WU LYF – Go Tell Fire To The Mountain

Baudruche

(LYF Recordings 2011)

Un orgue d’église, une batterie emplie d’écho, des guitares carillonnantes, un chant animal, un nom ronflant (“World Unite Lucifer Youth Foundation”) : tout est exagérément over the top chez les anglais de Wu Lyf dont le premier album soulève l’enthousiasme des deux côtés de la Manche.

Qu’un groupe aussi médiocre rencontre un tel succès critique a pourtant de quoi surprendre. Les grosses ficelles utilisées par Wu Lyf sont classiques. Le râle d’Ellery “Rod Stewart à 3 grammes” Roberts semble fasciner les foules tout autant que les thématiques taillées pour les fans de Twilight et Da Vinci Code. La grandiloquence des morceaux – qui, après des océans de platitude, explosent invariablement dans des refrains beuglés par le chanteur  – frappe par son ineptie.

Ces pièces montées qui n’autorisent au groupe que de varier entre emphase triomphante et moments d’émotions sur-affectés lassent rapidement. Rien n’est épargné à l’auditeur dans cet album où les mélodies n’ont pas droit de cité. Les effets en forme de cache-misère se multiplient (amateurs de reverb, ce disque est fait pour vous), le groupe recycle le coup vieux comme le monde de la marche militaire pop (“Such A Sad Happy Dog”), reprend des plans à Vampire Weekend (“We Bros”), le chanteur geint du début à a fin dans un charabia incompréhensible, le groupe refuse toute notion de groove et, surtout, ne propose aucune véritable chanson digne de ce nom. Une belle entourloupe.

Non, le génie de ces mancuniens réside surtout dans leur stratégie de communication. Wu Lyf ont compris les vertus de l’anonymat : masquez vous, répondez aux interviews de façon élusive, refusez les sollicitations des organes de presse sensationnalistes tels que le NME (mais faites néanmoins savoir sur le net que vous avez refusé de leur répondre). Ajoutez à cela une pincée de paranoïa et de mystique (“Lucifer Youth”, vraiment ?), une imagerie religieuse opaque, des titres obscurs (“Spitting Blood”, “14 Crowns For Me & Your Friends”), donnez l’impression que vos fans sont membres d’un club fermé (en mettant en vente votre démo ultra-limitée qui comprend le foulard d’adhésion au club à £50), enregistrez votre album dans une église désaffectée, et vous rendrez le groupe encore plus impénétrable et fascinant que les Francs-Maçons, les Illuminatis et la Skull & Bones Society réunis. Avant même d’avoir publié le moindre morceau, Wu Lyf était le groupe le plus cool du monde. Un rêve pour les geeks et pour les dirigeants de maisons de disques. Même pas besoin de faire de la musique pour être attendu comme le grand groupe de demain.

La vérité malheureusement, c’est que Go Tell Fire To The Mountain est un album pénible. Si on n’a aucun mal à croire que les prestations live du groupe sont fascinantes, on imagine que c’est essentiellement en raison de l’attitude de la foule dévote dont le comportement est proche de l’hystérie. Wu Lyf est le groupe qu’il faut aimer. Ceux qui ne le font pas sont des imbéciles, des infidèles. Ne vous méprenez pas pourtant, il n’y rien de révolutionnaire dans la musique de ce groupe qui navigue dans des eaux balisées, maintes fois abordées, quelque part entre la grandiloquence d’Arcade Fire,  l’indie caverneuse US dans l’air du temps (Beach Fossils, Shimmering Stars…) et la scène 80s de Manchester (Happy Mondays). Wu Lyf est la plus belle baudruche de l’année, vivement qu’elle se dégonfle.

 

 

Tracklisting : 

1. LYF
2. Cave Song
3. Such A Sad Puppy Dog
4. Summas Bliss
5. We Bros
6. Spitting Blood
7. Dirt
8. Concrete Gold
9. 14 Crowns For Me & Your Friends
10. Heavy Pop

Le site officiel du groupe : www.wulyf.org/ (on a d’ailleurs rarement vu un site où un groupe mettait autant de liens pour vendre son album – cf la section “Buy $hit”)

 

Vidéos :

“Heavy Pop”

 
“We Bros”
 
 
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young-men-dead
Invité
young-men-dead
16 août 2011 0 h 59 min

Tout à fait d’accord ! Ce qui est drôle aussi, c’est comment les “journalistes”, en adoration devant le plan com’, ont tenté de vendre leur musique une fois l’album sorti, pour pas perdre la
face…j’ai lu des trucs assez mémorables, à l’image du son : très laborieux !

(PS: le clip “spitting blood” est ridicule aussi)

Marc
Invité
Marc
16 août 2011 3 h 46 min

100% d’accord avec cet article. Suite à la véritable bulle spéculative autour de ce groupe (sur tous les sites spécialisés où je me rendais, le groupe avait droit à une page, à un dossier
spécial, …), les critiques étaient au-delà du dithyrambique : on avait l’impression que Dieu avait débarqué sur Terre et avait balancé un disque absolument monstrueux et faisant date dans
l’histoire du rock.

 

Ayant assez naturellement prêté une oreille attentive à ce groupe, j’en suis ressorti déçu, et avec l’impression de m’être fait avoir comme une bleusaille. L’album est, on l’a bien compris, assez
terne, fade, avec l’insupportable voix de chien battu du chanteur, et bien loin de l’album génial tant vanté unanimement par la presse spécialisée.

 

Bref, après tant de déceptions, je vais m’écouter les Kinks, faut se remettre de ses émotions bon sang.

Marc
Invité
Marc
16 août 2011 4 h 00 min

Je viens de trouver une critique
de l’album assez drôle
, et qui rejoint dans les grandes lignes celle de notre cher blog adoré, chéri, et vénéré :

 

     “Chaque année, il y en a un, maximum deux comme ça, des groupes qui, comme par hasard, affolent tout à coup l’ensemble des médias mainstream
(Libeleraminrocks), qui eux même s’appuyent sur la caution d’un supposé buzz affolant “sur les blogs” et autres sites influents. Ici, même les habituellement plus pointus Magic R.P.M. sont tombés
en over-réaction totale : les WU Lyf de Manchester (c’est toujours vendeur, comme géolocalisation !) seraient donc LE buzz de l’été 2011 ! Certes ils ont habilement mené leur
barque, sachant rester mystérieux et créer de la rareté à l’heure de l’immédiateté du web. Invitant même leurs premiers fans à adhérer à leur fumeuse Lucifer Youth Foundation, avec à la
clé la gratuité à vie pour entrer à leurs concerts (certes, après 6 mois d’existence, ça n’engage pas à grand-chose)… Et sinon, musicalement ?
Le groupe pratique un étrange – et pas tellement digeste – mélange : mélodies minimalistes à l’orgue, guitares et batteries pop ou afro-pop, et hurlements geignards constants posés dessus.
Attention ! Il serait malhonnête de dire que WU Lyf n’a pas un son original, et même quelques airs assez marquants, sur des orchestrations quelque part entre The
XX
(pour les mélodies minimalistes) et Vampire Weekend (pour les rythmiques). Et puis chacun connaît la vibration d’un orgue ou d’une guitare enregistrés avec la
“reverb” naturelle d’une église (où ils ont tout enregistré) : c’est forcément, “scientifiquement”, très beau par instants !
Mais le tout, hélas, sert uniquement de support aux braillements rapidement urticants d’un certain Ellery Roberts (presque systématiquement doublés d’ailleurs, comme pour être
deux fois plus gonflants ?). Un peu comme si leur album devait être poignant du début à la fin, ce qui ne marche pas, bien sûr ! On a juste envie de crier : “Assez de cruauté, au nom
du ciel, libérez ce malheureux du pilori, sortez ses pieds des braises incandescentes, cessez de le fouetter au sang, relachez enfin l’étau cruel qui lui compresse les roubignoles !”
… Et
comme ça n’arrive hélas jamais, voilà que des titres comme Such a sad Puppy Dog, Summas Bliss, 14 Crowns… ou la finale Heavy Pop, potentiellement assez
grandes chansons, sont littéralement fracassées par cette voix abominable. Bon. Admettons qu’elle puisse plaire, des goûts et des couleurs, tout ça.
Reste l’autre grand problème d’un groupe qui devait être le buzz saisonnier : début juillet 2011, ils ne s’en sortaient toujours pas sur scène : batteur, guitariste et chanteur sont encore des musiciens aux compétences clairement limitées.
Depuis, relire un interview d’eux a permis de comprendre beaucoup de choses : leur album a été, avouent-ils, “sauvé” par un producteur qui a rendu leurs enregistrements audibles, en remontant
tout de zéro. Et enfin, cerise sur le gateau, leur chanteur (enfin, hurleur) de 20 ans est complètement mégalo – “Je n’ai pas d’influences, je suis chanteur dans mon groupe préféré !”,
ce genre – voilà pourquoi il est immédiatement insupportable en live, comme il l’était déjà instinctivement à la première écoute.
Bref, laissons-donc Rock en Seine se gargariser d’avoir réussi, chéquier en poche, à les choper au dernier moment ; l’an prochain à n’en pas douter, ils rejoindront le grand cimetière des
groupes-sans-avenir-marketés-pour-une-saison. Inutilement méchant ? Okay, alors que celui ou celle qui écoute encore Clap Your Hands Say Yeah, The Rapture, The Kooks, Passion Pit,
Friendly Fires, The Wombats, Hot Chip
et tant d’autres one summer wonders, nous jette la première pierre…” 

 

 

Ou sinon, pour prolonger le Wu-Lyf Bashing (futur exercice à la mode sur ce blog), lisez tout d’abord la chronique des Inrocks sur ce groupe (très drôle, à la fin de l’article, on a
l’impression d’assister à l’avènement de U2 dans la branche assez chiante du rock héroïque et pouet-pouet), puis les commentaires en bas de page, où le magazine français se fait royalement
tailler un costard par tous ses lecteurs. Divertissant.

Lars
Invité
Lars
16 août 2011 0 h 05 min

ahah vive la drogue.

Pistol Pete
Invité
17 août 2011 4 h 50 min

Ca fait plaisir de lire une critique comme celle la ! Ou plutôt deux critiques comme cella la ! Merci !

pixieson
Invité
pixieson
17 août 2011 8 h 05 min

Et merde, je me suis fait roulé, disque faussement dangereux et prude. J’ai voulu croire la presse papier et maintenant, il va prendre la poussière avant de servir comme dessous de plats !

Dr.Nichon
Invité
18 août 2011 1 h 56 min

Ouais, c’est la disette, les next big things, c’est vraiment plus ce que c’était…

…parce que perso, j’écoute encore Hot Chip et The Rapture !

Marc
Invité
Marc
18 août 2011 4 h 29 min

Tu es donc officiellement autorisé à lui jeter la première pierre

Dr.Nichon
Invité
13 décembre 2011 1 h 24 min

je les ais vus sur scène à Rouen la semaine dernière, et je m’étais pas autant ennuyé à un concert depuis un bon moment ! j’ai tenté d’évincer tous mes a priori pour embrasser de face la fougue
de ce jeune groupe prometteur et plein d’avenir… apparemment la plupart des membres se sont fait encore plus chier que moi excepté le bassiste relativement enjoué et le chanteur n’hésitant pas
à lâcher quelques blagues faisant passer la pillule… exception faite, c’était plat comme une planche à pain. un vrai pet foireux d’1h20 !

alextwist
Invité
14 décembre 2011 9 h 14 min

ça doit faire assez mal aux fesses un pet aussi long!

Yves
Invité
Yves
13 juillet 2012 2 h 26 min

HAHAHAHAHAHA!

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