un coup malin, mais à double tranchant : “Changing The Rain” avec ses nappes,de synthés et sa rythmique vrombissante convainc par son étrangeté et son audace. A l’inverse, “You Said” ne parvient pas à capitaliser sur l’effet de surprise. Ce morceau long et laborieux fait craindre le pire concernant la suite de l’album, d’autant que les sonorités qui le traversent sont souvent horripilantes.

Heureusement, les choses s’accélèrent dès les morceaux suivants, qui viennent donner de la profondeur et de l’énergie à l’album. Les bons morceaux se font alors légion : “I Can See Through You”, nerveux et stratosphérique, le post-punk de ‘”Endless Blue” qui évoque Interpol, la superbe “Dive In” où la voix de Faris Badwan envoûte, bien servie par une mélodie accrocheuse, le kraut emballant de “Moving Further Away”, la pop atmosphérique de “Oceans Burning”.

Et le son me direz-vous ? Très bon, merci. Malgré leur usage forcené de synthétiseurs estampillés 80s, The Horrors parviennent à ne pas tomber dans la mélasse. La grâce en soit rendue à leur section rythmique, impeccable d’un bout à l’autre de l’album. Sèche, dépourvue d’effets, jamais la batterie ne sonne comme dans les terrifiants morceaux 80s des compilations de mariage. Au cœur de tous les morceaux, la basse de Rhys Webb tient l’édifice avec un certain à-propos. Ici réside la formule gagnante de Skying : sans rythmique à la hauteur, inutile de tenter quelconque expérimentation.

Si on arrive à écouter “Still Life” sans grincer des dents pendant les descentes de clavier ou les trompettes, c’est avant tout parce que le groupe est solide et qu’il a su rester intransigeant sur les bases de sa musique. Sébastien Tellier avait enregistré son premier album sans batteur, car il savait qu’un mauvais son de batterie pouvait couler un album. Conscients de ce fait, The Horrors n’ont pas embourbé leur rythmique dans les artifices synthétiques, pour le bénéfice de l’album.

Ambitieux, riche, irritant, usant par moments, mais souvent passionnant Skying est l’album le plus dérangeant de l’année 2011. Selon l’humeur, on peu le trouver trop mou ou sur-produit, tout comme on ne peut que s’agenouiller devant sa flamboyance et sa créativité à d’autres moments. On ne sait dans quelle direction vont partir les Horrors pour leur prochaine étape – à vrai dire on craint le pire – mais dans son incarnation actuelle, le groupe est toujours extrêmement convaincant et parvient encore à surprendre. Un véritable tour de force ces jours-ci.

 

 

Tracklisting :

  1. Changing the Rain
  2. You Said
  3. I Can See Through You *
  4. Endless Blue
  5. Dive In
  6. Still Life
  7. Wild Eyed
  8. Moving Further Away *
  9. Monica Gems
  10. Oceans Burning *

 

Vidéos :

 “Still Life”

 
“I Can See Through You”
 
 
 

Vinyle :

The Horrors - Skying

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9 Commentaires
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Julien
Invité
Julien
10 octobre 2011 8 h 44 min

arrrf grosse déception ici, dans cette musique synthétique la frontière entre le chiant et le sublime tient parfois à peu de chose, Dive In est affreux, Moving further away est sublime, hélàs,
c’est avec les tranchants I can see through of you et Endless Blues les seuls titres que je sauve de ce disque …

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